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Pub : un peu moins, c'est pas mieux ?

Publié par Clément Fages le - mis à jour à
Pub : un peu moins, c'est pas mieux ?

L'incertitude contraint de nombreuses marques à réduire les budgets et les délais de production de leurs publicités. Peut-être pour le meilleur, d'un point de vue écoresponsable ?

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En marketing, la notion de frugalité regroupe des pratiques permettant de " réduire les externalités négatives des actions mises en place par l'entreprise ", avançait en mai dernier Faïza Rabah, directrice des études chez Havas Media, au moment de présenter l'édition 2020 du rapport annuel Bilan & Perspectives Média. Une édition dédiée par le groupe au thème du marketing frugal. Faire moins, de façon plus réfléchie, doit permettre autant de " baisser l'empreinte carbone de ses actions ", que de " limiter le temps de production des campagnes, ainsi que leurs coûts ". Et alors que la situation économique, crise sanitaire oblige, est plus que jamais incertaine, cette notion prend tout son sens : non seulement elle permet aux marques de s'engager, mais elle leur offre surtout les moyens de compresser les coûts et d'être plus réactives à l'évolution de leur marché. Un élément capital, tant la situation peut évoluer de semaine en semaine, et que le besoin de faire du chiffre avec un ROI maximal est exacerbé. " La rentrée marque une reprise des investissements médias, constate ainsi Jean-Marc Segati, directeur général de l'agence Big Success. Beaucoup d'annonceurs pensent que les prochains mois vont compter double, avec le report des dépenses non effectuées pendant le confinement. Et si leurs propres budgets n'ont pas été vraiment entamés, on verra ce qu'il en sera en octobre-novembre, au moment de définir ceux de 2021 ! " Une incertitude qu'il constate également dans les choix effectués sur les campagnes : " Nous sommes dans une approche tactique, à un ou deux mois. Les médias les plus flexibles sont privilégiés : le digital, évidemment, mais aussi la radio, au détriment du print. Et nous attendons la TV adressée avec impatience ! Ce qui est certain, c'est que l'écart entre les résultats attendus et les moyens engagés va encore se creuser ! " Formats écourtés, recherche de deals exclusifs avec des régies aux abois, floating, soit l'achat d'espaces à la dernière minute, sont alors autant de moyens de réduire la facture.

Petits budgets et grandes idées

Un constat partagé par Julien Fere, directeur de la communication Voyages.SNCF, chargé des marques Ouigo et TGV Inoui : " Après le confinement, nous avons décidé de communiquer de façon massive pour accompagner la reprise, donc de privilégier les budgets médias par rapport aux budgets de production. Nous avons essayé d'être malins, avec, par exemple, l'ajout en post-prod de masques sur des visuels existants. Mais nous n'avons pas voulu le faire sur notre campagne TV, pour ne pas la dénaturer, alors qu'elle repose beaucoup sur les visages et les émotions. Aussi, nous avons transformé notre budget TV classique en sponsoring de programmes, en nous associant à la série " Good Doctor", de TF1, à "Engrenages", sur Canal+ et à "L'amour est dans le pré", su r M6. " Et là encore, le système D brille : " Nous avons utilisé la créa de nos publicités DOOH, une motrice en mouvement, en lui ajoutant une voix off, simulant une annonce de chef de bord, et que nous utilisons en l'occurrence dans nos spots radio. " Un canal qui reste son " meilleur allié, tant il est flexible, avec des délais de production et des coûts assez bas, au contraire de l'affichage, par exemple, où nous devons, en quelque sorte, parier sur ce que sera la situation le mois suivant. "


La SNCF n'a pas été le seul annonceur à utiliser ces méthodes, à l'image de McDonald's, qui a réutilisé des campagnes existantes en ajoutant numériquement des masques. On peut aussi citer Skoda et son spot intégralement produit en CGI (computer generated imagery) pendant le confinement, L'Oréal et la pub réalisée " herself " par Eva Longoria confinée, à l'aide d'un smartphone ou, encore Nike, et son film de l'été, réalisé en seulement cinq jours grâce à des images existantes et fondé essentiellement sur des effets de montage. Un panel d'ingrédients utilisés par des agences désormais habituées aux contraintes de plus en plus fortes imposées par leurs clients, comme l'explique Delphine Drutel, directrice générale de Rosapark, qui indique avoir eu un " cost control " concernant près d'une campagne sur deux cet été : " On n'a pas attendu la Covid-19 pour nous demander d'optimiser au maximum les campagnes, bien que le contexte soit encore plus particulier, avec, par exemple, moins d'options pour aller tourner à l'étranger. Mais de la contrainte naissent les opportunités ! Je pense, par exemple, à notre campagne "On se bouge pour la planète" pour GRDF, qui utilise des images de stock et où le montage et la narration font la différence. Ou, encore, à notre campagne "Tout câlin", pour St-Hubert à l'occasion du déconfinement, réalisée avec l'illustratrice Lorraine Sorlet ", détaille-t-elle, expliquant que ces contraintes poussent les agences à travailler avec de nouveaux talents, souvent plus accessibles, mais qui apportent un regard neuf et innovant. Enfin, l'opportunité de réduire les investissements en média en réalisant des " coups " marketing peut aussi s'inscrire dans la dynamique du " moins, mais mieux " : " On a également réalisé des opérations très tactiques, qui ne coûtent rien, mais fonctionnent très bien, comme les bâches à l'arrière de camions, diffusées pour Ouigo, sur l'A6. Avec une bonne typo et un contexte qui fait sens, on peut vite devenir viral et s'offrir une bonne visibilité ! Avec moins de moyens, on gagne en précision. D'où le fait que je préfère l'expression smart à frugal, qui a un côté plus triste. "


Live, IA, DIY et mutualisation de contenus

Benoit Bergeaud, directeur de l'agence 1969, évoque lui aussi des budgets de production en baisse de 30 à 50 % ces derniers mois. " Nous avons la chance d'être spécialisés dans le digital, qui a été le moins impacté. Mais les campagnes demandées sont les mêmes pour de plus petits budgets ! Cela nous pousse à explorer de nouveaux territoires, et à travailler avec de nouveaux acteurs. Nous demandons aussi aux annonceurs de prendre plus de recul sur leurs pratiques : quelle est l'utilité de la marque ? Est-ce vraiment nécessaire de réagir aux mêmes marronniers depuis dix ans ? On se rend alors compte que la décennie a été marquée par une production effrénée de contenus, et qu'il est peut-être temps de moins prendre la parole, mais de le faire bien et quand cela compte. Des actions plus pertinentes, moins régulières, mais qui touchent une meilleure audience. " Lucas Duquenne, planneur stratégique chez 1969, cite alors les initiatives menées pour Cloudy Bay, un vignoble néo-zélandais : " Pendant le confinement, nous avons voulu dépasser le simple divertissement offert aux internautes pour proposer un contenu enrichissant. Nous nous sommes inspirés des mooc et des TedX pour organiser un live avec un sommelier, qui se filmait lui-même avec son smartphone. "Less is more", c'est aussi ça : un contenu brut, produit sans moyen et sans post-prod, mais plus authentique. Et cela nous a aussi permis de revaloriser nos prestations auprès de clients qui pensent parfois que c'est facile de produire du contenu ! "

Live et DIY apparaissent aussi comme des solutions pour les annonceurs désireux de produire tout de même de nouveaux contenus en limitant les coûts et les délais. Accélérant des projets initiés avant le confinement, des prestataires comme Wibbitz, un outil de création de vidéos, et Baliprod, qui, comme son nom l'indique, est une boîte de production publicitaire installée en Indonésie, proposent, par exemple, la création automatique de contenu grâce à l'IA ou les tournages à distance via le live streaming. " On voit une tendance à l'internalisation de la création de contenus vidéo depuis quelques années, mais la crise impose une baisse des budgets alloués. Avec nos outils, plus besoin d'avoir des compétences pointues : nous avons des templates et des contenus professionnels sous licence qui peuvent être mixés avec des contenus déjà créés ou tournés au smartphone, par exemple... ", explique Laurent Lasserre, managing director EMEA de Wibbitz. " Nos formats s'adaptent automatiquement à tous les supports, y compris aux stories sur LinkedIn, ce qui fait gagner un temps considérable. Les vidéos ne sont pas 100 % parfaites, mais cela donne un effet plus authentique et permet surtout d'être très flexible étant donné la baisse du temps de production. " De son côté, Omri Ben-Canaan, CEO de Baliprod, évoque " une recrudescence des tournages à distance depuis la crise sanitaire. Nous permettons au client, à son agence et au réalisateur de suivre le tournage en direct grâce au logiciel Qtake, et d'échanger avec l'équipe sur place via Zoom. Cela fonctionne très bien et permet d'économiser les coûts logistiques, qui peuvent avoisiner les 40 000 euros sur un tournage classique et qui sont ici réduits à 2 000 euros ! Et par rapport à une journée de tournage en Europe, qui coûte au moins 100 000 euros, le prix est de 60 % inférieur en Indonésie, où il est possible de produire 70 % des publicités diffusées dans le monde. Le pays est immense et on y trouve des plages tropicales, des montagnes enneigées, des forêts de pins ! Pour Decathlon, nous avons reproduit la montagne et nous avons trouvé des décors qui rappellent le Maroc et le Canada pour Allianz Travel. "


Sur la voie de la rationalisation des contenus, on s'arrêtera sur la mutualisation des productions réalisées par les différentes filiales d'un même groupe, tant en BtoC qu'en BtoB, comme en témoigne Luigi Caricato, directeur communication externe du Groupe Legrand, l'un des leaders mondiaux des infrastructures électriques et des réseaux d'informations : " Quelques semaines après le début du confinement, nous nous sommes concertés avec la communication interne pour recenser tout ce que nos 74 marques et filiales avaient fait en matière de communication locale et social média et pouvoir les rendre accessibles à tous dans un endroit unique. D'où la mise en place d'une newsletter interne, mais aussi d'un social media wall sur le site du groupe, nous permettant de mettre en avant les réactions des clients à nos publications Twitter, LinkedIn ou Instagram. " Une stratégie qui accouche in fine d'innovations, le social listening et l'UGC devenant des priorités pour 2021.

 
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