Publicité : l'intelligence artificielle soigne les "adlergics"
Une publicité ultrapersonnalisée, adressée au bon moment et dans le bon contexte : avec l'intelligence artificielle, c'est (enfin) possible.
"Prédire le bandeau publicitaire le plus cliqué ne relève pas de l'intelligence artificielle, prévient Emmanuel Brunet, directeur exécutif d'Eulerian Technologies. Choisir des liens sponsorisés, effectuer des recommandations de produits... Ces applications semblent très loin d'une vraie logique d'IA." Car les modèles statistiques sont trop souvent marketés en IA, alors que la véritable innovation réside dans la fin du marketing automation de masse qui conduit nombre d'internautes à installer des bloqueurs de publicité. Analyse de l'audience, scoring et ciblage en sont désormais alimentés. "Les solutions de marketing automation ont intégré l'IA dans leurs systèmes afin de se nourrir des données clients, telles que les attitudes de navigation ou les informations de caisse et communiquer véritablement en one to one", explique Xavier Lapeyrere, senior manager conseil expert CRM et marketing digital d'Umanis, qui note une évolution des pratiques depuis un an.
Si peu d'entreprises sur le marché proposent cette automatisation personnalisée, Emarsys compte parmi elles. "Pour qu'il y ait de l'intelligence artificielle, il faut des données. Or, il est humainement impossible de centraliser tous les points de contact que sont sites web, applications, magasins, et de savoir quand envoyer le meilleur message à la bonne heure, prône Amaury Martin, Sales customer success d'Emarsys. Emarsys, qui gère 350 millions d'interactions par jour et réalise des campagnes dans 70 pays, a développé trois outils basés sur l'IA. Le premier : l'optimisation de l'heure d'envoi des messages, avec un résultat, en moyenne, de + 10 % d'ouverture d'e-mails par rapport à des courriers électroniques envoyés à heure fixe. Le second, la recommandation d'incentives, laisse la machine décider si le client sera plus réactif à une réduction ou à des frais de port offerts. Emarsys revendique 25 % d'économie en moyenne grâce à cette fonctionnalité. Enfin, la recommandation prédictive - quel produit sera susceptible d'intéresser mon client, en fonction de ses achats et de sa navigation on line - impacterait le chiffre d'affaires d'une campagne standard de 5 %.
L'IA ... pour adapter le contenu
Mais pour séduire le consommateur, le contenu prime. Quelques annonceurs s'essayent désormais au Dynamic Creative Optimization (DCO), soit la personnalisation du message publicitaire en temps réel : il ne s'agit plus seulement d'envoyer la campagne à la bonne personne et au bon moment, mais de concevoir le bon message. "Le machine learning couplé aux data a une incidence positive sur le processus créatif, puisqu'à partir d'un retour d'expérience des campagnes précédentes, une recommandation des contenus les plus pertinents peut être effectuée", explique Lionel Lemoine, responsable avant-vente d'Adobe. La technologie Adobe Sensei, développée par l'entreprise américaine, exploite ainsi des millions de données et de contenus (des images aux clics) au sein d'un framework unifié d'IA et d'apprentissage automatique, et fait remonter des données prégnantes - audience similaire à cibler, par exemple. "L'IA aide à ce que les contenus s'autogénèrent, confirme Sylvain Harault, director solution consulting West Europe & customer experience business executive de Pegasystems, et s'adaptent, en temps réel, à chaque client."
Images, signatures, textes, call-to-action, appellation personnalisée jusqu'au coloris : en temps réel, l'IA viendrait en appui des marketeurs pour automatiser la personnalisation du contenu créatif. Cette dernière, ainsi que l'optimisation du ciblage des messages publicitaires représentent d'ailleurs, pour 64 % des professionnels du marketing, des tâches clés pour lesquelles les machines offriront des avantages opérationnels à horizon 2020 (étude IDC/Criteo, 2017). Parmi les marques pionnières, Club Med a franchi l'étape DCO afin d'améliorer l'efficacité de sa stratégie publicitaire digitale. À l'issue d'une compétition, le groupe a choisi début janvier, l'agence digitale Biborg pour repenser l'ensemble des éléments créatifs des campagnes programmatiques. Ainsi, bannières, vidéo, Facebook ads sont optimisées automatiquement au fur et à mesure de leur diffusion. Autre exemple : Kiabi. Pour promouvoir la sélection de produits pour les fêtes de 2017, et créer du trafic en magasin, l'enseigne de prêt-à-porter a fait appel à l'expertise DCO de Mobext et d'Havas Media. Une campagne publicitaire audio (cette dernière s'appuie sur le DSP audio AudioMatic (AdsWizz), dont les créations évoluent au grès du lieu et de la date d'écoute, a ainsi été créée.
Plus innovante encore, l'initiative en mai 2017 de Teads, spécialisée dans la vidéo publicitaire en ligne, à l'origine pour la marque de mode Tommy Hilfiger, d'une publicité vidéo outstream intégrant un chatbot. Objectif : étendre le reach de la marque au-delà de Facebook Messenger. Mais aussi offrir aux consommateurs la possibilité d'explorer la nouvelle collection de Tommy Hilfilger et de laisser des indices sur leurs goûts et taille. Le chatbot TMY.GRL est accessible via un call to action visible par-dessus la création vidéo et s'adapte en fonction de l'heure de la journée. Selon Teads, le temps moyen de visionnage de la vidéo avec le chatbot intégré est de 2 minutes 40. Personnalisation et mixage des canaux marketing constitueraient-ils le Graal ? "Une publicité personnalisée sur les médias sociaux combinés à un e-mail augmente de 60 % la performance publicitaire", partage Guillaume Aurine, directeur marketing produits de Salesforce France.
L'IA ... pour mesurer la performance publicitaire
Grâce à l'IA, les marques peuvent aussi envisager d'adapter la diffusion de leurs publicités en fonction de la météo, des événements, de l'actualité ou, encore de la personnalité d'un individu. IBM Watson, qui adresse six domaines cognitifs (langage, voix, reconnaissance visuelle, empathie, gestion des connaissances, raisonnement), propose ainsi au travers de la fonctionnalité "Personnality Insights" d'analyser 2 000 à 3 000 mots (e-mail, SMS) d'un individu et d'en extraire un éventail d'attributs de personnalité, pour personnaliser les messages de marques, notamment. La personnalisation se fait aussi localement. La start-up Fidzup s'appuie sur de l'IA afin de créer des segments dynamiques et diffuser, en temps réel, sur Smartphone une publicité différente selon les zones géographiques. "Grâce à nos technologies, nous aidons les retailers à détecter les parcours des visiteurs dans leurs magasins (rayons, caisses), ainsi que la durée et la fréquence des visites, mais aussi si les clients vont dans une enseigne concurrente, explique Olivier Magnan-Saurin, CEO et cofondateur de Fidzup, qui revendique un taux de retour en magasin multiplié par quatre par rapport à l'impact d'un catalogue en boîte aux lettres. Nous mesurons le nombre de visites en boutique et nourrissons les algorithmes de ciblage avec l'atterrissage en magasin afin de cibler géographiquement la communication de l'enseigne et les bonnes audiences."
Enfin la fin du clic ? Chez Tradelab, plateforme spécialisée dans l'achat programmatique multidevice, l'intelligence artificielle vient en appui de la solution pour prédire les intentions d'achat d'un individu, mais surtout, pour trouver de meilleurs indicateurs de performance que le taux de clics. "Aujourd'hui, beaucoup de campagnes de publicité display sont mesurées au nombre de personnes qui ont cliqué sur la bannière, regrette Vincent Mady, chief technical officer de Tradelab. Cela induit des biais." Tradelab utilise donc des approches de deep learning combinées à de l'A/B testing afin de prédire l'incrément de la campagne et mieux comprendre les variables qui jouent sur la performance. Autre usage : "L'intelligence artificielle peut être mise à contribution pour analyser les fichiers data et repérer les anomalies, explique Emmanuel Brunet. Cela ouvre des perspectives dans l'analyse de la fraude publicitaire." L'IA pourrait-elle finalement remplacer le directeur créatif ? Une expérience menée au Japon a mis en compétition un spot publicitaire réalisé par une intelligence artificielle et un autre par un planneur de l'agence de publicité McCann. Résultat : le panel de publicitaires a préféré la publicité du robot à celle de l'humain, quand le public a fait le choix contraire (à 54 %).
Pour aller plus loin :
- L'intelligence artificielle au service du retail
- Comment l'intelligence artificielle investit-elle les magasins
Lire aussi : Que change l’arrivée de Pmax pour vos campagnes ?
- Un marketer sur deux utilise déjà l'intelligence artificielle
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