Les spécificités juridiques du commerce binaire
Aujourd'hui, le commerce binaire devient une réalité. Pas un jour, sans que ne s'ouvre une vitrine, un magasin électronique sur Internet. Pas un jour sans que l'entreprise à l'origine de ce projet ne se pose des questions juridiques. Quel est le droit applicable ? Existe-t-il un droit ? Quelles sont les formalités à accomplir ?
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Nombreuses sont les particularités juridiques du commerce binaire, ou
commerce électronique, puisque du caractère national ou international des
transactions et de l'absence de contact physique entre client et fournisseur,
vont découler des problématiques spécifiques.
Un échange international
Le commerce binaire permet d'offrir à distance la
vente de biens ou de services dans un cadre international. Le diffuseur de
l'offre et l'acheteur peuvent se trouver soit dans le même Etat, soit dans des
Etats différents. Dans le premier cas, la loi interne de l'Etat s'appliquera
aux transactions commerciales. Il en sera différemment lorsqu'il s'agira de
ventes internationales. Dès lors, se pose la question de savoir quelle est la
loi applicable. Loi, qu'il conviendra de déterminer au moyen des règles dites
de "conflit de lois", qui s'entendent de règles de droit international privé,
propres à chacun des Etats. Cependant, des conventions internationales
uniformisent et permettent l'application directe des règles de nature
matérielle. Certaines d'entre elles ne s'appliqueront qu'aux seuls
professionnels, d'autres aux consommateurs également. L'une des principales
conventions pour la vente internationale de marchandises est la convention de
Vienne du 11 avril 1980, qui s'applique à plusieurs pays (France, Allemagne ou
bien encore Etats-Unis). Elle régit la formation et l'exécution des obligations
nées d'un contrat de vente de marchandises, à l'exception de la question de la
validité du contrat. Ce texte ne s'appliquant pas aux prestations de services,
c'est dans une autre convention internationale qu'il conviendra de rechercher
les règles applicables à ce cas. Par exemple, la convention de Rome du 19 juin
1980, qui privilégie le principe d'autonomie de la volonté. Le contrat est régi
par la loi choisie par les parties. Toutefois, s'agissant des consommateurs,
elle prévoit l'application d'autres lois que celles choisies par les parties.
En effet, elle privilégie les lois de protection du consommateur puisque le
choix par les parties de la loi applicable ne peut avoir pour résultat de
priver le consommateur de la protection que lui assurent les dispositions
impératives de la loi du pays dans lequel il réside habituellement.
Une transaction entre absents
A supposer que la loi
applicable soit la loi française, le commerce binaire relève de la
réglementation sur la vente à distance. D'ores et déjà, le Code de la
consommation définit la vente à distance comme étant "toute technique
permettant aux consommateurs, hors des lieux habituels de réception de
clientèle, de commander un produit ou de demander la réalisation d'un service".
Une définition très proche de celle de la directive européenne dans le cadre de
la vente à distance. Sont notamment considérées comme des techniques de vente à
distance - liste non limitative - "la télématique, le téléphone, la
vidéotransmission, la voie postale ou la distribution d'imprimés". La
réglementation sur la vente à distance aura donc principalement vocation à
s'appliquer aux transactions conclues par le biais d'Internet. Néanmoins, des
spécificités pourront surgir, notamment en cas d'utilisation précise de
techniques comme le push, qui entraîneront l'application de la réglementation
du démarchage à domicile, voire du démarchage par tout autre moyen assimilable
au démarchage par téléphone. En outre, toute offre de vente de produits ou de
prestations de services sur Internet devra, au moins, respecter les règles
relatives à la loyauté de l'information ainsi que celles sur la publicité.
D'autres particularismes régiront également ces offres. Il est prévu que tout
fournisseur de services dans le cadre de services à distance doit indiquer le
nom de son entreprise, ses coordonnées téléphoniques ainsi que l'adresse de son
siège social et, si elle est différente, celle de l'établissement responsable
de l'offre. La vente elle-même sera généralement formée dès l'émission de
l'acceptation par la partie à laquelle est faite une offre, même s'il s'agit de
vente à des consommateurs, avec une nuance : cette solution ne sera
transposable que si c'est le consommateur qui a lui-même choisi de commander.
Une obligation de confirmation écrite des informations devra toutefois être
adressée suite à la transposition de la directive européenne en droit français.
Dès lors, l'écrit, dans le cadre des relations avec les consommateurs, pourrait
redevenir un élément essentiel des transactions à distance. D'autant plus
essentiel qu'il est un des éléments permettant d'éviter de tomber sous le coup
des dispositions afférentes à l'envoi forcé. Tout envoi d'un produit accompagné
d'une correspondance, indiquant que le produit peut être retourné ou conservé,
sans avoir obtenu préalablement l'acceptation expresse du consommateur,
s'entendant d'un envoi forcé et faisant l'objet de sanctions pénales. Une
dernière spécificité s'appliquera au commerce électronique avec les
consommateurs. Le Code de la consommation prévoit que pour toutes les
opérations de vente à distance, l'acheteur d'un produit dispose d'un délai de 7
jours francs à compter de la livraison de sa commande, pour faire retour de ce
produit au vendeur, pour échange ou remboursement, sans pénalité à l'exception
des frais de retour. Si cette faculté de rétractation ne concerne, à ce jour,
que les seules opérations de vente à distance des produits, il est probable
qu'à l'avenir cette faculté sera offerte pour les prestations de services.
La preuve des échanges
Si le commerce électronique
facilite et accélère les transactions, encore convient-il, avec la suppression
de supports écrits, d'aménager la preuve desdites transactions. La suppression
de l'écrit et de son élément authentifiant, la signature, pose un nouveau défi
aux règles juridiques de la preuve au regard des droits nationaux. Si, au
regard du droit français, la preuve par écrit est exigée, lorsque la
transaction concerne un particulier et que sa valeur dépasse 5000 F, tel n'est
pas le cas dans les pays anglo-saxons. Plusieurs techniques doivent donc
permettre d'aménager conventionnellement la preuve. La solution de la
cryptographie - chiffrement des informations - peut améliorer la sécurité des
transactions. Strictement encadré, le recours à cette technique a toutefois été
assoupli par la loi du 26 juillet 1996. Enfin, reste une solution de gestion de
la sécurisation par le recours à des techniques contractuelles, qui peuvent
permettre aux utilisateurs d'organiser entre eux la confidentialité et la
sécurité des transactions par l'introduction de dispositions spécifiques dans
les contrats qui les régissent : recours à une chaîne de confidentialité ou à
des accords d'interchange.