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[Rencontre] Charles Durand : "on pourrait faire beaucoup plus avec le Japon"

Publié par Marie J. Guillet le - mis à jour à
[Rencontre] Charles Durand : 'on pourrait faire beaucoup plus avec le Japon'

Inabordable et compliqué, le marché japonais ? Peut-être, mais aussi, comme le rappelle notre expert, un fantastique terreau d'opportunités.

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Né en Afrique et élevé dans plusieurs pays étrangers, c'est finalement au Japon que Charles Durand a posé ses valises il y a 17 ans. Marié à une Japonaise, père de deux enfants, cet expert du marché nippon conseille et accompagne les marques pour Sopexa, agence française spécialisée dans le marketing à l'international des entreprises agro-alimentaires.

Le pays du client Dieu

" Au Japon, le client n'est pas roi, il est Dieu ! " annonce-t-il d'entrée de jeu, avec un grand sourire, avant d'ajouter qu'" à Dieu, on ne vend pas un produit imparfait ". Et de citer en exemple ce producteur de vins français, qui l'a compris à ses dépens lorsque son importateur local lui a refusé une cargaison de bouteilles dont les étiquettes étaient collées très légèrement de travers. " Un demi-millimètre d'écart aura suffi ! "

Indiscutablement, les impératifs de perfection du marché japonais sont un frein à l'exportation des marques. " Elles se retrouvent à tous les niveaux, explique Charles Durand, même pour ce qui est caché ". Lorsque Saint-Gobain exporte au Japon ses plaques de verre, il laisse autour de chacune d'entre elles les parties servent à les manipuler avant la pose, des parties qui sont ensuite coupées et détruites. " Ces bords ne sont pas parfaits, ils peuvent avoir un éclat, ce qui n'est pas important puisqu'ils vont être coupés et jetés. Mais voila, au Japon, c'est un problème ! ". À Saint-Gobain de livrer des plaques aux marges parfaites.

Qualité des produits, sens extrême du détail, respect absolu des délais, ces exigences peuvent être perçues comme des freins, mais ce sont aussi des avantages. " Un produit qui a marché au Japon pourra marcher partout en Asie ! assure Charles Durand. Le Japon est un marché test : la région viticole du Beaujolais y a testé ses rosés effervescents. "

Un marché qui résiste à tout, même à un tsunami

C'est aussi un marché sûr, complexe, et contradictoire. " La distribution, par exemple, est à la fois atomisée - il y a plus de 400 chaînes de supermarchés au Japon ; compliquée, puisque chaque étage, importateurs, grossistes, distributeurs, comprend beaucoup d'interlocuteurs ; mais aussi concentrée autour de deux grands bassins, celui de Tokyo et d'Osaka ".

Et tout ce maillage est très peu élastique. L'inconvénient : " vous pouvez mettre beaucoup d'argent dans la pompe marketing, ça ne bouge pas, ou peu. Mais l'avantage, c'est que le jour où il y a un problème macro-économique, comme le 11 mars [2011, date du séisme, suivi par un tsunami, responsables de 19 000 morts et de l'accident nucléaire de Fukushima], ça ne bouge pas non plus. On a cru que les importations de vin allaient s'effondrer alors qu'après quelques mois de baisse, fin juin, le marché a indiqué que le volume des importations de l'année serait supérieur à 2010 ".

Luxe à part

Seul le luxe échappe à ce schéma car les marques ont souvent leur propre réseau de distribution. Et un niveau de vie élevé a fait du Japon " l'Eldorado du luxe, précise Charles Durand, notamment pour les vêtements, la cosmétique et les accessoires. Une marque comme Vuitton a réussi à faire des produits de masse-luxe. L'ouvrier qui quitte son chantier pour aller chercher une boisson sort son portefeuille Vuitton pour payer au distributeur ! Les Japonais aiment la qualité, et toutes les marques de luxe sont associées à cet aspect de qualité ". Un luxe qui peut aussi être " abordable, c'est-à-dire que l'on peut s'offrir une ou deux fois par an, comme un très bon vin ".

La bonne image de la France

En 2008, le poster de la campagne d'amitié France-Japon

Sur certains segments, comme l'agro-alimentaire, la cosmétique, le luxe, le tourisme..., le simple fait d'être Français est synonyme de qualité, ce qui représente un atout de taille, "et un capital-image qui demanderait des millions de dollars d'investissements par an si on voulait le créer". En revanche, La France a une faible notoriété publique sur la haute technologie digitale ou spatiale, précise notre expert. Et le Japon reste une île qui protège fortement certains secteurs, dans l'agro-alimentaire ("n'essayez pas de vendre du riz à un Japonais ! ") ou encore le bâtiment.

L'amour du travail bien fait est finalement un lien très fort entre la France et le Japon. " Les Japonais reconnaissent et apprécient la qualité et le travail de l'artisan. Ils ont, comme nous, une culture avec une histoire ancienne, un savoir-faire, une certaine magie... Même si on ne parle pas la même langue, on peut se comprendre ", assure Charles Durand. Une compréhension que la formation renforce : il est souvent nécessaire d'inclure un important travail d'explication du produit et de formation à ses usages.

" On pourrait faire beaucoup plus avec le Japon. Il ne faut pas vouloir aller trop vite, et adopter une démarche de découverte. Le business, c'est toujours et avant tout une histoire d'hommes ! "

Charles Durand, mini bio :

  • 1997 : il s'installe au Japon après une jeunesse passée à l'étranger
  • 2001 : responsable marketing et vente d'espaces, filiale japonaise d'Hachette Fillipacchi
  • 2006 : directeur commercial de la filiale japonaise de Sopexa, présent localement depuis une quarantaine d'années
  • 2008 : directeur de la filiale japonaise de Sopexa, 14 salariés

 
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