[Tribune] "Réseaux sociaux : entre déclin et réinvention ?"

Les plateformes de réseaux sociaux représentent un business complexe qui requiert la nécessité d'atteindre une taille critique pour exister, mais aussi les effets négatifs d'une communauté de masse. Malgré cela, cette industrie continue d'attirer les entrepreneurs. Alors qu'Elon Musk détruit son produit racheté pour 44 milliards de dollars à la fin de l'année dernière, examinons les "anciens" réseaux et les plateformes "modernes" pour voir si le marché est stagnant ou dynamique.

Twitter et Snap dans la tourmente

La semaine dernière, Elon Musk et David Sacks ont participé à un événement sur Twitter Spaces avec Generra Peck, directrice de campagne du gouverneur de Floride Ron DeSantis, pour annoncer sa candidature à la présidence. Cependant, cet événement s'est soldé par un échec, ce qui a valu à DeSantis le surnom évocateur de DeSaster. L'équipe Spaces, qui comptait jusqu'à 100 employés, n'opère plus qu'avec environ trois personnes. Les serveurs loués à Amazon Web Services pour Spaces sont incroyablement sous-dimensionnés. Mercredi, trop de gens ont rejoint le premier flux simultanément ce qui a mis l'application à plat. Twitter prévoit d'augmenter sa capacité de serveur en réponse à cet échec. Mais on ne peut s'empêcher de penser que cette entreprise ne sait même plus organiser un podcast en direct. Sa nouvelle CEO, Linda Yaccarino, est chargée de récupérer les 60 % de revenus publicitaires perdus depuis le rachat effectif de la plateforme par Elon Musk et de la transformer en un média concurrent de Fox. Cependant, cette tâche semble impossible.

De son côté, Snap Inc. a été frappé par l'introduction de la fonctionnalité de transparence de suivi des applications d'Apple et la baisse du marché de la publicité digitale. L'entreprise se concentre désormais sur la communauté de créateurs et les entreprises pour redresser le chiffre d'affaires à court terme, avec une répartition des revenus pour les créateurs et une division appelée AR Enterprise Services pour les entreprises. En outre, Snap s'intéresse de plus en plus à l'IA, avec l'introduction de MyAI, un chatbot alimenté par ChatGPT d'OpenAI, pour les abonnés de Snapchat.

L'intersection des publicités et de l'IA est essentielle dans les plans de croissance du futur. Cependant, ne vous y trompez pas : Snapchat est hanté par le fantôme de son passé grandiose et de sa vision de concurrent direct de Meta. Cette vision est périmée.

De nouveaux entrants loin de convaincre

Parmi les nouveautés dans l'univers des réseaux sociaux, BeReal est une application gratuite de partage de photos créée en France. Lors de son lancement, sa proposition de valeur était novatrice : une fenêtre de deux minutes pour poster une fois par jour deux photos.

Cependant, ce nouvel outil social, qui avait connu un certain succès l'été dernier, est en train de s'effondrer. Il n'a pas suffisamment évolué pour retenir les utilisateurs, malgré la possibilité d'ajouter un morceau de musique à ses publications. Un test au Royaume-Uni permet désormais à quiconque publie sur BeReal dans la fenêtre de deux minutes quotidiennes de publier deux autres BeReals à loisir tout au long de la journée. Cependant, cela ressemble purement et simplement à un plagiat, en plus restrictif, des stories Instagram et risque de ne pas être suffisant pour être viable dans la durée.

Bluesky est un nouveau réseau social décentralisé qui gagne en popularité grâce à un écosystème de développeurs collaboratifs. Il se démarque des autres clones de Twitter par sa nature décentralisée et devrait continuer à croître en gardant cette caractéristique. Bluesky doit également maintenir son image originale et ludique pour se distinguer de Twitter et corriger les parties de l'écosystème Twitter qui ont été endommagées.

Bien que Mastodon ait été la première application à tenter de créer cette magie en 2017, la décentralisation est donc un concept qui s'étend bien au-delà de la cryptographie et est maintenant repris par les réseaux sociaux.

Meta et TikTok comme grands gagnants du contexte actuel

Les startups qui se contentent de promettre des avantages abstraits, comme fonctionner sur des serveurs décentralisés ou offrir des conversations plus "civiles", sans développer de nouvelles fonctionnalités pour rendre l'expérience utilisateur plus amusante et intéressante, ne réussiront pas. Même si nous pouvons critiquer les plateformes de "social media", et supposer qu'il existe un grand dessein "social" à construire, il n'y a pas de meilleur moment pour agir que maintenant, malgré la domination écrasante de Meta et de TikTok. Cependant, pour saisir cette opportunité, un niveau d'ingéniosité et d'exécution produit est nécessaire, ce que personne n'a encore été capable de rassembler.

L'auteur : Pascal Malotti est directeur de la stratégie chez Valtech, où il gère des projets de transformation digitale, de stratégie business et de change management. Avec plus de 20 ans d'expérience dans le digital, il a également travaillé chez Havas. Il enseigne la stratégie business et le marketing digital en Master 2 à Paris Dauphine et Cergy-Pontoise. Pascal est également membre du jury des Webby Awards.