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[Tribune] A-t-on swipé l'Amour ?

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[Tribune] A-t-on swipé l'Amour ?

L'Amour n'échappe pas au marketing qui s'infiltre jusqu'aux relations intimes. Dans ce cadre, la jeune génération est-elle vraiment libre de ses choix amoureux, s'interroge Sixtine Yung, étudiante en master de marketing et société à Sciences Po Paris, dans cette tribune.

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Et toi, t'es plus cerise, raisin, pastèque ou pêche ? Non, ce n'est pas une prochaine liste de course, mais bien le nouveau dilemme amoureux : définir nos envies et nos attentes romantiques avec l'aide...d'un fruit. Qui aurait cru que notre vie amoureuse et sexuelle se résumerait à une corbeille de fruits ? Pourtant, face à cette "Génération Z" que les marques tentent de séduire, les codes de l'amour évoluent et paraissent plus décomplexés - quand d'autres diront pervertis. L'Amour : cet outil de vente efficace pour les marketeurs, s'avère être aussi le miroir des générations... Qu'est-ce que l'Amour d'aujourd'hui peut bien nous dire sur ma génération ?

Jeunesse paresseuse, paradoxale, révolutionnaire, hyperconnectée, libre, désengagée, genZ, écolos, désintéressée, gender-fluid, tous les termes sont bons pour essayer de cerner cette génération. Pourtant, aucun ne semble à même de saisir les ambiguïtés de ces jeunes dont leur diversité défie toute stigmatisation. Pendant que tous les pans de la société sont bousculés, les jeunesses sont engagées à ne pas recopier leurs ainées. Ce sont des jeunesses qui réinventent des acquis, bouleversent des normes, et réécrivent les règles du jeu, en Amour y compris. Vincent Coquebert dit que nous sommes dans une période historique, l'ère de l'égocène. Avec des individus repliés sur eux-mêmes et en quête de singularité, l'épanouissement personnel est le nouveau credo. Alors au milieu de cette injonction à se réaliser soi-même, reste-t-il une place aux relations amoureuses ?

Les marques "capitalisent sur l'Amour"

Exit les schémas traditionnels, adieu les clichés romantiques, fini les achats discrets de sex-toys dans des boutiques obscures, partout, les marques nous vendent du pouvoir et de la liberté. Eva Illouz, dans son essai La fin de l'amour : enquête sur un désarroi contemporain, introduit la notion de "non-amour" pour évoquer les relations de ces jeunesses, marquées par la liberté de ne pas choisir et de se désengager. C'est l'une des promesses des applications de rencontres : Hinge, Tinder, Bumble, Fruitz... autant d'applis et de profils, pour nous laisser le choix de swiper ou de matcher, et la liberté de tout tester !

Alors que les jeunes cassent les codes, les marques inventent de nouveaux termes : le "situationship" : "Plus qu'un coup d'un soir mais pas exactement une relation traditionnelle" (Tinder), le "swouple" (contraction entre "swiping" et "couple"), "friends with benefits" en bref, on ne veut plus s'engager. Entre les émissions aux concepts toujours plus loufoques (cc Love is blind, Séduction haute tension, Time to Love : la roue de l'amour et j'en passe), la démocratisation des sex-shops et des plaisirs solitaires, ces applis de rencontres... Les marques capitalisent l'Amour sous toutes ses formes pour s'adapter à des jeunesses décomplexées et maîtresses de leur existence. Mais, dans cette révolution des codes amoureux, sommes-nous vraiment les maîtres de nos relations intimes, ou simplement les produits d'une culture consumériste qui s'est infiltrée [jusque] dans notre intimité ?


L'auteure : Sixtine Yung. Après une licence en Information-Communication à l'ICP, je poursuis mes études en master Marketing et Société à Sciences Po Paris. Mon intérêt réside dans la compréhension des comportements et des tendances qui façonnent nos sociétés, et l'exploration des imaginaires collectifs, tout en cherchant à les bousculer.


 
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