DossierLes médias se réinventent pour sortir de la crise
Le changement des modes de consommation de l'information, accompagné du recul des investissements publicitaires, a contraint les médias à s'adapter. Les modèles économiques évoluent pour capter lecteurs et annonceurs et de nouvelles synergies se développent entre la TV, la presse et le digital.

Sommaire
- "Communiquer dans mes médias en période de crise ne sert pas que le court terme", Didier Beauclair, UDA
- La publicité vidéo surfe sur les nouveaux usages audiovisuels
- Multiplier les points de contacts
- Développer l'engagement
- Se jouer des secteurs interdits
- La radio entre dans la boucle des podcasts vidéo
- Les féminins mode haut de gamme se réinventent constamment
- Des territoires plus affirmés
- Le digital ouvre de nouveaux horizons
- Les quotidiens gratuits au plus près des jeunes urbains actifs
- De grosses capacités de ciblage
- Mettre en main les nouveaux produits
- Native advertising : quand la pub fait clic
- Branding contre performance
- Le prix de l'engagement
- Le numérique repousse les frontières du grand écran
- Des sagas de marque en 3D
- Jouer l'interactivité avec la salle
- Le "hors film", une nouvelle frontière à explorer
1 "Communiquer dans mes médias en période de crise ne sert pas que le court terme", Didier Beauclair, UDA
Dans quel état d'esprit les annonceurs vous semblent-ils aborder cette fin d'année 2013 ?
Lors des rencontres d'automne que nous avons organisées récemment, ils semblaient aborder la rentrée avec des perspectives encourageantes. Le marché reste toutefois sur des prévisions de croissance très modestes à moyen terme et il peut y avoir des discordances entre les évolutions brutes et nettes. En télévision par exemple, les tensions sur les prix, observées au début de l'année, et le fait qu'elles semblent apaisées en ce moment, montrent bien que notre marché est avant tout régi par l'offre et la demande. À la moindre alerte, et l'équilibre actuel est fragile, les tensions reviendront. D'une manière générale, les communicants, chez les annonceurs et les dirigeants d'entreprise, sont convaincus que communiquer en période de crise ne sert pas que le court terme. C'est aussi essentiel pour le moyen et le long terme. Mais tous n'ont pas la possibilité de le faire. Les logiques d'entreprise et les comptes d'exploitation s'analysent au cas par cas et la publicité reste, malheureusement, une variable d'ajustement.
Les annonceurs bénéficient pourtant d'un effet prix souvent favorable...
L'indice du coût des médias, basé sur des chiffres bruts, reste très stable depuis le début de l'année. L'augmentation de l'offre bénéficie plus à l'acheteur qu'au vendeur, mais le premier élément que les annonceurs prennent en compte reste toujours le budget dont ils disposent. Même si nous vivons une période de reconstruction, il y a des raisons de garder confiance : je veux croire que nous assistons plus à une redéfinition qu'à une dégradation du marché car, in fine, les contenus médias, quel que soit leur vecteur, sont toujours un des meilleurs moyens pour les marques annonceurs de rencontrer leurs consommateurs. Le contact média, générateur d'engagement, continue à avoir de la valeur.
Comment la tension sur les investissements impacte-t-elle le marché de l'achat d'espace ?
Toutes les entreprises, côté annonceurs, agences et régies, sont dans une logique de recherche de profitabilité, ce qui engendre parfois des frictions sur ce marché. Dans un contexte de réduction des budgets, d'atomisation des secteurs et d'abondance de l'offre, les agences doivent, plus que jamais, s'assurer et rassurer sur le fait que leurs recommandations sont au service du développement de la marque annonceur.
Beaucoup de médias se consomment désormais sur plusieurs supports ou en interaction les uns avec les autres. Quels sont les enjeux de ces évolutions pour les annonceurs ?
Les contenus médias qui ont besoin d'être consommés de manière exclusive sont en effet de plus en plus challengés. La télévision, par exemple, tire d'ores et déjà parti du multi tasking et les annonceurs multiplient les expériences fructueuses de communications utilisant mobiles, PC et tablettes en synergie avec le petit écran. Si les consommations de la publicité extérieure ou de la radio, médias de la mobilité et d'accompagnement, ne sont pas directement impactées par la concurrence du Web, elles le sont indirectement : dans cette prolifération de stimuli et de sollicitations médias liées à la digitalisation et au multi-équipement, les marques doivent chaque jour gagner la bataille de l'attention. Il s'agit non seulement d'émerger mais aussi de réussir à rapprocher la marque de l'individu quand elle a réussi à émerger, à créer cet engagement et bien sûr à susciter la transformation qui est l'objectif de la communication. Exploiter les synergies entre les médias est un moyen d'y parvenir.
Les investissements dans le digital augmentent et les annonceurs ont de plus en plus recours au ciblage comportemental et au retargeting... À trop cibler les attentes supposées des prospects, ne restreint-on pas leur exposition à la publicité ?
C'est une des limites du système et les annonceurs en sont très conscients. La plupart sont encore en phase d'apprentissage sur ces sujets et les indicateurs d'efficacité, bien définis et bien suivis, sont un moyen de pilotage étroit des campagnes. Les marques ne doivent négliger aucun moyen de favoriser leur propre émergence, notamment avec le branding, qui renforce l'importance des sites médias. Peut-être va-t-on réapprendre la valeur du contexte !
Les ad exchanges se sont beaucoup développés au cours des 12 derniers mois. Quels enjeux soulèvent-ils en matière de commercialisation de la publicité ?
Les ad exchanges possèdent de véritables atouts pour les marques, d'où leur croissance rapide. Pourtant, la chaîne d'intermédiation qui s'est créée autour d'eux pose de vraies questions en matière de transparence. Ainsi les trading desk récréent-ils une opacité dans la chaîne, qui casse le lien direct entre l'amont et l'aval, alors que la loi Sapin avait aboli l'intervention d'un acteur écran. Ce sujet préoccupe beaucoup les annonceurs, d'autant que tout le monde a conscience que ce mode de commercialisation va grossir et qu'il pourrait être appliqué à d'autres médias. Il est important de garantir que l'intermédiation sert bien les intérêts de la marque.
Les ad exchanges posent également beaucoup de questions sur la data...
Il y a des enjeux tout à fait importants autour de la propriété, du coût et de la robustesse de la data. L'utilisation des données clients doit permettre d'être plus intelligent, d'avoir de meilleures réponses à des stimuli. Si ce sujet est devenu aussi fondamental, c'est que les voies de recueil de la donnée sont de plus en plus importantes et que l'on a désormais les moyens de les traiter.
Qu'est-ce que cela ouvre comme perspectives sur la mesure d'audience ?
Les annonceurs ont besoin de recueillir les informations sur la consommation croisée des médias. Beaucoup d'études reposent encore sur des mesures déclaratives. Or, aujourd'hui, on peut parfois enrichir l'échantillonnage par l'exploitation d'une donnée exhaustive, comme c'est le cas pour la mesure d'audience de l'internet mobile ou en utilisant les voies de retour des box.
Reste à analyser en quoi l'exhaustivité fournit un meilleur service que l'échantillonnage. Nous sommes très attentifs à la mesure passive de la radio que Médiamétrie teste cet automne. C'est une piste intéressante même s'il y a beaucoup d'éléments à vérifier, en termes de fiabilité du dispositif mais aussi de modèle économique. On progresse tous les jours dans les modes de recueil et dans la fusion des différentes bases : l'idée est de toujours mieux comprendre comment les individus sont exposés à nos messages, indépendamment du vecteur utilisé.
Didier Beauclair, directeur médias et relations agences de l'UDA, pose un diagnostic mesuré quant à une reprise durable du marché publicitaire, même si les nouvelles méthodes de ciblage, les ad-exchange et les synergies entre les différents médias ouvrent de multiples perspectives.
2 La publicité vidéo surfe sur les nouveaux usages audiovisuels
Téléviseur du salon, ordinateur, tablette ou smartphone. Le téléspectateur n'a désormais que l'embarras du choix pour regarder un programme en catch-up, voir un bonus ou consulter un enrichissement sur second écran. Selon le Baromètre de la TV en ligne, 246,2 millions de programmes télévisés ont été consommés en ligne en mai 2013. Entre janvier et mai, 33,1 % de ces contenus ont été visionnés sur le téléviseur, loin devant le mobile et la tablette (17 %).
La radio 2.0 permet aussi l'écoute à la carte. La contre-partie d'un accès gratuit aux contenus : quelques spots de publicité, diffusés le plus souvent en pré-roll, qui constituent un vrai relais de croissance pour les régies. Le téléspectateur ayant choisi le moment où il regarde son programme se trouve dans une bonne disposition d'esprit et d'attention envers la publicité qui lui est proposée. Les taux de déconnexion entre le pré-roll et le programme sont d'ailleurs assez faibles et la mémorisation des spots élevée. Dans cet univers, le temps d'exposition à la publicité s'avère beaucoup plus restreint que sur la TV "classique".
Un contenu comme MasterChef proposera environ 3 minutes 40 de publicité en replay sur l'IPTV contre environ 30 minutes sur l'antenne de TF1. Pour un même programme, le temps de publicité varie suivant le support utilisé : sur l'ordinateur, une série américaine de 48 minutes pourra être assortie d'un pré-roll, d'un ou deux mid-roll et d'un post-roll alors que, sur l'IPTV, elle ne sera souvent précédée que d'un pré-roll. La rareté n'a pas empêché le développement du marché, si l'on en croit Nicolas Thorin, directeur de M6 Publicité Digital : " La France est un pays où l'ADSL et l'IPTV sont très développés et où l'on monétise le mieux les offres de catch-up. " En l'état, la demande reste plus forte que l'offre, ce qui, en pleine guerre des prix entre chaînes de télé, permet de maintenir les tarifs. La plupart des régies réfléchissent d'ailleurs à augmenter leur inventaire IPTV grâce à des mid-roll.
Même si le marché a parfois tendance à mélanger la catch-up avec les autres plateformes vidéo, le replay offre aux marques un véritable écrin. Les campagnes vidéo diffusées dans un contexte premium favorisent les transferts de valeur entre marques programmes et marques annonceurs. Avec l'information, l'approche est un peu différente : les modules sont plus courts et font davantage référence à l'événement ou à la chaîne qu'à un programme. BFM TV a mis en place des produits spécifiques adaptés à la logique d'une chaîne d'info. " Avec un même type de dispositif déployé sur tous les écrans de la marque, nous sommes davantage dans une présence récurrente que dans une logique d'audience cumulée ", note Pegah Mofidi, directrice commerciale digitale de NextRegie. Les vidéos d'actualité restent pourtant compliquées à monétiser car elles sont difficiles à anticiper par la régie. Les pics de fréquentation peuvent également s'avérer assez aléatoires.
3 Multiplier les points de contacts
Associer une marque à un programme en replay diffusé sur tous les écrans permet de bénéficier d'une audience supplémentaire, parfois plus que conséquente. Plus de 30 % des internautes qui fréquentent le site de BFM TV ne sont pas téléspectateurs de la chaîne. Chaque épisode de la série "Plus Belle la Vie" est regardé en moyenne 450 000 fois en vidéo dans les sept jours qui suivent sa diffusion, soit un gain d'audience de près de 10 % par rapport au direct. " On n'enlèvera jamais la puissance instantanée de la télévision mais, pour certains secteurs, la vidéo permet de toucher les petits consommateurs de TV ou de rajeunir une cible ", fait aussi valoir Nicolas Thorin. Des possibilités qui trouvent de nouveaux horizons avec les offres de ciblage comportemental lancées par M6 avec Ezakus et TF1 avec Weborama.
Sur les chaînes de France Télévisions, le replay est aussi le seul moyen pour un annonceur (hors publicité collective) de communiquer autour des émissions diffusées après 20 heures. Le groupe public a mesuré l'impact de la diffusion sur tous les supports à l'occasion des Jeux olympiques de Londres : " Deux fois moins de gens auraient été exposés aux JO si on ne les avait diffusés que sur le téléviseur, en direct et en replay. Les tests sur les gains de notoriété, d'image et de décision d'achat ont fait apparaître des différentiels à deux chiffres entre ceux qui avaient regardé l'événement uniquement sur le téléviseur et ceux qui avaient été exposés sur plusieurs écrans ", souligne Olivier Douffiagues, directeur commercial de France Télévisions Publicité. L'efficacité se trouve renforcée quand l'annonceur adapte son message au contexte et au support, comme l'avait fait EDF, partenaire officiel des JO. M6 Publicité Digital a, pour sa part, constaté un apport de 2,7 points de couverture sur cible pour deux campagnes multisupports étudiées dans le cadre du lancement de sa solution Multireach TV. Basée sur la technologie de reconnaissance sonore du watermarking, elle mesure l'audience globale des campagnes diffusées à la télé et via les services de TV à la demande, sur ordinateur et IPTV.
4 Développer l'engagement
La vidéo publicitaire s'insère naturellement dans les dispositifs interactifs utilisant le watermarking. La multiplication des écrans permet de développer du rich media : interstitiel vidéo, interactivité avec Facebook et Twitter, contenus additionnels, capsules de marques, géolocalisation... " Le multitasking est fondamental car il autorise une plus grande liberté dans les campagnes. La synchronisation permet de développer un discours plus fort, affirme Jean-François Ruhlmann, directeur commercial adjoint chez TF1 Publicité. L'enjeu de 2014 consistera à harmoniser les différents dispositifs et à utiliser la spécificité de chacun d'entre eux car, avec la vidéo, ce n'est pas le taux de clics qui doit faire foi, mais l'engagement. "
Le public s'est rapidement approprié les services ou offres de jeu proposés depuis un peu plus d'un an sur second écran : 300 000 parties ont été jouées pendant les dix primes de "The Voice" autour de l'application Cinquième coach, parrainée par Hasbro. Ceux qui se connectaient pendant l'émission y restaient en moyenne 15 minutes. Les campagnes commercialisées par M6 pour Orange, Banque Populaire, Samsonite et SFR, via son application Connect, ont montré que plus de la moitié des utilisateurs interagissent dans des emplacements synchronisés avec la publicité. Grâce aux fonctionnalités de partage associées à l'antenne, les chaînes peuvent se différencier des autres plateformes vidéo et créer du lien. TF1 Publicité a ajouté, en septembre, un volet publicitaire à son offre de social TV. Avec Connect Amplify, les annonceurs peuvent sponsoriser les extraits vidéo d'émissions que les téléspectateurs publient sur Twitter.
5 Se jouer des secteurs interdits
La catch-up permet aussi de contourner certaines règles encadrant la publicité télévisée, notamment en matière de secteurs interdits ou contraints. Alors qu'une référence trop marquée à un long-métrage passe, sur le petit écran, pour de la publicité clandestine, pour le cinéma, il est tout à fait possible de diffuser de vraies bandes-annonces sur le digital, voire de créer des chaînes de marque autour des films. Celle de "Fast and Furious 6", diffusée sur tous les services de replay du groupe M6, a généré plus d'1 million de visiteurs uniques sur la page d'accueil et une interactivité supérieure à 20 %.
La distribution peut faire très ouvertement de la promotion sur les sites de télévision, avec des spots classiques ou même via des dispositifs plus élaborés. Sur la chaîne Miss Beauté, développée par TF1 Publicité et Yves Rocher, l'animatrice prend en main les produits de la marque de cosmétiques, ce qu'elle n'aurait pas pu faire sur la télévision "classique", même dans un programme court sponsorisé. L'intégration de cette chaîne dans l'offre de replay de MyTF1 autour des programmes à audience féminine permet aussi de travailler la recommandation.
6 La radio entre dans la boucle des podcasts vidéo
Alors que plus de 16 millions de podcasts sont téléchargés chaque mois, les radios ont parfois du mal à les monétiser. La mesure des podcasts effectivement écoutés (près de 8 sur 10) a contribué à rassurer les annonceurs. Désormais, la plupart des contenus accessibles "on demand" sur les sites des radios sont intégrés dans l'inventaire. Depuis quelques mois, les podcasts vidéo proposés par Europe 1, RTL, RMC, etc., créent une nouvelle manière de consommer la radio, proche de la télé. Selon un focus de Médiamétrie, plus de trois auditeurs sur cinq regardent ces podcasts vidéo auxquels sont généralement associés des spots en pré-roll. Ils sont aussi diffusés lors du lancement du player qui permet d'accéder au direct antenne ou aux podcasts en streaming.
Europe 1 a aussi lancé un dispositif Europe 1 Check, qui synchronise le flux audio avec un second écran grâce au watermarking. La maison d'édition Belfond, qui avait inauguré le dispositif en mars, lors du lancement du dernier opus d'Harlan Coben, a réédité l'expérience en octobre pour la sortie du nouveau roman de Douglas Kennedy. Lors de sa diffusion à l'antenne, le spot de l'annonceur déclenchait l'ouverture d'un contenu sur tablette ou smartphone. L'auditeur pouvait alors lire gratuitement un extrait du livre.
Les chaînes de télévision et les radios ayant largement entamé leur mutation numérique, elles sont désormais de plus en plus sollicitées pour leur capacité à monter des plateformes de marques et du brand publishing. Un juste retour des choses pour ces producteurs de contenus !
La commercialisation des offres de catch-up en télévision et de podcasts en radio constitue un vrai relais de croissance pour ces deux médias.
7 Les féminins mode haut de gamme se réinventent constamment
La famille de la presse féminine de mode haut de gamme ne cesse de s'agrandir. Elle qui comptait déjà de nombreuses marques bien établies a vu arriver cinq nouveaux titres en trois ans, dont deux en 2013, Stylist et Vanity Fair, bientôt rejoints par une édition française de Harper's Bazaar. Et cela trois ans après une précédente vague de lancements, qui avait vu les débuts de Grazia et de Be. La dynamique de l'offre s'explique certes par le lien que les Françaises ont noué avec cette famille de presse, mais aussi par l'intérêt des annonceurs pour la cible des femmes. La presse féminine haut de gamme est dynamique en diffusion, en audience ainsi qu'en publicité, même si les budgets sont de plus en plus disputés, notamment sur le nombre de pages par annonceur. Les titres de la presse féminine haut de gamme concentrent une grande partie du potentiel publicitaire des féminins. Elle domine le secteur avec pas moins de 3 871 pages de publicité en 2012, selon l'indicateur de mesure des investissements presse, Presse Première, de Kantar Media Ad Intelligence. En trois ans, Grazia s'est hissé à la deuxième place du podium avec 2 664 pages, devant Madame Figaro (2 391 pages).
Les nouveaux entrants de 2013 ont attaqué le marché avec de fortes ambitions publicitaires, mais des positionnements un peu décalés par rapport aux titres existants. Avec Stylist, hebdomadaire gratuit distribué depuis avril dernier à plus de 400000 exemplaires dans dix villes françaises, le Groupe Marie-Claire et ShortList Media voulaient prouver qu'il était possible de faire "un féminin de qualité", tout en étant gratuit : " La grande force de Stylist est d'être ultra-puissant et très ciblé. Les annonceurs reconnaissent l'originalité du concept. Avec 10 à 15 pages par numéro, nous sommes à peu près dans nos objectifs. Aujourd'hui, nous avons beaucoup d'annonceurs de mode et de beauté. Le portefeuille commence à se diversifier ", indique Jean-Paul Lubot, directeur général délégué du Groupe Marie-Claire.
L'édition française de Vanity Fair, lancée fin juin par Condé Nast, ne se définit pas comme un féminin "classique" mais comme "un magazine pour les femmes" alliant investigation et glamour. S'il bénéficie de la réputation flatteuse du légendaire magazine américain, cela ne dispense pas son éditeur d'un minimum de pédagogie auprès des annonceurs : " Il faut expliquer que Vanity Fair n'est pas un magazine de consommation ou de retour rédactionnel, que nous n'aurons pas les traditionnels numéros mode ou beauté... En élargissant le spectre du marché, il permet aux marques de toucher une cible très qualitative, mais aussi de développer des discours différents de ce qu'elles font par ailleurs ", souligne son éditrice, Francesca Colin. Les premiers numéros ont été surtout investis par les secteurs de la mode, des accessoires, de la joaillerie et de la beauté. Le titre mise sur sa cible plutôt mixte pour développer également le hors captif.
Afin de faire valoir leurs atouts dans cet univers très concurrentiel, les titres ont mis en avant les valeurs de leur contrat de lecture : un ton sérieux et ludique pour Elle, impertinent et décalé pour Grazia, une importante partie reportage pour Marie-Claire, une fonction de reflet et de dialogue pour Biba.
8 Des territoires plus affirmés
L'étude sémiologique que vient de mener Mondadori Publicité sur onze titres de marques de ce segment constate ce renforcement des territoires : " Certaines marques de presse féminine mettent davantage l'accent sur les communautés, d'autres sur les attitudes. On voit aussi naître de nouveaux paradigmes dans l'appropriation des marques et de la consommation. Pour les lectrices de Grazia, les marques sont un moyen de personnalisation ", détaille Anne Philip, directrice marketing, communication et qualité de la régie.
Le papier reste un écrin essentiel. Les éditeurs repoussent les limites de la technique pour réaliser des encarts de plus en plus premium, favorisant l'émergence des campagnes. Ainsi, Grazia a publié, pour Miss Dior, un pop-up parfumé avec une fleur qui se déployait à l'ouverture du magazine et un dépliant horizontal de huit pages pour Yves Saint-Laurent, Cosmopolitan a encapsulé une bulle d'eau pour Biotherm et, pour la sortie de Schweppes Zéro, Elle a réalisé un encart abritant une planche de tatouages. " Dans un marché mature, les annonceurs attendent une grande qualité de nos titres et surtout de la créativité. Nous mettons donc toute notre énergie au service d'opérations sur mesure, créatrices de valeur pour les marques, croisant les médias ou alliant média et hors média ", affirme Caroline Pois, directrice générale adjointe du pôle féminin de Lagardère Publicité. En communiquant dans la presse féminine haut de gamme, toutes les marques ne cherchent pas une efficacité directe sur les ventes ou le trafic en magasin, mais plutôt de l'émergence et du buzz. Notamment avec laréalité augmentée, qui anime le print.
9 Le digital ouvre de nouveaux horizons
Les titres de presse étant désormais développés comme des marques multisupports, le digital et l'événementiel permettent de multiplier les points de contact. La digitalisation ouvre des opportunités en matière de proximité, de création, de liens avec les banques de données ou les réseaux sociaux. L'association entre marques de presse et marques commerciales trouve une réalisation très concrète dans les box cobrandées ou encore les expériences de e-commerce que certains titres ont commencé à mettre en place dans le domaine de la mode et/ou de la beauté : du "social shopping" sur Be.com, un espace web to store sur Grazia.fr, une plateforme marchande "Glamstore" intégrée dans le portail de Glamour pour acheter des articles de mode sélectionnés par la rédaction.
La presse féminine haut de gamme est aussi un bon allié des marques en recherche de contenus. Le brand publishing leur procure une expertise journalistique qui leur permet de proposer, sur leur site, des contenus de qualité relatifs à la mode et à la beauté. Les liens entre les marques et la presse féminine haut de gamme ont décidément encore de beaux jours devant eux.
Le foisonnement de nouveautés dans le secteur des féminins haut de gamme aiguise l'inventivité des éditeurs et démultiplie les opportunités de communication des marques.
10 Les quotidiens gratuits au plus près des jeunes urbains actifs
Distribuée au plus près des transports en commun, mais aussi dans certains centres commerciaux, la presse gratuite d'information (PGI) fait partie du parcours quotidien de 5,9 millions de lecteurs, pour une grande partie lecteurs exclusifs de ce type de presse. Depuis qu'AudiPresse mesure toutes les familles de presse dans son étude One, les trois titres de la famille n'ont pas quitté les premières marches du podium des quotidiens les plus lus de France : 4,376 millions de lecteurs au numéro moyen sur la période intermédiaire 2012-2013 pour 20 Minutes, 2,866 millions pour Metro et 2,574 millions pour Direct Matin. En 2012, ils constituaient l'un des rares segments de presse à présenter une hausse des investissements bruts (+6,3 % à 1 123 M€, selon Kantar Media Ad Intelligence), même si les recettes nettes (-2,5 %, selon l'Institut de recherches et d'études publicitaires) montrent la tension qui règne sur ce marché.
11 De grosses capacités de ciblage
Ce média encore jeune reste toutefois sous-exploité par certains secteurs annonceurs. " Les agences médias et les annonceurs qui utilisent les quotidiens gratuits d'information savent qu'ils constituent un média puissant et efficace pour toucher les urbains, les jeunes et les CSP+. Il fallait que l'on fasse collectivement connaître les caractéristiques de notre famille de presse à ceux qui ne l'utilisent pas ", explique Jean-Christophe Thiery, président de l'Association de la presse gratuite d'information (APGI) et de Bolloré Média, qui édite Direct Matin. L'étude sur la perception et les perspectives de cette famille, réalisée en mai par Ipsos MediaCT pour l'AGPI, a confirmé ses capacités de ciblage : pour 97 % des interrogés, les gratuits permettent principalement de toucher les jeunes urbains. Ils reconnaissent aussi leur capacité à faire connaître un nouveau produit ou un nouveau service (90 %) et à porter des opérations spéciales (84 %).
Afin de développer leur attractivité auprès des annonceurs, les trois marques de la famille n'ont de cesse de faire évoluer leur offre et de renforcer la complémentarité entre les supports print et digitaux. Signe de l'importance donnée au numérique depuis sa relance de 2012 - le titre est progressivement passé au "reverse publishing" -, Metro a adopté, en mai dernier, une nouvelle marque, Metronews, sur l'ensemble de ses supports papier, internet et mobile. D'ici la fin de l'année, Direct Matin veut lancer des suppléments thématiques distribués indépendamment de l'édition du matin et sur des circuits spécifiques.
À la rentrée 2013, 20 Minutes a élargi sa distribution de 40 à 45 agglomérations pour couvrir 95 % des actifs. Constatant l'évolution des habitudes de consommation des lecteurs et la demande des annonceurs pour des plateformes couvrant un territoire plus large, le groupe a fusionné certaines de ses éditions : Nîmes et Montpellier ont par exemple fait place à une édition Languedoc. Pour fournir aux lecteurs comme aux annonceurs du print des leviers d'accélération sur Internet et les réseaux sociaux, il continue d'investir dans le numérique : " Les pdf enrichis sur l'éditorial et la publicité donnent une autre dimension à la convergence et permettent de développer notre implantation au-delà de la distribution physique. Grâce à la nouvelle offre de brand content, les marques peuvent préempter un territoire de marque sans paraître intrusives ", indique Olivier Bonsart, président et directeur de 20 Minutes.
12 Mettre en main les nouveaux produits
Au-delà des synergies print-web, c'est sans doute sur le volet des opérations spéciales que la presse gratuite d'information peut le mieux faire valoir sa spécificité, offrant aux marques une véritable convergence entre média et hors média. Les gratuits croisent leur expertise en géomarketing avec les ressources de leur réseau de colporteurs pour proposer de l'échantillonnage : " Nous essayons de concilier au mieux le mass média avec le contact one to one. Avec les marques, nous pouvons choisir les points de distribution en fonction des stations de métro et monter des micro-opérations. L'échantillonnage a permis de faire découvrir beaucoup de nouveaux produits, notamment dans le domaine de l'alimentaire ", indique Édouard Boccon-Gibod, président de Metro France. Metronews a ainsi distribué des échantillons pour les nouveaux Nescafé, Thé Eléphant, Rocher Suchard ou Royco. Une opération en deux temps a été montée en novembre 2012 pour Nivea : le matin, une page de publicité publiée dans le quotidien donnait rendez-vous aux lecteurs pour le soir, où 400 000 échantillons de lait corporel ont été distribués. Les volumes peuvent être particulièrement importants : 20 Minutes a, par exemple, distribué 700 000 échantillons de petites dosettes de lessive Mir pour Henkel. Les accords avec des enseignes ou des gestionnaires de centres commerciaux constituent une autre opportunité d'association avec les marques annonceurs. Metronews propose désormais de cibler dès l'imprimerie ses exemplaires distribués chez Monoprix, ce qui permet par exemple de nouer des accords avec les marques dont les produits figurent en tête de gondole, via des stickers.
Depuis janvier dernier, Direct Matin est distribué dans 19 centres commerciaux d'Unibail-Rodamco. " Cet accord nous a permis de renforcer les contacts avec certains de nos annonceurs. Dans cet univers très qualitatif, nous allons pouvoir monter des opérations croisées avec Unibail Rodamco, mobiliser les associations de commerçants, par exemple, lors des actions de promotion ou au moment des soldes ", souligne Gaël Blanchard, président de Bolloré Média Régie. Le quotidien gratuit mobilise aussi sa régie et sa filiale de distribution, Intervalles autour d'opérations événementielles. Des cuisines ont été construites sur l'esplanade de la Défense pour Leroy Merlin. Une opération transversale pour Ikea a joué les synergies au sein de plusieurs entités de Bolloré : l'installation de ornes de charge autolib' dans sept magasins de 'enseigne a donné lieu à la mise en place d'une opération spéciale dans Paris, à de la publicité dans Direct Matin et à un colportage événementiel. Dans les mois qui viennent, la presse gratuite d'information activera assurément toute la palette de ses propositions pour amener ses lecteurs au plus près des linéaires. Elle compte aussi bénéficier de la concurrence liée à l'arrivée de la 4G.
Souvent perçue comme un média de complément, la presse gratuite d'information offre de nombreuses possibilités de ciblage et d'opérations spéciales.
13 Native advertising : quand la pub fait clic
L'arrivée de Marissa Mayer à la tête de Yahoo! il y a un an commence à faire son petit effet. La directrice générale n'a pas uniquement relancé la fréquentation du portail. Elle s'est aussi attachée à améliorer les performances du groupe dans la publicité (une priorité pour les prestataires de services gratuits sur Internet, pour qui la publicité est la principale source de revenus). Comment ? Via un nouveau format, "Yahoo Stream Ads", que le groupe américain a lancé au printemps dernier. Le principe : insérer du contenu publicitaire au contenu web. Mais pas de n'importe quelle façon. Ici, la publicité s'intègre aux contenus éditoriaux et s'adapte au ton et au design du support. " Comme avec la recherche web, les utilisateurs apprécient la publicité complémentaire et discrète, résume Marissa Meyer sur le blog de Yahoo! La publicité peut et doit améliorer la découverte des contenus de façon homogène et efficace. "
Cette nouvelle génération de formats porte un nom : le native advertising. Un terme qui se répand comme une traînée de poudre chez les marketeurs. Au point que certains spécialistes prévoient déjà que ce concept sonnera le glas d'un business model de la publicité sur le Net, trop obsédé par la monétisation des audiences. C'est le cas de Julien Verdier, CEO de la régie publicitaire Adyoulike, pour qui le native advertising constitue le futur de la publicité digitale : " 95 % des publicités sur Internet sont des bannières classiques. Il faut en finir avec ces formats ultra-racoleurs et prouver aux annonceurs qu'ils doivent désormais engager un dialogue avec les internautes. " Déjà, la régie est parvenue à convaincre une poignée de marques de l'intérêt de ce concept.
14 Branding contre performance
Pour vanter les mérites de la box de SFR, Adyoulike a intégré un post vidéo au contenu éditorial du site web L'Internaute. " De cette façon, l'utilisateur a le choix de découvrir ou non la publicité proposée, explique Julien Verdier. Si la publicité apparaît comme trop institutionnelle, ça ne cliquera pas. Les campagnes doivent être converties au format natif choisi et diffusées de façon optimisée, au coeur du contenu éditorial, en respectant l'expérience utilisateur. " Le principal concurrent de SFR, Orange, n'a pas non plus tardé à s'engouffrer dans la brèche. Sur le site du Huffington Post, l'opérateur proposait, en juillet dernier, une brand page intitulée "La vie digitale". Au menu de cette rubrique, des études sur les entreprises innovantes et des éditoriaux analysant la stratégie des leaders de leur secteur. " Avec le native advertising, la marque n'apparaît pas dans les contenus qu'elle offre, soutient Axel Auschitzky, directeur marketing délégué digital de Lagardère Publicité. Par exemple, pour un opérateur, il faudra seulement évoquer des sujets en rapport avec les technologies de pointe en général, et le mobile en particulier. " Le but de la manoeuvre : privilégier une approche de branding à une approche ROIste. " Les marques doivent apporter de l'information et du rêve à l'internaute, et moins miser sur la performance ", ajoute-t-il.
Un business model auquel le directeur marketing de la régie de Lagardère semble croire puisque le groupe a lancé, en mai dernier, la première offre de native advertising pour son titre people, Public. Et il n'est pas le seul. Qu'il s'agisse d'agences ou de régies, les professionnels sont unanimes : le seul critère de la performance a fait son temps. " Au début des années 2000, Internet était un terrain de jeu idéal pour les publicitaires, se souvient Michael Bernier, responsable innovation & développement d'Havas Media. L'absence de formats imposés a conduit les annonceurs à céder à la folie d'une démarche hyper ROIste. Aujourd'hui, il faut privilégier le branding pour arriver à la performance et cela n'est possible que par un seul moyen : mettre les bannières, les pop-up et autres formats classiques et intrusifs à la poubelle. "
De ces formats intrusifs, les Français n'en peuvent plus. D'après une étude que la régie Adyoulike a dévoilé avec l'Ifop l'été dernier, ils sont deux sur trois à considérer la publicité on line comme "une mauvaise chose". Mais il y a plus accablant : 90 % des sondés trouvent la publicité en ligne "omniprésente" et 61 % d'entre eux se déclarent stressés par ses sollicitations incessantes. Autant de points négatifs qui expliquent le déficit de performance du display classique. Selon l'étude "Native Advertising, au coeur du futur de la publicité digitale", dévoilée au début de l'année 2013 par la régie du groupe de presse Express Roularta, le taux de clics de ces formats est passé de 9 % en 2000 à 0,2 % en 2012. On est loin des taux de clics moyens du native advertising, de 6 % à 10 %, relevés par l'agence Outbrain. Cette agence révèle aussi qu'à partir d'une campagne de native advertising, les internautes visitent 44 % de pages de plus par session que ceux venant de moteurs de recherche et 46 % de plus que ceux issus des médias sociaux.
15 Le prix de l'engagement
Reste que cet engagement plus élevé envers les marques a un prix, difficile à évaluer car les acteurs concernés peinent à s'exprimer sur le sujet. Le native advertising permet de réorienter à la hausse les tarifs de la publicité en ligne. Ce qui profite en large partie aux éditeurs de presse. Car aujourd'hui, c'est essentiellement sur les sites d'information que se développe cette publicité nouvelle génération. " Avec le native advertising, on est dans le "content to content", rappelle Julien Verdier. On doit aller chercher les internautes précisément là où ils sont en train de découvrir du contenu. " Mais qui produit ce contenu ? " Nous proposons à l'annonceur d'écrire un article directement dans le CMS (système de gestion de contenus) que nous mettons à sa disposition ", garantit Axel Auschitzky (Lagardère Publicité). Une pratique qui n'a pas cours chez tous les éditeurs. Sur le site Melty, la Coca-Cola Gaming Zone, espace consacré aux jeux vidéo, est entièrement produite par la rédaction du pure player. De quoi poser des problèmes d'éthique. Reste que pour l'instant, l'éditeur y trouve son compte : Melty dit avoir tiré, du native advertising, 50 % de son chiffre d'affaires de l'an dernier (2,3 millions d'euros).
Victime d'une baisse de ses taux de clics, le display classique perd de son crédit auprès des annonceurs. Mais un nouveau format, visant à insérer le contenu publicitaire au coeur de l'expérience utilisateur, pourrait bousculer le secteur de la publicité sur le Web?: le native advertising.
16 Le numérique repousse les frontières du grand écran
Depuis quelques années, le cinéma connaît un regain de fréquentation. Si le nombre d'entrées est en léger retrait depuis 2012, il reste sur des niveaux très élevés : 204 millions en 2012 et 95 millions sur le premier semestre 2013, selon le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC). L'an dernier, 38,9 millions de Français ont fréquenté les cinémas, soit 6,3 millions de spectateurs supplémentaires en 10 ans. Côté publicité, le cinéma reste un marché modeste, qui résiste plutôt bien à la crise : + 0,3 % à 381 M€ bruts en 2012 selon Kantar Media Ad Intelligence et + 0,4 % à 105 M€ en net, selon l'Institut de recherches et d'études publicitaires (Irep). En brut, les tendances se maintiennent sur le premier semestre 2013. La publicité trouve naturellement sa place dans les salles obscures. Pour beaucoup, elle fait même partie intégrante de la séance. L'état d'esprit dans lequel se trouve le spectateur favorise l'attention et la mémorisation des messages. En choisissant les films autour desquels ils souhaitent communiquer, les annonceurs limitent la déperdition auprès de la cible qu'ils veulent toucher.
17 Des sagas de marque en 3D
Si la numérisation des salles et l'introduction de la 3D ont contribué à renouveler "l'expérience spectateur", le digital a également changé la donne pour la publicité : " Si on était encore en argentique, la publicité au cinéma serait actuellement dans des difficultés abyssales, affirme Benjamin Badinter, président du directoire de Médias & Régies Europe (MRE) et président de Médiavision. Grâce à une réactivité réduite à cinq ou sept jours, le numérique a fait venir de nouveaux budgets et permis de s'adapter aux décisions de plus en plus tardives des annonceurs. " Il y a quelques années, les campagnes devaient être bouclées trois semaines avant la diffusion. Un succès comme Bienvenue chez les Ch'tis n'avait pas pu bénéficier d'une stratégie de suivi optimale de la part des annonceurs car, en 2008, l'argentique ne le permettait pas.
La 3D a également contribué au regain d'intérêt des campagnes. C'est d'ailleurs avec un spot Haribo diffusé avant Avatar que les spectateurs ont vécu leur première expérience en 3D, tentant d'attraper les confiseries qui "sautaient" dans la salle ! Ce spot avait alors bénéficié d'une émergence maximale. Depuis, Haribo ou Oasis continuent de se montrer très actifs, avec des sagas faisant référence aux blockbusters. Des Schtroumpfs avaient pris place au milieu des bonbons Haribo lors de la sortie du long métrage éponyme en 2011. Pour "Iron Man 3", le personnage Jude Citron d'Oasis s'est mué en Citron Man. Il était aussi le héros de "Moi, Moche et Citron", parodie de "Moi, Moche et Méchant 2". La 3D a depuis connu un recentrage tant au niveau des longs-métrages que de la publicité. Malgré le coût des campagnes et la diminution du nombre de spots, elle reste une piste de travail pour les studios et les publicitaires : " Tant que la télévision en 3D ne sera pas démocratisée, les salles de cinéma resteront les lieux privilégiés pour connaître ce type d'expériences ", note Benjamin Badinter.
18 Jouer l'interactivité avec la salle
Le numérique permet aussi de proposer des campagnes interactives, à l'image de celle qui a été menée début 2012 par l'Office du tourisme du Brésil : les spectateurs pouvaient faire basculer l'angle de vue du film d'un mouvement de bras vers la droite ou vers la gauche. Pour le lancement du Nokia Lumia 710 embarquant l'application Orange Cinédays, l'humoriste Thomas Ngijol a piégé à plusieurs reprises les spectateurs du Gaumont Opéra à Paris. Alors qu'il sortait son portable sur l'écran de cinéma, un téléphone sonnait dans la salle et le spectateur qui répondait se retrouvait en conversation avec le comédien ! Coca Cola a également joué l'interactivité avec la salle autour de son Coca Zéro. Shazam (reconnaissance musicale) va ouvrir de nouvelles opportunités : " Nous avons déjà beaucoup de demandes de la part des annonceurs. On pourra monter au cinéma les mêmes dispositifs qu'en télévision ", souligne Viviane Paban, responsable marketing cinéma chez Canal+ Régie, qui commercialise l'espace publicitaire d'UGC depuis le 1er janvier 2013. Première régie de cinéma à commercialiser aussi d'autres médias, cette régie souhaite amener au cinéma des annonceurs du petit écran : " Nous voulons créer des parcours médias avec une stratégie de cible autour de plusieurs écrans premium ", poursuit-elle. Roche Bobois, Seat, Lenovo ou Prada sont venus au cinéma via le produit +Écrans, qui permet de diffuser une campagne à la télévision, sur internet et en salle. Pour exprimer la montée en gamme du parfum Paco Rabanne, Puig a communiqué lors du Festival de Cannes sur les différents supports du groupe Canal+, notamment sur La Chaîne du Festival, dont il est partenaire officiel.
19 Le "hors film", une nouvelle frontière à explorer
La numérisation du parc a permis d'élargir la programmation : opéras, spectacles, expositions ou retransmissions sportives diffusés en direct ou en différé sont désormais régulièrement à l'affiche chez Gaumont-Pathé, CGR et UGC. Si le dernier spectacle de Florence Foresti, retransmis en direct de Bercy dans une cinquantaine de salles Gaumont et Pathé, a sans doute séduit un public d'habitués du cinéma, d'autres représentations drainent un public d'occasionnels. Ils constituent une autre opportunité pour les annonceurs : alors qu'Hermès accompagne depuis deux ans les représentations du Bolchoï diffusées par Pathé Live, Canal+ Régie cherche aussi "un parrain très CSP+" autour du partenariat noué par UCG avec l'Opéra de Paris. Oasis s'était associé au spectacle La féerie des eaux, organisé au Grand Rex.
Le digital a démultiplié les possibilités de communication des marques dans un univers captif qui favorise l'émergence.
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