E-marketing.fr Le site des professionnels du marketing

Recherche
Magazine Marketing

Pourquoi devons-nous résister à "l'indifférenciation digitale"?

Publié par le | Mis à jour le
Pourquoi devons-nous résister à 'l'indifférenciation digitale'?

Selon le X Index, baromètre de l'expérience client, cette dernière repose sur 3 piliers: la marque, l'initiative et la fluidité. Mais à les vouloir trop parfaits, les parcours clients risquent l'uniformité. Tel est l'avertissement d'Olivier Vigneaux, président de BETC Digital, membre de l'AACC.

Je m'abonne
  • Imprimer

Les services digitaux que nous utilisons quotidiennement nous ont tant habitués à obtenir des réponses immédiates que nous sommes tous devenus à leur égard "intolérants aux points de frictions", c'est-à-dire incapables de supporter la moindre imperfection dans ce qu'on appelle les "parcours clients". La qualité de l'expérience client est devenue une telle préoccupation et un tel enjeu business pour les entreprises que nous avons créé l'année dernière au sein de BETC Digital, le X Index, premier baromètre français de l'expérience client. Il s'agit d'une étude menée avec Opinion Way en France, en Chine et aux USA pour comprendre les facteurs les plus discriminants des expériences que les marques et les enseignes proposent à leurs clients. Et le volet 2019 de cette étude nous éclaire sur les attentes émergentes des gens en matière d'expérience.

On y apprend par exemple qu'en France, les facteurs qui contribuent à l'évaluation positive d'une expérience sont de trois ordres: la marque elle-même, ses initiatives relationnelles (attention du personnel, qualité de l'accompagnement des clients...), et la qualité de l'expérience d'achat proprement dite. Chacun de trois comptant, de façon équilibrée, pour environ un tiers de l'évaluation globale de l'expérience client.

Plus de droit à l'erreur

Revenons à notre point de départ, les fameux "points de friction". Notre étude est formelle à ce sujet: plus question aujourd'hui de ne pas être irréprochable en matière de simplicité et de fluidité des parcours. C'est un élément qui pèse lourd dans la perception globale d'une expérience. Hors de l'élimination des problèmes fonctionnels, point de salut. Ce constat, au fond assez évident, donne sa pleine légitimité à l'approche la plus répandue en matière de construction des parcours clients. Une approche strictement "data driven" consistant à optimiser sans cesse l'expérience digitale des clients en se fiant à la donnée récoltée: abandon du parcours à tel moment, temps passé plus long que prévu à telle ou telle étape, moindre passage à l'acte d'achat à corriger etc.

Précieuse donnée permettant de rectifier le tir et d'optimiser notamment la conversion. Précieuse mais aussi à l'origine d'une croissante indifférenciation digitale. C'est-à-dire? À force d'élimination systématique des points de friction, d'optimisations basées sur les observations des comportements des clients, toutes les marques tendent vers les mêmes interfaces, la reproduction des mêmes "best practises". Pensez par exemple, à la manière incroyablement uniformisée, dont sont organisés bon nombre de sites d'e-commerce.

Au-delà de la fluidité

Or, notre étude X index nous éclaire de façon plus nuancée sur les véritables attentes des clients. Un critère ressort comme plus important encore que la fluidité dans l'évaluation que les clients font d'une expérience: "le parcours d'achat était agréable". C'est le critère le plus discriminant de l'expérience client aux USA et le troisième en Chine et en France. Les clients nous rappellent ici fort justement que la fonctionnalité n'est jamais qu'une chose attendue, une dette, et que c'est bien la dimension plaisante, le plaisir procuré par une expérience qui compte le plus. Une attente d'émotion, de singularité. Nous voilà à l'opposé de l'indifférenciation.

Il est, me semble-t-il, de la responsabilité des marques de résister à la standardisation de nos usages digitaux. Dans la quête d'optimisation et d'efficacité pure, Amazon risque bien de rester toujours la meilleure. Mais en matière de différenciation et d'attachement émotionnel, son évaluation dans notre étude est bien moins bonne (c'est d'ailleurs ce qui explique que l'enseigne ne soit plus, cette année dans le top 10 de notre classement). Amazon est diablement efficace, mais il se pourrait que, dans la durée, elle ne parvienne pas à susciter chez ses clients une émotion qui dépasse la reconnaissance de son excellence opérationnelle. D'autres places sont clairement à prendre dans le coeur des utilisateurs.

Loin de moi l'idée de se passer des données d'usage des clients pour améliorer une expérience de marque. Mais cela ne suffira jamais à créer un attachement émotionnel durable. Seul un travail créatif, complémentaire à l'analyse des datas, pourra créer cette aspérité, cette émotion. Quitte, même, à garder volontairement certains points de friction dans les parcours clients, s'ils créent une différence intéressante. Le terrain de jeu de la différenciation digitale est décidément créatif et prometteur.

L'auteur

Olivier Vigneaux, Président de BETC digital

Olivier est Président de BETC digital depuis 2013 et vice-président de la Délégation Customer Marketing de l'AACC depuis 2018. Il est également enseignant en Marketing à Sciences Po Paris. Passionné par la transformation des entreprises et des Marques dans le monde digital, il accompagne ses clients dans leur digitalisation et la redéfinition créative de leur Expérience Client. Il a contribué ainsi à l'écosystème digital et/ou CRM de nombreux leaders, comme Danone (DanOn), Sephora, La Poste, Leclerc, Schneider-Electric, Laroche-Posay, Sofinco, Savencia, Accor, Air France, et a également piloté la création de services mobiles de référence, comme l'application des City Guides de Louis Vuitton. Diplômé de l'EDHEC Business School, il a démarré sa carrière chez Young & Rubicam en 1995, avant de rejoindre BETC en 2000 puis EURORSCG 4D en 2005.

 
Je m'abonne

NEWSLETTER | Abonnez-vous pour recevoir nos meilleurs articles

La rédaction vous recommande