Analyse post-starckisme
Depuis trois ans, Thomson Multimédia gère l'après-Starck. En isolant nettement les projets avant-gardistes d'une production plus consensuelle, qui laisse l'impression que la société veut un peu excuser l'extrémisme de Starck.
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Estimé à un minimum initial de 14,6 milliards de francs, Thomson Multimédia
est entrée en bourse le 3 novembre dernier. Alors que l'ancien Premier ministre
Juppé la proposait au franc symbolique, la société a opéré en trois ans un net
redressement. Une date qui correspond au départ de Philippe Starck et du
président de l'époque, Alain Presta. « Le gourou est parti mais il avait
constitué une véritable équipe qui a retrouvé ses marques sans lui. Nous avons
déposé le nom de notre structure, le Tim Thom, et créé son logo - jusqu'alors
il demeurait une appellation interne. Nous communiquons maintenant vers
l'extérieur », raconte Gérard Vergnault, qui a pris sa succession à la tête du
Tim Thom, l'équipe de 22 designers intégrés. Starck avait voulu tenter
l'expérience du “tout design”. Aujourd'hui, le Tim Thom joue plus profil bas. «
Le design avait pris le pouvoir, il a eu ensuite moins d'impact. Mais au niveau
design, on n'a rien cassé », explique Gérard Vergnault.
Des produits d'image...
La nouvelle segmentation, avec une offre grand
public redevenue assez conventionnelle, isole toutefois nettement l'aspect
“découvreur” de l'équipe de designers. Les projets les plus novateurs
constituent dorénavant la Collection Line. Elle est vendue sur Internet et dans
des boutiques type Conran ou Axis. « Ce sont des produits d'image, une sorte de
laboratoire », explique Gérard Vergnault. Philippe Starck avait insufflé
beaucoup d'audace aux produits de la maison, trop ont estimé certains. C'est
néanmoins cette vigueur qui permet aujourd'hui à l'entreprise de continuer sur
sa lancée d'étonneur technologique. Début décembre, elle sort une petite télé
de cuisine, premier produit de la gamme Thomson Life. Avec une version
entièrement en inox baptisée Xinox : très peu de technologie apparente, une
grosse poignée pour induire la mobilité de l'appareil. Côté avancées
techniques, la société a présenté en septembre à Berlin une palette de
nouveautés : la première gamme de téléviseurs interactifs. Développés par sa
filiale TAK, ils permettent l'accès à Internet et l'envoi d'e-mails ; le
Navivox, un ensemble TV-magnétoscope à télécommande vocale (conçu par une
société extérieure, elle est d'un style particulièrement daté) ; trois nouveaux
téléviseurs translucides ; des nouveautés en DVD et en home cinéma et une
nouvelle version de son écran plasma Wysius, toujours aussi cher, même si son
prix a déjà baissé de 25 % en deux ans.
... Et des produits sages
Côté offre grand public, en dehors de quelques standards
dessinés sous l'ère Starck et qui restent des best-sellers, les gammes sont
retournées à plus de sagesse formelle. « Nous nous concentrons sur la qualité
de l'image et du son, avant de chercher la personnalisation », explique Gérard
Vergnault. Dans un dépouillement proche de B&O ou Loewe, les téléviseurs
Scénium jouent la couleur soft. L'effet i-Mac ? Gérard Vergnault s'en défend. «
Nous avons depuis longtemps aux Etats-Unis une télé toute transparente pour les
cellules des prisons. » N'empêche que le grand public, hormis quelques modèles
dont Zoé et Jim Nature, a dû se contenter jusque-là de la boîte noire. « Avec
Starck, on a appris à bouleverser les codes. Mais on sait aussi qu'on ne peut
pas aller trop loin si l'on entend toucher 98 % du marché. Trop d'innovation
tue l'innovation. »
Le Tim Thom s'expose au Bon Marché
Du 6 au 24 décembre, le Bon Marché accueillera l'exposition “Tim Thom ou le design selon Thomson”. Elle dévoilera les nouvelles créations du centre de design, les “produits de rêve” qui, une fois édités, viennent enrichir ce que Thomson Multimédia appelle désormais la Collection Line. D'abord composée de radios et radio-réveil, elle s'enrichit aujourd'hui d'une gamme de produits en porcelaine. Une matière très intéressante en termes de diffusion des ondes sonores. On découvrira un répondeur en porcelaine, conçue comme une boîte précieuse. Mais surtout un objet étonnant qui s'apparente au mortier et pilon, logo de la marque Roc, et qui n'est autre qu'une radio. Le pilon, fixé au centre du pot exerce une rotation autour du pot qui permet de changer les fréquences. Incongru, l'objet interloque. Pour découvrir ces objets en avant-première : www.collection-line.com.