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Créativité : les annonceurs en plein DOOHte
Alors que l'affichage digital ne cesse de progresser, tant en nombre d'écrans qu'en investissements publicitaires, les afficheurs s'étonnent de ne pas voir en France autant de campagnes créatives qu'à l'étranger. À raison ?
C'est devenu une habitude : en 2018, comme les années précédentes, le média Out of Home est en croissance (+2,3 %), tiré en grande partie par l'affichage digital (+22,3 %). Avec 163 millions d'euros de chiffre d'affaires, le DOOH pèse 13,14 % des recettes de la publicité extérieure (1,24 milliard d'euros en 2018), contre 10,97 % en 2017. Et les résultats du BUMP pour le premier trimestre 2019 confirment cette tendance, avec une hausse de 26,5 % des recettes du DOOH. Une progression qui s'explique par la hausse du nombre d'écrans : " En 2019, on en comptabilise 55 000 en France, contre 40 000 en 2017. Et il devrait y en avoir 5 000 de plus d'ici à la fin de l'année, tant dans la rue, qui se digitalise de plus en plus, que dans les univers transports et shopping, avec de nombreux appels d'offres récents ou à venir ", indique Antoine Bréton, CEO de l'agence MAD Conseil, qui détaille : " Outre l'appel d'offres de la RATP, in-Store Media a récupéré des faces chez E.Leclerc, et Médiaperformances et Smartmedia chez Cora, JCDecaux a installé des écrans chez Monoprix et il y a du mouvement chez les foncières comme Unibail, après le rachat de Westfield. Et il faut aussi compter avec des acteurs comme Dooh You Like, une petite régie qui équipe les magasins de proximité de moins de 400m², Fill Up Media et les stations-service ou encore IDS Media et les pharmacies ... Au total, les petits formats représentent environ 50 % de l'ensemble. "
Cette croissance s'explique aussi par les particularités du média DOOH, comme le rappelle Valérie Decamp, directrice générale de Médiatransports : " Il allie la puissance en matière de reach et de répétition de l'affichage classique, en gommant les contraintes liées à la logistique de la mise en place des campagnes. On se rapproche plus de la flexibilité du digital. Aussi, la qualité des écrans et la vidéo séduisent plus facilement les annonceurs : le chiffre d'affaires du DOOH est en croissance chez nous de 60 % ces cinq dernières années. " Paradoxalement, le DOOH se distingue aussi avantageusement du digital : " Nous pouvons aussi cibler des audiences spécifiques, sans que nos publicités soient vues par des robots ! Et nous offrons aux annonceurs des environnements exclusivement " brand safe " ", avance Adrien Figula, directeur du DOOH chez JCDecaux, alors que les KPI, tiers de confiance et autres certifications se mettent en place sur ce média.
Le DOOH, encore trop souvent absent des briefs ?
Malgré cette croissance, certains afficheurs mettent en avant le peu de campagnes créatives DOOH, du moins sur le marché français. Une question débattue en février lors de l'ouverture du Grand Prix de la Communication extérieure 2019, organisé par l'UPE. Tous les ingrédients sont, en effet, réunis pour permettre aux créatifs de faire vivre ce média, de la contextualisation offerte par un système d'achat qui se rapproche du programmatique aux nouveaux formats déployés ... en passant, bien sûr, par les agences intégrées lancées par les afficheurs ! " Les agences média sont encore très silotées, et pensent au DOOH en dernier lors de la mise en place des campagnes. Il n'y a pas de brief dédié, et on se retrouve à animer une affiche statique ou à simplement décliner une copie TV ", analyse Valérie Decamp. " Historiquement, la France a une culture de l'affiche classique : nous avons donné naissance au leader mondial, JCDecaux ! Aussi il existe une couverture OOH telle que le DOOH met plus de temps à se développer qu'au Royaume-Uni, en Australie ou aux États-Unis, par exemple. Or, plus le réseau DOOH est important, plus les budgets médias investis le sont aussi, ce qui justifie des budgets créatifs équivalents ", ajoute Romain Dublanche, managing director d'in-Store Media France. Comme lui, Sébastien Romelot, CEO de Phénix Groupe, avance le manque de maturité du DOOH comme explication : " Le DOOH est un nouveau média, différent du mobile et de la télévision. Les écrans s'inscrivent dans un contexte qui n'est pas le même qu'une pub sur un site web, et rares sont encore les campagnes à exploiter ce potentiel. "
Néanmoins, il reconnaît que des passerelles existent, alors que les contenus des marques sur Instagram ou Snapchat sont souvent de meilleure qualité qu'en DOOH, pour des formats pourtant homothétiques. Un point sur lequel Sébastien Romelot est rejoint par Damien Melich, directeur de La Rue/Inspiring Outdoor chez JCDecaux : " On voit se développer une culture graphique et narrative, plus proche des réseaux sociaux, avec l'utilisation des sous-titres et des formats 9/16e qui se rapprochent du 2m² vertical en DOOH. Ces formats snackable content', plus courts et impactants, vont être de plus en plus connus et intégrés aux briefs. " De quoi, selon lui, acter le passage au SOOH, pour Social Out Of Home. Une évolution sectorielle dont Clear Channel et Phénix étaient jusqu'à présent les leaders, via leur partenaire respectif Brut et Melty.
Mais la créativité pourrait-elle également passer par le développement de l'achat programmatique, qui faciliterait pour les annonceurs l'achat du DOOH, tout en leur donnant de nombreuses possibilités de contextualisation ? " Au contraire ! Si le programmatique en DOOH suit l'exemple de ce qui se fait sur le Web, il y aura une logique de template et peu de richesse créative, avertit Emmanuel Pottier, dga en charge de la stratégie et de la transformation digitale de Clear Channel. L'intérêt du programmatique est la baisse des coûts de diffusion, mais cela risque aussi d'entraîner une perte de valeur pour les afficheurs. "
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Contextualisée et interactive : la recette d'une bonne campagne DOOH ?
" Il ne suffit pas de diffuser une vidéo pour faire de l'affichage dynamique ! Souvent, la vidéo a été pensée pour la TV ou les réseaux sociaux, et pas vraiment pour le DOOH, alors que les usages autour de ces médias sont très différents ", alerte Tashi Bharucha, directeur de la création chez Clear Channel. Alors, quels sont les ingrédients spécifiques au DOOH ? " Chez Biborg, nous utilisons régulièrement les innovations comme la gamification, l'AR et la VR ... En DOOH, cela relève souvent de l'activation événementielle, mais les retombées sociales sont un autre moyen de toucher les gens et de travailler la mémorisation. En DOOH pur, nous aimons la contextualisation, comme nous l'avons fait sur la campagne Narcos, où le message s'adapte au lieu de diffusion ", explique Léna Gautier, planneuse stratégique chez Biborg, qui réalise chaque mois une sélection des meilleures campagnes DOOH pour e-marketing.fr. Une analyse partagée par Jean-François Sacco, cofondateur de l'agence Rosapark, qui, lui aussi, voit rarement des campagnes DOOH intéressantes, " y compris en tant que membre du jury à Cannes ! En effet, nous recevons peu de briefs portant sur le DOOH ... Un bon exemple d'interaction et de contextualisation est cette campagne où les cheveux d'un mannequin s'envolent à l'arrivée du métro. Mais on ne peut pas la reproduire sur 1 000 faces ! "
Très proche d'une activation événementielle car liée aux réseaux sociaux, mais reproductible à grande échelle : tous nos intervenants citent la campagne réalisée par Monoprix, Rosapark et JCDecaux, avec la solution d'Elise Technologies, dans laquelle le créateur de la dernière collection prêt-à-porter de l'enseigne, d'abord flouté, était révélé au fur et à mesure que les internautes tweetaient au sujet de l'opération. Mais les campagnes qui essaient de créer une interaction entre un écran et le smartphone des passants se révèlent souvent des échecs selon les afficheurs, qui continuent toutefois à équiper une partie de leurs écrans en NFC, en espérant que les usages évoluent. " En DOOH, une interaction réussie se passe de mobile. Il y a des interactions simples, faciles à reproduire. Je pense à la campagne pour le film The Meg , qui, avec un simple message 'Touchez l'écran à vos risques et périls' , provoquait la curiosité des passants, qui, ce faisant, réveillaient le requin ", avance Léna Gautier. " C'est une très bonne idée : plutôt qu'un extrait du film, on imagine un contenu DOOH à part entière ", réagit Jean-François Sacco. Enfin, d'autres campagnes jouent sur la connexion entre deux écrans dans des lieux différents et les potentielles interactions entre ceux qui passent à proximité, joueurs d'échecs expérimentés ou non ...
Quand social media et DOOH renouent le dialogue
Si des ponts existent entre l'affichage dynamique et les réseaux sociaux, comme l'illustrent les opérations menées avec Elise Technologies ou les ressemblances entre les formats créatifs, les meilleurs exemples restent les associations entre afficheurs et médias sociaux. C'est le Social Out Of Home, comme l'appelle Adrien Figula et Damien Melich, alors que JCDecaux mène actuellement des tests avec différents acteurs du social : " Il faut trouver un modèle économique, mais cela répond à l'importance d'avoir une pluralité de formats et de contenus. Le DOOH ne peut pas diffuser que de la publicité. " Une conviction à l'origine du lancement d'Hyperstories par Clear Channel l'année dernière : " À l'heure où leur rôle est remis en cause, les marques peuvent s'emparer de l'affichage digital pour provoquer la discussion sur la place publique et dire ce qu'elles sont, avant de dire ce qu'elles vendent, explique Emmanuel Pottier, qui veut replacer la rue comme premier réseau social. Notre partenariat avec Brut Nature aide à préparer cette prise de parole créative. Le social permet également de mettre en oeuvre des mécaniques d'amplification lors de nos opérations spéciales. " Une approche dont veut se distinguer Sébastien Romelot (Phénix Groupe), qui milite pour la création de contenus originaux pour le DOOH : " On ne s'adresse pas à des gens en train de marcher comme à des gens sur leur smartphone. Notre accord avec Melty ou notre marque média Phénix Stories nous placent sur un modèle éditorial plus que publicitaire, même si des marques peuvent s'y associer. "
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Où en est le DOOH en RTB ?
L'achat programmatique en DOOH, moyen de doper la croissance et la créativité du média ? Si, chez Clear Channel, Emmanuel Pottier pense le contraire, d'autres veulent en avoir le coeur net, à l'image de Valérie Decamp (Médiatransports), en pleine phase de test avec Displayce : " Il faut faciliter l'achat de ce média, tout en donnant de nombreuses possibilités de contextualisation et de ciblage. Nous sommes bien avancés en matière d'automatisation de l'achat, mais loin du RTB. Le DOOH a ses particularités : son inventaire est limité et il s'adresse à des groupes plus qu'à une personne. Et il faut prouver que les résultats sont intéressants pour nous ! " Idem chez Romain Dublanche (in-Store Media) : " Nous travaillons avec Displayce afin de savoir si, avec le programmatique, on y perd ou non. Il y a de plus en plus d'annonceurs, donc c'est moins risqué. Mais la question est : sont-ce de nouveaux annonceurs qui s'essaient au DOOH ou d'anciens qui achètent désormais moins, mais ciblent plus ? " Là où le programmatique convient au Web et à son inventaire aussi colossal que diversifié, il s'adapte moins aux particularités du DOOH : " Les principaux acteurs ont l'inventaire pour proposer leur propre plateforme automatisée et suffisamment de commerciaux pour démarcher les annonceurs. Ce n'est pas le cas des petits réseaux, qui n'ont pas forcément de régie et qui travaillent avec Displayce ", avance Sébastien Romelot (Phénix), qui explique le recours au gré à gré par le montant des campagnes (souvent à six chiffres).
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