Recherche

Coca-Cola veut un monde "sans déchets"

Pour ses 100 ans en France, le groupe Coca-Cola souhaite se rapprocher de ses consommateurs. Au menu : une diversification menée tambour battant pour coller aux nouveaux modes de consommation et l'engagement de recycler 100 % des emballages plastiques, comme l'explique Vincent Bouin, son CMO France.

Publié par le - mis à jour à
Lecture
11 min
  • Imprimer
Coca-Cola veut un monde 'sans déchets'

Marketing Magazine : Après 20 ans de maison, au cours desquels vous avez notamment travaillé à agrandir le portefeuille de marques du groupe et à diversifier la gamme de packaging de Coca-Cola, vous avez repris la direction marketing de Coca-Cola France en février dernier . Vous aviez encore des défis à relever ?

Vincent Bouin : Oui, un véritable terrain de jeu s'ouvre devant moi ! Le cadre général a été donné par notre p-dg François Gay-Bellile : il s'agit d'entrer sur le marché avec une nouvelle marque dans une nouvelle catégorie, chaque année. Nous sommes en avance sur cette feuille de route, puisque nous avons d'ores et déjà lancé, en deux ans, quatre marques - Honest, Fuze Tea, Smartwater et le dernier-né Coca-Cola Energy, arrivé en points de vente en avril 2019 - et quatre catégories - bio, boisson fruits plate, eau et énergie. C'est très excitant, car nous avons ainsi l'opportunité de travailler avec nos marques existantes, tout en allant explorer d'autres territoires et en capturant de ­nouvelles habitudes de consommation, et ce, dans un contexte de questionnement autour du sucre, des emballages et de la res­ponsabilité sociale.

Justement, quel regard portez-vous sur les changements en matière de modes de consommation ?

Nous menons des études pour analyser, au fur et à mesure, les ­évolutions des modes de consommation et la façon dont nos ­produits sont vendus. Et nous voyons émerger à travers toutes les catégories de produits - exception faite des boissons gazeuses - l'intérêt et le besoin de consommation du bio. Comme l'offre bio était encore limitée en France, nous avons fait le choix d'y lancer Honest en 2017, marque qui fait partie du portefeuille de The Coca-Cola Company depuis 2011. Nous avons obtenu, pour cette dernière, la certification Agriculture Biologique, un argument essentiel pour convaincre les consommateurs français. L'autre sujet fort est le sucre. Notre gamme de boissons bio est faible en calories, voire sans sucres ­ajoutés. Et c'est une tendance qui se retrouve également dans la marque Coca-Cola. Nous proposons désormais Coca-Cola et Coca-Cola sans sucres plutôt que Coca-Cola Zéro. Nous nous sommes aperçus que les consommateurs ne comprenaient pas forcément que le produit Coca-Cola Zéro, au même goût que Coca-Cola original, était sans sucres. Avec Coca-Cola sans sucres, nous revenons vers davantage de transparence.

C'est de transparence, mais aussi d'authenticité, dont ont précisément soif les consommateurs. Comment répondez-vous à cette quête ?

La question de la naturalité est couverte par Honest et le bio, pour lequel nous devons être totalement transparents sur la qualité et la provenance de nos ingrédients. Mais nous voulons aussi être clairs sur ce que deviennent nos produits. Si 100 % d'entre eux sont recyclables et réutilisables, aujourd'hui, nous ne récupérons en moyenne que 63 % des emballages en France et seulement un sur dix dans les grandes villes telles que Paris et Marseille. Notre engagement est de récupérer 100 % des packagings d'ici 2025, en Europe, et d'ici 2030 dans le monde entier. L'enjeu se situe plutôt sur la collecte du plastique, lequel, pour différentes raisons, est moins recyclé que le verre en France (85% - 90%).

Comment atteindre le seuil des 100 % de recyclage des packagings ?

Il faut agir sur le comportement des consommateurs pour installer le réflexe du tri, mais aussi mettre en place les infrastructures nécessaires pour collecter et recycler les packagings usagés en nouveaux packagings. Nous mettons ainsi en place le principe de l'économie circulaire en réintégrant le plastique que nous collectons dans nos bouteilles. Dans tous les packagings de 50 cl, notre ambition est d'être, dans le courant de l'année 2019, à 50 % de rPET [du matériau PET recyclé, NDLR]. 50 % sont, bien sûr, une première étape.

La solution n'est-elle pas de revenir à la seule bouteille en verre ?

La bouteille en verre demeure clairement la meilleure expérience de consommation d'un Coca-Cola, c'est pourquoi nous souhaitons en accélérer la présence sur le marché. Nous installons une ligne de verre à Dunkerque, dans le Nord : nous allons ainsi pouvoir fabriquer, en France, la bouteille en verre sur l'ensemble du portefeuille. Pour que cette dernière retrouve le chemin des foyers, nous souhaitons également relancer des bouteilles en verre plus grandes, en format 1 litre, telles qu'elles existent chez les traiteurs, essentiellement. Nous avons d'ailleurs mené un test à l'occasion des festivités de Noël 2018 et nous donnons la possibilité de personnaliser des bouteilles de 20cl sur le site Coca-Cola store. Même si nous mettons toujours en avant le verre dans nos campagnes de communication, nous savons qu'il est compliqué, en mobilité, d'avoir une bouteille en verre non refermable.

Au niveau mondial, Coca-Cola a produit 3 millions de tonnes de ­plastique en 2017, selon la Fondation Ellen Macarthur, soit 20 % de la production annuelle mondiale. Comment comptez-vous réduire cette part ?

Nous devons couvrir quatre points : l'innovation, l'éducation, la collecte et la réparation des zones dans lesquelles les déchets ­s'accumulent. Via l'innovation, nous pouvons réduire la quantité de plastique que nous utilisons, soit parce que nous augmentons la part de plastique recyclé dans nos packagings produits, soit parce que nous allégeons le poids de nos bouteilles. En ce qui concerne la collecte, nous travaillons sur la feuille de route du gouvernement, de manière rapprochée avec nos partenaires afin de mettre en place les infrastructures de collecte de bouteilles manquantes. Nous allons, par exemple, installer dans les stades où se disputeront les matchs de la Coupe du monde féminine de football en juin prochain, des machines Lemon Tri de récupération de bouteilles : celles-ci seront compactées et renvoyées dans les centres de collecte Citeo. Même si nous représentons 20 % de la production de plastique, nous ne pouvons agir seuls et devons nous appuyer sur les partenaires du monde des boissons. Enfin, notre vision se traduit par un ­partenariat entre la Fondation Coca-Cola et le WWF afin de préserver nos côtes - via une lutte contre les fuites de plastique dans les océans - ainsi que les ressources en eau douce de la planète. Nous avons également lancé le programme World Without Waste, via lequel nous organisons, notamment, des journées de collecte. Si nous arrivions à créer un monde sans déchets, ce serait top !

L'émission de Cash Investigation intitulée "Plastique : la grande intox", diffusée en septembre 2018, pointait des contradictions en matière de collecte et de recyclage de la part de Coca-Cola Company. Quel en a été ­l'impact ?

Nous avons voulu jouer le jeu du dialogue en répondant positivement à Elise Lucet [ journaliste et présentatrice de Cash Investigation, NDLR ] . Nous voulions réaffirmer nos engagements en matière de recyclage à cette occasion. Oui, nous ne sommes pas parfaits au niveau global, avec des pays plus ou moins avancés en matière de recyclage : en France, nous possédons des infrastructures de collecte et de recyclage, contrairement à l'Afrique, par exemple. Mais nous avons la volonté de régler ce problème. Cette émission appuie où cela fait mal, de manière à interpeller l'opinion, mais je crois que la volonté du groupe Coca-Cola de prendre ses responsabilités au plus haut niveau a été entendue. L'émission aura, dans tous les cas, constitué l'acte fondateur d'une démarche plus poussée. Nous avons d'ailleurs donné rendez-vous à Elise Lucet en septembre prochain pour constater, un an après la première diffusion de l'émission, les premières avancées : davantage de bouteilles en verre, moins de sucres et une diversification du portefeuille vers moins de calories. Ainsi, 50 % de nos ventes seront des produits faibles en calories ou sans sucres d'ici 2025.

L'autre temps fort de l'année n'est autre que la célébration des 100 ans de présence de Coca-Cola en France. Comment fêter un tel anniversaire ?

Plus qu'un anniversaire, les 100 ans de Coca-Cola en France sont l'occasion de célébrer une relation nouée au fil des ans avec les Français. Il est souvent dit qu'il s'agit de la marque la plus américaine qui soit, mais elle est aussi la plus locale qui puisse exister, proche des gens et des moments. Ce sont ces éléments que nous avons souhaité mettre en avant dans notre campagne. Un film "Manifesto" a été révélé le 14 avril 2019 afin de rappeler les événements marquants vécus par les Français, comme la Seconde Guerre mondiale ou Mai 68, pendant lesquels le peuple était divisé ... Au coeur de cette communication, le message est "On a tout à faire ensemble", et ce au-delà de nos différences. Car, à chacun de ces moments, cruciaux comme plus quotidiens, Coca-Cola était présent. Le film est suivi d'une campagne d'affichage dont les messages prennent position pour l'inclusion, en mettant en avant les différences d'âge, de sexe, de religion.

Est-ce le rôle de Coca-Cola de concevoir une campagne "politique", ou tout du moins engagée ?

Si être engagé signifie promouvoir la parité, la tolérance envers la religion ou la sexualité ... Alors, oui ! Nous ne faisons, néanmoins, pas de politique. Par le passé, Coca-Cola a déjà pris des engagements forts, en faveur de la fin de l'Apartheid en Afrique du Sud, par exemple. Pour cette campagne des 100 ans, conçue en France, Coca-Cola prend un risque - et c'est le rôle d'une marque leader -, mais il est mesuré : nous sommes aimés par beaucoup de Français, nous ne pouvons pas nous permettre d'aller trop loin et de diviser.

Quel plan de communication avez-vous imaginé pour ces 100 ans ?

La campagne se décline en TV, affichage, digital, cinéma... jusqu'aux points de vente. Nous avons modernisé et revisité nos égéries, les "pin-up", désormais accompagnées par des hommes. Les consommateurs peuvent les retrouver sur les packs de bouteilles et les canettes collectors, et l'expérience se poursuit sur le store, avec la possibilité de personnaliser les bouteilles "100 ans" avec ces personnages "néo-rétro". C'est une manière d'engager nos clients, car nous le savons : les bouteilles vont être collectionnées. Nous profitons également de cette célébration pour commercialiser nos dernières innovations, comme Coca-Cola Energy - avec ou sans sucres - lancé en avant-première en Europe.

Qu'apporte de plus ce nouveau produit ?

Comme pour tous nos développements marketing, nous nous sommes appuyés sur l'analyse de l'opportunité et il est apparu un besoin d'énergie mis en avant par nos consommateurs. Nous pensions jusqu'à présent pouvoir l'adresser avec Coca-Cola, mais nous constatons l'importance prise par les energy drinks en France. Nous avons donc conçu une boisson reprenant des ingrédients de Coca-Cola, en ajoutant du guarana, de la caféine d'origine naturelle et des vitamines. Ce qui nous différencie des autres boissons énergisantes, ce sont l'absence de taurine et le goût du Coca-Cola.

Ce n'est d'ailleurs pas la seule diversification réalisée par Coca-Cola : en 2018, vous avez acquis Tropico et lancé Fuze Tea et Smartwater. C'est désormais essentiel pour croître ?

Oui, nous devons nous positionner sur des types de catégories différentes, à l'instar des thés glacés en très forte croissance en France, et c'est ce que nous avons fait avec Fuze Tea. Il faut toujours apporter quelque chose de nouveau, sinon il n'y a pas d'intérêt à imposer une nouvelle marque à nos clients. Ainsi, avec Smartwater, nous n'avons pas seulement conçu une eau, mais une eau premium, avec des minéraux ajoutés. Dans certains secteurs ou certaines catégories, il existe des marques clairement établies : nous avons eu la chance de pouvoir acquérir Tropico, une marque endormie (4 à 5 % de part de marché), mais historique, avec un taux de notoriété de 80 %. Plutôt que de lancer une nouvelle boisson fruits plate, nous travaillons à la relancer - avec un nouveau packaging, moins de sucres ... - pour en faire un acteur incontournable du marché. Nous avons dans le pipe le développement de plusieurs produits, dont la citronnade, boisson fruits plate à base de citrons bio dans la gamme Honest, qui arrive dans les points de vente

Enfin, Coca-Cola était partenaire de la Coupe du monde féminine de football en France. Quel est le message que vous souhaitiez porter ?

La Coupe du monde féminine de football est l'occasion de mettre en avant les femmes pour qu'elles soient à la même hauteur que les hommes. Nous sommes le seul partenaire-titre des Bleues et de la Coupe du monde féminine, et ce n'est pas un hasard : nous souhaitons continuer à promouvoir la parité qui est indispensable dans notre société comme dans nos entreprises, et ce, tout au long de l'année. Nous travaillons ainsi avec l'association Force Femmes depuis plus de dix ans et nous avons contribué à aider 6 000 femmes dans leur retour à l'emploi.


Livres Blancs

Voir tous les livres blancs

Vos prochains événements

Voir tous les événements

Voir tous les événements

S'abonner
au magazine
Se connecter
Retour haut de page