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"Positionner Cointreau comme l'un des leaders mondiaux de la culture cocktail", Fanny Chtromberg de Maison Cointreau

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'Positionner Cointreau comme l'un des leaders mondiaux de la culture cocktail', Fanny Chtromberg de Maison Cointreau

Depuis 2017, Fanny Chtromberg fait rayonner la marque Cointreau à travers le monde. Dans cette industrie des spiritueux, soumise à de nombreuses contraintes, elle déploie une stratégie marketing habile pour imposer la liqueur française sur le marché tout en respectant la stratégie RSE ambitieuse du groupe.

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Pouvez-vous nous présenter la Maison Cointreau ?

Marque à la renommée internationale, la liqueur Cointreau va fêter ses 175 ans en 2024. La Maison Cointreau est née en 1849, à Angers, par deux frères confiseurs-liquoristes. Avec l'arrivée d'Edouard Cointreau, en 1875, visionnaire issu de la deuxième génération, naît « L'Unique », après 10 ans de recherche, une liqueur d'orange transparente dans une bouteille marbrée. Copiée 400 fois, de forme carrée, elle casse les codes à l'époque des bouteilles de spiritueux en 1885. Il décide alors d'aller chercher des oranges et leurs écorces douces et amères aux quatre coins du monde. Pour l'Exposition Universelle de 1889 à Paris, il fait venir deux alambics d'Angers pour faire goûter son produit. La liqueur se fait alors connaître, s'exporte et aujourd'hui, la France représente moins de 5% du C.A. En 1913, les recettes de cocktails font leur apparition, « White Lady », « Margarita », « Cosmopolitan ». On peut réaliser plus de 400 cocktails à base de Cointreau qui contient 40 arômes. C'est un formidable exhausteur de goût...

On entre dans l'univers feutré des maisons de luxe...

On traite la marque comme telle (savoir-faire, connaisseurs...), mais Cointreau n'est pas une marque de luxe. C'est avant tout une marque émotionnelle. Et elle n'est pas la même partout, à travers le monde. En France, la bouteille est vendue 18 euros en supermarché, notre plus gros marché, mais dans le monde, la demande vient des bars de mixologie. Un phénomène porté par des barmen devenus stars. Le cocktail est un voyage organoleptique, une gourmandise.


Comment Cointreau a-t-elle évolué ces dernières années ?

L'industrie des spiritueux ne fait pas partie de celles qui ont opéré de grands changements, tels que la transformation digitale ou la connaissance client...Une marque comme Cointreau est encore trop « brand centric », insuffisamment orientée « client centric ». Pour plusieurs raisons et notamment à cause du réseau du distribution qui la tient à distance de son client final. Ainsi, aux Etats-Unis, je vends à un distributeur, qui vend à un retailer et qui vend à un client...

Depuis les années 2000, la marque a vivoté, évoluant dans un contexte réglementaire de plus en plus contraint. Nous avons retrouvé une très forte dynamique depuis 2018 avec 19 millions de bouteilles vendues par an. Sur les 9 premiers mois de l'année 2022, la marque enregistre une croissance à 2 chiffres de 10% à 15%. Cointreau surfe sur la culture cocktail qui explose partout dans le monde. Cette accélération est due en partie au lancement de la plateforme de marque en 2017 qui a clarifié l'identité et la mission de Cointreau.

A savoir, devenir un des leaders mondiaux de la culture cocktail. Notre stratégie marketing s'est concentrée sur un cocktail signature, la Margarita (née en 1948), qui communique tout le savoir-faire du produit. Ce « Drink Hero » nous permet d'avoir un message consistant des Etats-Unis jusqu'à l'Australie. La margarita, à base de Cointreau, est le cocktail le plus connu, le plus consommé, le plus considéré au monde.

Quels ont été les effets des confinements sur les ventes ?

Nous avons enregistré une accélération très forte pendant les confinements et nous en avons profité pour beaucoup communiquer et enrichir notre relation client. Nous avons développé l'entertainment pour rendre simple des gestes de professionnels dans les bars. Les gens se sont amusés à cuisiner, à réaliser des cocktails. Pour autant, nous n'avons pas de base de données client très développée car nous avons peu de relation directe et Cointreau « l'Unique » n'est pas un alcool qui se consomme seul. En revanche, nous nouons de nombreux partenariats retail avec des plateformes comme Amazon, Drinks&Co ou des « ReserveBar » aux Etats-Unis. A l'instar de l'industrie des alcools, le groupe a enregistré des résultats exceptionnels sur son exercice 2021-2022, grâce à la situation créée par la pandémie.

Le chiffre d'affaires a atteint 1,3 milliard d'euros, en progression de 30 % sur un an (948 millions d'euros pour le cognac et 333,2 millions d'euros pour les liqueurs et spiritueux). La consommation de cocktails continue d'augmenter globalement. Les marchés anglo-saxons sont les plus développés. En France, on observe un tassement en 2022 après l'accélération pendant la période Covid. En parallèle, la préparation de cocktails à la maison continue à s'ancrer dans les habitudes avec des niveaux d'expertise plus élevés dans les pays anglo-saxons.

Quelle est l'image de marque de Cointreau dans le monde ?

Grâce aux études de visibilité, Brand Health Tracking (BHT), réalisées tous les deux ans, nous pouvons observer notre positionnement. La France est un marché à part, très orienté sur le vin et le champagne. Le Mojito est le cocktail le plus consommé. Notre clientèle, en majorité des quinquas, consomme le Cointreau en digestif mais nous rajeunissons fortement notre cible. Ailleurs, dans le monde, la marque est très « cool », solaire, celle qui rassemble, sans être pour autant consommée dans le monde de la nuit. La bouteille est vendue 40 dollars aux Etats-Unis, encore plus cher en Australie, en GB, en Belgique... Dans tous ces pays, la culture du cocktail est très installée.


La marque Cointreau a été fondée en 1849 par deux frères angevins. La distillerie est toujours implantée en Anjou et fournit le monde entier. Quel est votre rayonnement à l'international ? Les pays porteurs ?

Nous réalisons 50% de notre activité aux Etats-Unis dans les « liqueur stores », 20% en Angleterre, 15% en Allemagne, 5% en France, puis en Australie, en Chine et le secteur du travel retail. Nous avons un travail en profondeur à mener en France, où la marque est très connue mais peu consommée car on ne sait pas comment l'utiliser. Nous réfléchissons au lancement d'une nouvelle gamme innovante à l'instar du « ready to drink », un cocktail prêt à déguster pour des chambres d'hôtel. L'idée étant de multiplier les occasions de dégustation, les moments de consommation.

Alfred Cointreau, 6ème génération de la famille, responsable patrimoine et héritage, distille ses conseils sur YouTube. Quelle est la place des médias sociaux et plus largement de l'influence dans votre stratégie de communication ?

Nous avons la chance d'avoir Alfred Cointreau, passionné de cocktails et membre de la famille, qui nous permet de contourner la loi Evin. Ses tutos pour réaliser la Margarita et le Cosmopolitan créent de la proximité avec les clients. Nous déclinons le site de la marque en 13 versions et le trafic web (tous sites confondus hors Chine) a été multiplié par 4,6 depuis 2018 (+171% reach) et nous avons enregistré +36% de nouveaux followers sur Instagram.

A l'international nous travaillons avec beaucoup d'influenceurs (Jessica Alba, Dan Levy, des propriétaires de bars...). Pour être en conformité avec la loi, ils doivent donner envie sans pousser à la consommation. Nous réfléchissons, par ailleurs, à donner la parole à nos clients, nos meilleurs ambassadeurs, les plus à même pour créer de la proximité. Enfin, un des grands axes de notre stratégie est la consommation responsable. Cointreau est une marque engagée. Nous ne ciblons pas les jeunes, nous suivons à la lettre les règlementations des pays et nous travaillons sur la mise sur le marché de cocktails « alternatifs », qui ne dépassent pas 8 degrés d'alcool (contre 22 degrés). Une vraie tendance dans le monde des spiritueux.

« On peut réaliser plus de 400 cocktails à base de Cointreau qui contient 40 arômes. »

En 2022, Cointreau a fait évoluer sa bouteille... une petite révolution ?

Nous avons travaillé 5 ans sur ce lancement. Perçue comme très masculine, la bouteille évolue vers plus de féminité et de naturalité. Tout le monde ne sait pas, en effet, que c'est une liqueur à base d'écorces d'oranges douces et amères. Or, aujourd'hui, les consommateurs ont besoin de connaître de quoi sont faits les produits. Le contenant conserve sa couleur ambrée et sa part de deux tiers de verre recyclé qui passera à 100 % en 2025. Mais elle emprunte aussi quelques codes au parfum avec la porte d'entrée de la première distillerie gravée sur ses côtés ou une nouvelle couleur de bouchon. Son col s'est allongé pour une meilleure prise en main, notamment par les barmen.

Surtout, son ingrédient phare est mis en valeur. Les oranges se font une place sur l'étiquette tandis que la texture du bouchon rappelle celle de leur peau. Sur la nouvelle étiquette, la mention « L'Unique » prend plus d'importance qu'auparavant. La nouvelle bouteille comporte également pour la première fois un QR code, ouvrant ainsi les portes d'une expérience digitale dédiée, la source incontournable de près de 400 recettes et tutos cocktails.

Quelle est votre stratégie RSE en 2030 ?

Nous travaillons beaucoup sur la notion de « Refillable », de « re-use », la consigne... dans le but de diminuer le nombre de bouteilles grâce à des contenants plus gros. Certains bars américains consomment jusqu'à 1000 litres de Cointreau par semaine... La liqueur Cointreau est composée d'écorces d'agrumes en provenance du Brésil, du Ghana, du Maroc, Tunisie et d'Espagne. Les fruits ne sont pas bio mais 64% de nos sourceurs ont reçu des certifications internationales provenant d'organismes indépendants spécialisés dans l'agriculture responsable. Nous menons un programme de recherche sur 7 ans pour rendre nos orangers plus forts face au dérèglement climatique et aider nos fournisseurs à s'inscrire dans une agriculture raisonnée. Nous travaillons aussi sur le packaging.


Quelle est votre stratégie digitale et retail ?

Nous n'avons pas de relation directe avec nos clients. La marque est distribuée pour moitié dans la grande distribution et pour moitié dans les bars, restaurants et hôtels. Aux Etats-Unis, nous passons par les sites de vente d'alcool. Notre stratégie e-retail doit nous permettre d'être partout où l'on vend de l'alcool et être reconnue comme étant la meilleure marque pour faire des cocktails. Nous adressons nos cibles, grâce à de l'achat média, à travers des tutos, de l'expérientiel car notre produit ne se consomme pas seul. Monter un site e-commerce avec pour seule référence « l'Unique » n'aurait pas de sens. Pour développer notre stratégie e-marketing, nous avons défini notre cible - « les cocktail enthousiast» - et nous traçons le parcours client sur nos sites. De plus en plus de foyers s'équipent. La consommation de cocktails continue d'augmenter globalement et la préparation de cocktails à la maison continue à s'ancrer dans les habitudes.

Quelles sont les dernières campagnes de communication d'envergure de la marque ?

Fin 1800, la publicité représentait déjà 5% du C.A de la marque. En 1898, un opérateur des frères Lumière réalise le tout premier film publicitaire de la Maison Cointreau. L'image du Pierrot a également été utilisée dans les communications de la marque. Très tôt, dans les années 50, la maison a utilisé la méthode du teasing dans ses campagnes d'affichage, accompagnées de slogans pleins d'humour. « Ne demandez pas seulement un triple sec, exigez un Cointreau » ! ou encore « Un Cointreau avant de reprendre la route ! », « Voulez-vous Cointreau avec moi ? », autant de publicités qui seraient interdites aujourd'hui. Cointreau a lancé en 2018 sa nouvelle plateforme de communication intitulée « The Art of the Mix » et en France sa campagne «Cointreau, l'art du Cocktail». A l'international, nous travaillons avec l'agence TBWA qui vient de signer notre dernière campagne « Cointreau changes everything », diffusée en Angleterre et aux Etats-Unis.


Sa biographie :

  • 2012 : Fanny Chtromberg s'occupe du développement de produit / Maroquinerie homme chez Louis Vuitton.
  • 2014 : Elle devient directrice marketing, digital et client de Caroll
  • 2017 : Elle entre chez Cointreau comme directrice internationale de marque
  • 2020 : Elle ajoute à ses fonctions celle de directrice marketing intelligence pour le groupe.


 
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