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Sponsoring : un terrain accidenté pour la RSE

Publié par Clément Fages le - mis à jour à
Sponsoring : un terrain accidenté pour la RSE

Si s'engager est désormais une évidence pour les marques, elle semble parfois moins l'être pour les sponsors. De là à créer de nouvelles menaces en matière de brand safety ?

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Quand il s'agit de pratiquer une passion, les Français ont moins l'occasion d'adopter des gestes responsables. C'est le constat réalisé par Havas Sports & Entertainment au travers des résultats de l'étude Meaningful Passions, dévoilés mi-février. Alors qu'une majorité des 1500 Français sondés disent adopter des comportements responsables au quotidien, beaucoup n'arrivent pas à reproduire ces gestes lors des manifestations sportives ou culturelles. "66% des fans de musique trient au quotidien, mais seulement 33% arrivent à le faire à l'occasion d'un concert. De même, 75% des sportifs ont des actions responsables dans la vie courante, mais seulement 25% dans le cadre de leur passion", constate Lilith Peper, directrice du planning stratégique de l'agence. Elle conseille aux sponsors d'intégrer systématiquement cette dimension lors de l'activation de leurs partenariats. "Le sport et la musique, ce sont des exutoires ! On pense alors peut-être moins à l'écologie... ou alors, on trouve que l'organisation ne le permet pas. Et pour certains, c'est une raison de boycotter un événement. D'où l'importance de mettre en place des opérations anti-gaspillage, de compenser l'impact environnemental de l'événement, d'installer des bennes pour la collecte des déchets ou même de bannir le plastique des manifestations", explique de son côté Stéphane Guerry, le président d'Havas Sports & Entertainment. En la matière, tout faux pas peut sensiblement écorner l'image d'une manifestation, comme l'indiquent les polémiques autour de la climatisation des stades des Mondiaux d'athlétisme à Doha en 2019 ou de la distribution de goodies sur le Tour de France. Pour Stéphane Guerry, les ayants droit et les marques ont d'autant plus intérêt à s'engager sur ces terrains : les fans sachant que les grandes manifestations ne peuvent avoir lieu sans sponsors, ils seront d'autant plus réceptifs à des actions RSE fortes.

Paris 2024 : la crise renforce le besoin d'engagement

En l'occurrence, Paris 2024 se veut une édition engagée, comme le rappelle Jean-Yves Forel, dg Banque de proximité au sein du groupe BPCE et Projet des Jeux de Paris 2024 : "Ces Jeux veulent développer la pratique sportive pour tous, dans une logique d'inclusion et d'égalité des chances. Mais cela dépasse le sport, et concerne aussi l'économie sociale et solidaire. 25% des marchés seront attribués à des PME et des ETI, et 10% des emplois à des personnes en insertion. En tant que partenaire des Jeux, mais aussi des entreprises, notre rôle est d'accompagner ces dernières dans les appels d'offres et de faire de la compétition un tremplin pour la relance économique. 2500 dirigeants ont déjà été contactés dans le cadre de notre tour de France "Entreprendre 2024". Nous soutenons aussi les athlètes, qui n'ont pas tous la chance de vivre du sport et ne sont mis en lumière pour certains que tous les quatre ans." En plus des fédérations de basketball, de handball ou encore de voile, BPCE aide ainsi une centaine d'athlètes en leur apportant des ressources financières, mais aussi un soutien dans leurs projets de reconversion. En septembre dernier, ceux qui pratiquent un handisport ont également participé à In'2Job, une journée "job dating", organisée au stade Jean Bouin à Paris, et qui mêlait des rencontres de DRH et la découverte d'activités sportives, à destination de personnes en situation de handicap. Les sportifs ont également adressé des messages de remerciement et d'encouragement aux employés du groupe lorsque les agences sont restées ouvertes : "alors qu'ils n'avaient eux-mêmes dans un premier temps plus d'installations pour s'entraîner, ils ont donné à nos collaborateurs des conseils pour faire du sport à la maison. C'était touchant d'être dans leur quotidien", juge Jean-Yves Forel. En 2020, la filière sport a enregistré une chute de son activité économique de 21%, rendant la situation des sportifs encore plus précaire, la crise a permis au groupe BPCE de renforcer la pertinence de ses actions. "Dans les sports les plus visibles, le sponsoring sportif relève parfois de l'achat d'espace. De notre côté, nous avions une certaine inertie, qui nous a permis de continuer à agir sur le terrain, là où d'autres ne savaient peut-être pas sur quoi se reposer. Pour nous, soutenir l'économie du sport est essentiel : au-delà de peser 2% du PIB français, c'est un secteur non délocalisable, riche en main-d'oeuvre, qui a créé de nombreux emplois ces dix dernières années et qui développe non seulement l'économie mais aussi la santé et le bien-être", explique Jean-Yves Forel, qui, comme Stéphane Guerry, rappelle qu'un sponsor doit être là dans la victoire comme dans la défaite.

Qatar 2022 : vous avez dit brand safety ?

Mais il y a parfois des limites à cette logique, et le sponsoring peut se révéler un piège pour la marque. Difficile de ne pas penser à Coca-Cola : partenaire historique de la FIFA, le groupe s'est engagé en 2005 à sponsoriser toutes les Coupes du Monde jusqu'en... 2022. En plus d'être sans doute, à l'instar des Mondiaux d'athlétisme, une aberration environnementale, la compétition organisée par le Qatar est d'ores et déjà une honte. Comme le Guardian l'a encore prouvé en février, au moins 6500 ouvriers sont morts sur les chantiers des stades de cette Coupe du Monde. Le fiasco de 2019 pouvait légitimement faire hésiter des marques "engagées" pour l'environnement au moment de s'associer à la FIFA et au Qatar, l'un des pays qui rejette le plus de CO2 par habitant. On voit mal comment cette nouvelle charge ne dégoûtera pas quiconque d'apposer son logo à côté de celui de la compétition prévue pour l'hiver 2022. Le voyant de l'alarme "brand safety" est rouge écarlate ! Contacté, le groupe Coca-Cola rappelle que l'entreprise ne tolère aucune violation des Droits de l'homme, et que la FIFA travaille avec les autorités qataries pour traiter les problématiques spécifiques liées au travail et aux droits de l'homme. On rappellera de notre côté la réaction de la FIFA à l'enquête du Guardian, à savoir que ces chiffres, rapportés à la taille de la main-d'oeuvre présente sur place, sont "faibles par rapport à d'autres grands projets de construction dans le monde"... Alors que des appels aux boycotts se font entendre dans les médias, et que les supporters et les fédérations de pays comme la Norvège et le Danemark veulent en retirer leur sélection nationale, pourrait-on voir les sponsors prendre position ? Ou les sportifs, qui hésiteront peut-être à jouer sur des cimetières ? Les joueurs norvégiens et allemands ont récemment montré l'exemple en arborant des t-shirts prônant le respect des droits humains avant un match. On a vu fin décembre Antoine Griezmann rompre avec Huawei pour protester contre le sort des Ouïghours en Chine. Lors de la restitution de l'étude Meaningful Passions d'Havas, Nikola Karabatic indiquait comprendre, en vieillissant, les choix de certains sportifs qui, par conviction, boycottent des compétitions pour lesquelles ils s'entraînent au quotidien : "On ne sait pas si ces engagements sont toujours sincères, ou parfois suggérés par les conseils des sportifs en question. Mais c'est secondaire : l'essentiel est de rendre ces causes médiatiques." Désormais, oserons-t-il boycotter des annonceurs ? Pas de doute, les deux prochaines années seront sportives pour les sponsors.

 

 

 

 

 

 

 

 
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