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Ne ratez pas le train de la révolution collaborative

Publié par Catherine Heurtebise le | Mis à jour le
Ne ratez pas le train de la révolution collaborative

Ce n'est pas une mode ni une économie passagère. Cette alternative à la société de surconsommation gagne de plus en plus de secteurs. Quelles sont les attentes des consommateurs et comment les marques peuvent-elles s'adapter ?

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Le Bon Coin réunit 5 millions de Français; on dénombre plus de 6 millions de membres en France et en Europe pour BlaBlaCar; 1 million de voyageurs hexagonaux pour Airbnb... Le collaboratif se conjugue dans de plus en plus de services : "cookening" (partager son repas), "colunching" (déjeuners professionnels), "coworking"...

Le phénomène est mondial et chacun y va de son appellation : "consommation collaborative", "co", "système D", "sharing economy"..." Le troc est vieux comme le monde. Ce qui est nouveau, c'est le fait que les gens échangent sans se connaître, grâce à la maturité des usages dans les réseaux sociaux et la géolocalisation mobile ", déclare Isabelle Milgrom, fondatrice de l'institut M2R (Milgrom Market Research). Pour cette spécialiste d'études quali, passionnée de consommation collaborative à titre personnel et professionnel, cette économie a pris son essor grâce à " la génération Y qui, poussée par la musique en streaming notamment, a compris que la possession n'était pas la panacée ". Des précurseurs ont, bien sûr, existé : Covoiturage.com (devenu BlaBlaCar), créé il y a dix ans et qui a eu du mal à décoller en version gratuite; Decathlon et ses trocs avant l'heure... " Je n'ai pas une position idéologique et je n'appartiens pas aux théoriciens(1). J'observe la façon dont ce nouveau mode de consommation affecte les consommateurs, poursuit Isabelle Milgrom. Soit on trouve des avocats de la cause, soit des instituts qui voient l'économie collaborative comme une tendance. "

Incontestablement, il n'en est rien : près de la moitié des Français s'y adonne régulièrement. Et ceux qui le font se montrent plus confiants et plus optimistes. Ce nouveau système pose de nouveau au consommateur, déjà hypercritique, la question de la finalité de ses achats : "Je n'ai pas besoin d'une perceuse, j'ai besoin d'un trou dans un mur". Et met au goût du jour cette interrogation cruciale : "Pourquoi consomme-t-on ?" Isabelle Milgrom a réalisé, début 2013, un focus groupe quali de personnes utilisant un service (et un seul) de consommation collaborative, avec l'envie de savoir ce que cela changeait pour elles. Une étude doublée d'une enquête auprès des start-up impliquées dans ce business. Selon l'investigatrice, " le système réenchante la consommation. Et même si on y va parfois pour le prix et si la crise a été un accélérateur du phénomène, on y retourne pour l'expérience et le plaisir?". Autres enseignements de l'étude : c'est un mode de ­consommation plus simple, immédiat, qui permet de créer des communautés et du lien.

L'idéologie n'est pas prépondérante et la réassurance reste un bénéfice secondaire. Les secteurs en demande sont la voiture, les voyages, la puériculture, les animaux domestiques...

(1) Parmi les théoriciens de la consommation collaborative : Rachel Botsman, fondatrice du mouvement de Collaborative consumption; Anne-Sophie Novel, La Vie share (éditions Alternatives, 2013) et Antonin Léonard, fondateur de OuiShare Global Connector et animateur du blog consocollaborative.com.

Article paru dans le magazine Marketing de mai 2014, n°176.

La confiance avant toute chose

De nombreuses start-up se sont lancées dans l'aventure avec plus ou moins de succès. " Nous sommes partis d'un besoin des Français qui consiste à sous-louer leur appartement lorsqu'ils ne sont pas là. Des millions de nuits sont ainsi perdues chaque soir dans des logements vacants ", explique François de Landes de Saint Palais, cofondateur, avec Julien Delon, fin 2011, du site Sejourning. Il précise que lorsque les deux amis ont lancé le projet, en 2009, " Airbnb n'était pas encore connu en France, pays où la notion d'appropriation est plus forte que dans les pays anglo-saxons ".

Sejourning compte aujourd'hui 50 000 utilisateurs et il est presque rentable ! " Nous misons sur la confiance et nous faisons tout pour que nos outils - site, plateforme communautaire... - poussent loueurs et locataires à échanger et même à se rencontrer, insiste François de Landes de Saint Palais. Ne pouvant attaquer l'international de front, nous avons décidé de miser sur la diversification. " Fidèle à sa stratégie affinitaire, après deux levées de fonds, la start-up a lancé, mi-2013, en association avec Mygaytrip, la plateforme MisterBnb, dédiée à la communauté gay. " Les personnes qui voyagent aiment aller chez des gens qui leur ressemblent ", note François de Landes de Saint Palais. Moins d'un an après son lancement, MisterBnb propose des appartements à Paris, New York, Barcelone, San Francisco et Berlin à plus de 30 000 utilisateurs. " MisterBnb se développe quatre fois plus vite que Sejourning, ajoute François de Landes de Saint Palais. Il mise fortement sur le bouche à oreille (soirées, partenariat avec le magazine Têtu...). Autre diversification pour Sejourning (qui s'est doté d'une holding, Appartlib) : DogVacances, une plateforme mettant en relation des "petsitters" et des personnes qui ne veulent pas abandonner leur chien ou leur chat quand elles partent en vacances. Il s'agit d'une niche prometteuse : un Français sur deux a un animal domestique ! L'objectif est d'avoir 100 000 "petsitters" d'ici six mois. Par la suite, pourquoi ne pas proposer (moins cher) un appartement avec un chien à garder pendant les vacances ?

Des projets infinis

Les projets semblent infinis. Certes, des start-up collaboratives vont survivre, d'autres disparaître. " On est dans une ère passionnante ", reprend Isabelle Milgrom, pour qui " ce nouveau système ne va pas remplacer la consommation classique mais pose cependant aux marques la question de leur mission ". Première attitude des entreprises concurrencées par ces nouveaux modèles : la SNCF a racheté le site de covoiturage 123envoiture et créé une plateforme. L'éditeur américain Condé Nast (Vanity Fair, Glamour, Vogue) a pris une participation dans VestiaireCollective.com, vide-dressing haut de gamme... Mais " comment partager un déodorant ? ", demande Isabelle Milgrom. Comment les marques traditionnelles vont-elles s'adapter à cette consommation collaborative ? Vaste sujet : les marques ont intérêt à imaginer les nouvelles opportunités que cela représente plutôt que de voir cela comme une menace.

Isabelle Milgrom a de nombreuses idées : pour des marques qui saturent, créer des communautés autour des usages, par exemple une plateforme de passionnés et de vente d'occasion sur la moto de luxe, des sponsors de sites collaboratifs, pourquoi pas Maggi pour les repas partagés... Deux choses sont évidentes : il faut faire passer la culture de l'entreprise en mode collaboratif et chouchouter les clients, en faire des évangélistes de la marque. " Il vaut mieux 1 000 fans convaincus qu'1 million qui cliquent sur Facebook ", conclut la fondatrice de M2R.


A savoir :

  • Huit Français sur dix pratiquent ou ont l'intention de pratiquer la consommation collaborative. Il n'existe pas de profil type mais les familles avec enfants sont majoritaires (1).
  • 59 % des Français et 78 % de ceux qui pratiquent ce nouveau type de conso disent avoir confiance dans les échanges entre particuliers (1).
  • 74 % des adeptes estiment que leurs changements de comportement seront durables et 66 %, qu'ils ont un poids important dans l'économie en général (1).
  • Ce qui les attire : payer moins cher (63 %), trouver des "bons plans" (55 %), mais aussi la possibilité de faire durer les objets (38 %), le fait que ce modèle soit meilleur pour la société (28 %) (1).
  • Les pratiques les plus répandues : la revente de biens, l'achat groupé, l'échange-troc, le covoiturage, la location de biens et l'adhésion à une Association pour le maintien d'une agriculture paysanne (Amap) (2).

(1) Source : La Poste/TNS Sofres 2013.

(2) Source : Ademe/Ipsos, 2013.

 
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