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Surfez, vous êtes tracé

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Les nouvelles technologies, à l'image d'Internet, de la carte RFID ou du téléphone mobile, offrent aux marques la possibilité d'aller toujours plus loin dans la connaissance client. Pour autant, cette course à l'information et ce traçage des consommateurs ont leurs limites. Ces derniers ne sont pas prêts à tout accepter et redoutent le «big brother» qui pointe à l'horizon.

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La protection de la vie privée est une valeur chère aux Français. De ce fait, les données clients détenues dans les fichiers de prospection et de fîdélisation demeurent, aujourd'hui encore, un sujet sensible. D'ailleurs, selon le baromètre de l'intrusion 2007, publié par l'agence ETO, et le cabinet d'études Market Audit, 76% des sondés déclarent être perturbés à l'idée que des informations les concernant soient enregistrées dans de nombreux fichiers. Quant au niveau d'intrusion des marques et des enseignes dans la vie privée, 35% la considèrent trop élevée, 32% moyenne et 33% faible.

Alain Sanjaume (Wunderloop):

«Le législateur privilégie l'utilisation des cookies, car l'internaute peut paramétrer son ordinateur pour les interdire ou les effacer.»

Ces résultats démontrent la défiance des consommateurs vis-à-vis de la collecte et de l'exploitation de leurs propres données. Des clients qui, et c'est plus inquiétant, n'ont pas toujours conscience de l'exploitation de ces données. Autrement dit, avec une pleine connaissance de ce qui existe réellement aujourd'hui, ces résultats auraient sans doute été encore plus défavorables aux enseignes et aux marques. Internet représente sans conteste le meilleur exemple en matière de traçage. Les sites consultés, les bannières publicitaires «cliquées», les mots-clés saisis sur les moteurs de recherche, les achats réalisés... Tout est surveillé, stocké puis analysé. Si la Cnil a protégé les consommateurs en déclarant, l'an dernier, que l'adresse IP constituait en soi une donnée à caractère personnel, il existe une autre technique pour analyser le comportement des internautes à leur insu, à l'image des cookies.

Un cookie est un fichier informatique enregistré sur l'ordinateur d'un internaute par un serveur web lors d'une consultation d'un site. Cet outil permet au serveur de conserver sur le disque dur de l'internaute des données auxquelles il pourra accéder lors des visites effectuées par ce même internaute via le même ordinateur. Est-ce là une intrusion dans la vie privée des prospects et clients qui surfent sur Internet? «Le législateur privilégie l'utilisation des cookies car l'internaute peut paramétrer son ordinateur pour interdire ou effacer ces cookies. En revanche, l'utilisation de l'adresse IP est prohibée car elle permet de connaître la situation physique des individus», explique Alain Sanjaume, directeur général de Wunderloop, société spécialisée dans le ciblage comportemental. Pourtant, les cookies enregistrent des données à l'insu de l'internaute. C'est pourquoi la Cnil recommande que le site émetteur informe les internautes de la finalité des «cookies» et de leur durée de validité. «Pour pouvoir déposer des cookies, certains sites demandent un opt-in client, d'autres informent les internautes dans les conditions générales de vente. Nous recommandons de recourir aux deux solutions», ajoute Alain Sanjaume.

Les professionnels du secteur, pour leur part, justifient le recours à ces techniques par la volonté de mieux cibler les consommateurs. «Les internautes préfèrent recevoir des informations qui leur correspondent réellement», déclare Hervé Dehlin, directeur marketing Europe chez SPSS. Sans doute, mais faut-il qu'ils aient vraiment le choix.

Les cinq règles d'or de la Cnil

La Cnil (Commission nationale de l'informatique et des libertés), qui a pour mission essentielle la protection de la vie privée et des libertés individuelles ou publiques, met en avant cinq «règles d'or» de protection des données personnelles:


- Finalité
Les données doivent être recueillies pour des finalités déterminées et légitimes. Le fichier doit avoir un objectif précis.
- Proportionnalité
Les données collectées doivent être adéquates, pertinentes et non excessives au regard de ces finalités.
- Droit à l'oubli
La durée de conservation des données dans un fichier de recherche doit être limitée et proportionnée aux objectifs poursuivis. La Cnil recommande de ne pas conserver le fichier après deux sollicitations infructueuses.
- Sécurité des données
Toutes mesures doivent être prises pour assurer la confidentialité des données et éviter leur divulgation.
- Respect des droits des personnes
Tout recueil de données sur des personnes (par questionnaires ou exploitation de fichiers), impose que celles-ci soient informées des conditions d'utilisation de ces données, de leur droit d'obtenir communication de celles-ci, de demander leur rectification, voire leur suppression si elles sont inexactes, et sous certaines conditions de s'opposer à leur traitement.

Google dans la ligne de mire

Les nouveaux médias, Internet en tête, permettent d'aller très loin en matière de traçage des consommateurs. Certaines sociétés sont d'ailleurs tentées d'exploiter ces avancées technologiques pour collecter toujours plus d'informations sur les internautes, quitte à flirter avec les limites légales en vigueur. Parmi les acteurs souvent critiqués, on trouve Google et Facebook, dont les agissements ou les velléités alertent les organismes de protection de la vie privée. Google, créé en 1998 par deux étudiants de Stanford, est devenu au fil du temps bien plus qu'un simple moteur de recherche. Messagerie électronique (Gmail), page d'accueil personnalisée (Igoogle), recherche sur disque dur (Google Desktop Search), lecteur de flux RSS (Google Reader), visite du globe terrestre (Google Earth) ou cartographie (Google Map), de nouvelles fonctionnalités sont venues peu à peu étoffer l'offre. Si l'on ajoute à cela deux acquisitions de poids dans le monde du Web, avec Youtube en octobre 2006, puis Doubleclick en avril 2007, l'importance de Google sur le Web mondial est sans équivalent. Le problème, c'est qu'avec tous ces outils, Google dispose, via un cookie déposé sur l'ordinateur de l'internaute, de l'historique de toutes les recherches effectuées. «Google est le plus bel exemple de ce qu'il est possible de faire en matière de collecte de données. Il croise les informations récupérées via ces différents outils. Toutes ces informations peuvent être regroupées en un seul système et si cela est fait à Tinsu du consommateur, cela n'est pas tolérable», explique Raphaël Aflalo, directeur général d'IBase. Le G29 de l'Union européenne, qui regroupe les représentants des organismes européens de protection des données, a adressé un courrier à Google au printemps 2007 dans laquelle il demandait au géant américain de détailler et justifier le stockage des informations concernant les recherches des internautes. En juin de la même année, Privacy International, une ONG chargée de vérifier la protection des données personnelles stockées sur les serveurs, a publié son classement des fournisseurs de services les plus respectueux de la confidentialité de leurs utilisateurs sur le Web. Résultat: Google est arrivé dernier du classement, avec la légende «surveillance complète du consommateur et hostilité arrêtée envers la vie privée». «La course aux revenus publicitaires, à travers l'emploi de nouvelles technologies et d'outils, est à la base de ces dérives. La sauvegarde des données personnelles sera un enjeu majeur de l'Internet dans les prochaines décennies: si les mauvais élèves du classement ne modifient pas leur comportement rapidement, la situation pourrait changer à jamais les fondements du Web», souligne Privacy International. Facebook, Yahoo, AOL, Apple et Windows Live Space occupent également le bas du classement.

Focus
Le consommateur de demain sera multiple

Selon une étude publiée par le Crédoc et PagesJaunes, le client de 2015 abritera une multitude de consommateurs.


Comprendre l'évolution des comportements des consommateurs français en 2015, tel est le but de l'étude qualitative publiée par le Crédoc (Centre de recherches pour l'étude et l'observation des conditions de vie) et Pages Jaunes. Ce rapport, rédigé après la consultation de différents experts (sociologues, universitaires...), a été rédigé dans le cadre de l'Observatoire des tendances de communication et consommation en multicanal, www.on-off-mobile.com, lancé en juin 2007 par PagesJaunes.
Principal enseignement de l'étude: le consommateur n'est plus un seul mais se décompose en différents individus. Cet ensemble de personnalités est nommé «infra individu». Quelle est son incidence sur le marketing direct? «Les consommateurs ne veulent pas qu'on leur propose les mêmes choses selon le cercle relationnel dans lequel ils se trouvent Un e-mail peut être considéré comme un spam selon l'endroit, sphère privée ou sphère publique, où se trouve l'internaute au moment où il le lit», note Raphaël Berger, responsable adjoint du département consommation au Crédoc.
Deuxième notion importante dans la communication de demain: la «chrono-géopersonnalisation». «Cela signifie qu'il convient de toucher le consommateur au bon moment, adapter l'offre au lieu physique où il se trouve et proposer quelque chose en adéquation avec ses besoins du moment», précise Raphaël Berger.
En outre, l'étude répertorie cinq comportements propres à ce type d'individu, dont la recherche d'une offre personnalisée de masse et l'usage croissant des nouvelles techniques de communication (hyperconnectivité pour passer d'une communauté à une autre). Le MD aura donc son rôle à jouer, comme le souligne Raphaël Berger:
«Le CRM va devoir encore mieux comprendre les attentes des consommateurs. A l'avenir, les offres seront coproduites par les marques et les consommateurs.»

Raphaël Berger (Crédoc):

«Le CRM va devoir encore mieux comprendre les attentes des consommateurs.»

Raphaël Aflalo (IBase):

«Toutes les informations de Google peuvent être regroupées en un seul système et si cela est fait à Tinsu du consommateur, cela n'est pas tolérable.»

Réduire la durée de vie des données

Face à ce flot de critiques, Google a réagi en annonçant en juin 2007 une diminution de la durée de conservation des données utilisateurs à dix-huit mois, au lieu de vingt-quatre. La durée de vie des données exploitables fait en effet partie de la bataille. Peter Fleicher, conseiller de Google en matière de protection de la vie privée, justifie sa politique par une volonté d'améliorer la recherche des utilisateurs, mais aussi de lutter contre le spam et la fraude au clic. Avec plus de 62 millions de membres dans le monde (250000 inscriptions par jour depuis janvier 2007), Facebook est le deuxième réseau social de la planète derrière Myspace. Le site, qui a vu son nombre d'abonnés multiplié par cinq en seulement une année, suscite lui aussi quelques inquiétudes. Et pour cause: en novembre 2007, Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook, dévoilait à New York une nouvelle stratégie publicitaire pour sa plateforme, basée sur l'exploitation des données utilisateurs. Parmi les projets du fondateur: réaliser un ciblage contextuel sur les membres et leur proposer une publicité en fonction des informations sur leur profil: âge, sexe, mais aussi religion, tendance politique... Enfin, autre projet, qui est aussi le plus controversé, le programme «Beacon». Son but: lorsqu'un membre de Facebook navigue sur un site partenaire, il est reconnu comme membre de la plateforme et les informations sur sa navigation sont diffusées à toute sa liste d'amis. Outre-Atlantique, cette fonction «Facebook Beacon» a généré une levée de boucliers d'associations de défense de consommateurs, mais aussi des membres eux-mêmes qui ont constitué des groupes d'utilisateurs contre l'utilisation des données personnelles. L'organisme MoveOn.org a notamment diffusé une pétition appelant Facebook à cesser son programme Beacon. Au total, plus de 25 000 signatures ont été recueillies. Face à ce mouvement de contestation, Facebook a fait marche arrière en annonçant, fin novembre, que l'accord explicite du membre serait obligatoire pour que la liste des achats soit diffusée.

Yan Claeyssen (ETO):

«L'avenir, c'est que les consommateurs puissent gérer les données les concernant.»

Anthony Roy (Rapp Collins Paris):

«Il est indispensable de lever les craintes et de tracer de manière utile, en travaillant sur de vrais bénéfices en échange.»

Le Club des Créateurs de Beauté analyse les parcours clients sur son site

Le Club des Créateurs de Beauté (CCB) a confié à l'agence d'ergonomie Yuseo le soin d'analyser les comportements des internautes. Le VADiste, qui disposait déjà de nombreuses données off Une, notamment via des questionnaires et des études Secodip, ainsi que des analyses de data mining, a donc souhaité ajouter une corde à son arc avec une approche originale. «L'approche de Yuseo mêle ergonomie, étude qualitative et quantitative», précise Bruno Alazard, directeur Internet International du Club des Créateurs de Beauté. Pour analyser le comportement des visiteurs du site www.ccb-paris. corn, Yuseo a recruté une cinquantaine d'internautes parmi le fichier de prospects et de clients fourni par le CCB. Après un questionnaire de qualification, ces derniers disposaient de deux semaines pour télécharger la barre d'outils Yuseo, puis naviguer sur le site. «Cette analyse se fait à distance puisque les internautes sont à leur domicile. Notre outil recueille toute l'interaction du visiteur», précise Jean-Pierre Le Borgne, dg de Yuseo. «Pour la première fois, nous avons pu connaître le parcours exact d'un internaute lors de la recherche de tel produit. L'ergonomie permet d'en savoir plus sur les logiques de recherche», ajoute Bruno Alazard.

Jean-Pierre Le Borgne (Yuseo):

«L'ergonomie s'intéresse à l'expérience utilisateur et regroupe des méthodes pour comprendre et décrypter les parcours clients.»

Facebook et les autres réseaux sociaux sous observation

Néanmoins, hacebook, et plus généralement les réseaux sociaux, attirent l'attention des organismes de protection de la vie privée. En janvier dernier, la Cnil a d'ailleurs adressé un courrier à Facebook afin d'obtenir des précisions sur la durée de conservation des données (adresses IP et e-mail), ainsi que sur la manière dont la société analyse les profils des membres pour leur délivrer une publicité ciblée. La Cnil a notamment souligné la nécessité d'informer les abonnés sur la finalité de ces fichiers, les destinataires des données et l'existence d'un droit d'accès et de rectification.

«L'utilisateur n'est pas toujours conscient qu'en dévoilant des données sur sa vie privée, voire ses opinions politiques ou religieuses, il permet aux sites de se constituer de formidables gisements de données», précise la Cnil. «

L'aspect collaboratif avec les forums et les réseaux sociaux, comptera beaucoup en 2008. Nous travaillons d'ailleurs à la connexion de notre outil à ce type de plateforme pour récolter des données.

L'intérêt des réseaux sociaux, c'est que les profils sont déjà segmentés», explique Ivan Berton, directeur marketing chez E-Deal.

L'hyperconnectivité, avec la multiplication des points de contact, représente donc une aubaine pour les marques qui souhaitent obtenir toujours plus d'informations sur le comportement de leurs clients. Cette tendance ne se résume pas au Web, comme en témoigne le développement du sans contact avec des technologies comme la RFID (Radio Frequency Identification) ou le Bluetooth. Leur exploitation à des fins marketing, là encore, demande réflexion. «Actuellement, nous travaillons, à l'échelle européenne, sur les nouveaux modes de prospection comme le Bluetooth, l'utilisation des puces RFID et la biométrie», rapporte Sophie Nerbonne, directrice adjointe des affaires juridiques, internationales et de l'expertise au sein de la Cnil. «Le risque, avec la RFID, c'est le «flicage». L'enseigne Métro a testé le traçage des clients avec les puces et cela a été mal accepté», note Yan Claeyssen, directeur du pôle agence chez ETO. L'agence Rapp Collins Paris s'est d'ailleurs déjà penchée sur ce sujet houleux, à travers une étude européenne, baptisée «Technologie RFID et traçage du consommateur», parue en 2006. Au total, 75% des Français interrogés estiment que les entreprises disposaient de trop de données les concernant, contre 58% pour l'ensemble des pays (Italie, Allemagne, Royaume-Uni et France). «Les consommateurs redoutent que les puces ne soient pas visibles. Il est indispensable de lever les craintes et de tracer de manière utile, en travaillant sur de vrais bénéfices en échange», estime Anthony Roy, directeur du planning stratégique chez Rapp Collins Paris.

Avis d'expert
La connaissance client

Par Fabienne Giesbert Granovsky, directeur général adjoint de Médiavente et vice-présidente du SNCD.
La connaissance client est un élément essentiel de la communication. En effet, il ne suffit pas de communiquer pour être entendu! Le consommateur client apprécie et attend des communications personnalisées, il souhaite un vrai dialogue, une reconnaissance, loin de toute exclusion automatisée. La connaissance client doit permettre de communiquer juste pour communiquer mieux.
La technologie actuelle rend possible le recueil d'un nombre considérable d'informations. Il est aujourd'hui techniquement aisé de collecter, organiser et stocker pour les analyser toutes sortes de données déclaratives, comportementales, molles ou dures, sociales et civiles d'une même personne physique. L'utilisation d'outils décisionnels donne accès à la connaissance client, avec pour objectifs: la définition et l'analyse de profils, l'évaluation de potentiels, la compréhension des leviers, le ciblage, la prévision... pour adresser un minimum de communications à des destinataires réceptifs et concernés, pour un marketing plus écologique. La donnée est facilement accessible et les outils qui permettent d'en obtenir la compréhension sont nombreux mais attention, certaines catégories de données et de traitement ne sont pas légales sans autorisation préalable; l'information de la personne ainsi que la liberté individuelle ne doivent pas être aliénées par ces pratiques. Sous condition stricte de collecte loyale et licite, avec une finalité clairement énoncée et pour une durée en accord avec cette finalité, des données adéquates, exactes, pertinentes, mises à jour et non excessives peuvent être traitées.
L'information et la liberté de choix de la personne à laquelle les données se rapportent, sont nécessaires au traitement des données collectées. Ainsi, collecter une donnée personnelle dans le cadre de la gestion d'un contrat ne signifie pas que cette donnée pourra être cédée pour une opération de conquête d'un partenaire. Si la donnée est cédée, c'est parce que la personne informée ne s'y oppose pas. Cette personne pourra, à tout moment, avoir accès aux données collectées sur elle, les rectifier, et s'opposer à leur traitement.
Si l'intérêt légitime du responsable du traitement doit prendre en compte les droits et libertés fondamentaux de la personne concernée, le correspondant Informatique et liberté peut l'y aider.

2,4 milliards de puces dans le monde

Pour l'heure, l'utilisation des puces (il en circule plus de 2,4 milliards dans le monde) se résume à des usages industriels, gouvernemental ou médical. Les applications marketing, quant à elles, ne devraient pas se développer avant plusieurs années. D'abord pour des raisons économiques (une puce vaut en moyenne 8 centimes d'euros), mais aussi légales et déontologiques. «Les premiers à se lancer seront certainement des distributeurs ou des compagnies aériennes», anticipe Anthony Roy. «Les puces RFID représentent un potentiel pour la relation client. A la Cnil, notre position ne change pas: le consentement préalable doit prévaloir», rapporte Sophie Nerbonne. La chaîne de supermarchés Métro, l'a appris à ses dépens dans son «Futur Store» de Rheinberg (Allemagne): en 2004, le groupe a équipé ses rayons et ses cartes de fidélité (10 0000 exemplaires distribués) de puces RFID, mais à l'insu total des clients. Quelques jours plus tard, des manifestants ont contraint Métro à faire marche arrière. La chaîne a dû cesser l'expérience, rappeler les cartes déjà distribuées et les remplacer par des cartes, à codebarres classiques et non tracées. Quant au Bluetooth, il a aussi ses détracteurs, avec un reproche de taille: si cette fonction est activée sur le téléphone mobile du consommateur, celui-ci reçoit alors les sollicitations commerciales diffusées autour de lui automatiquement. «Le Bluetooth s'avère plus intrusif que la technologie sans contact NFC, car il n'existe pas d'opt-in de fait. Avec la NFC, le mobinaute fait la démarche de s'identifier, ce qui s'apparente à un consentement», précise Jérémie Leroyer, p-dg d'Airtag, spécialiste de solutions sans contacts mobiles pour les grandes enseignes.

3 question à Viviane Mahler

L'auteur fait le point sur les démarches commerciales au travers des nouvelles technologies de traçage des internautes.


Pourquoi avez-vous décidé d'écrire un livre sur le thème du ciblage des consommateurs? Après un premier livre consacré à la manipulation des ados par les marques, j'ai souhaité cette fois m'intéresser aux parents. Car nous aussi, les adultes, nous sommes au coeur de démarches commerciales de plus en plus subtiles, en raison, notamment, du développement des nouvelles technologies comme la
RFID, la géolocalisation, le téléphone mobile... Les marques ont développé de nouvelles méthodes pour mieux comprendre les clients, mais aussi mieux s'adresser à eux. Le problème, c'est que ces méthodes sont de plus en plus subtiles et elles sont cachées aux principaux concernés, les consommateurs.
Quel message voulez-vous faire passer?
Les consommateurs ne se rendent pas toujours compte des mécaniques mises en place par les marques, d'où la nécessité de les avertir. Ils doivent savoir qu'ils sont de plus en plus suivis à la trace et que les enseignes connaissent précisément leur comportement de consommation. Exemple: lorsqu'un internaute surfe sur Internet, cette promenade est revendue à une marque. Idem lorsqu'il tape des mots clés sur un moteur de recherche. Avant de passer à l'acte d'achat, les clients doivent savoir pourquoi ils répondent à telle sollicitation.


Où se situe la limite?
Le traçage sur Internet est difficile à remettre en cause car il représente le fonds de commerce des moteurs de recherche. Les limites à cette course à la technologie seront fixées par une déontologie délibérée des marques, mais aussi par le mécontentement affiché des consommateurs. Les marques doivent garder en mémoire que les consommateurs potentiels sont aussi des concitoyens avec des règles morales.

@ Bruno Charny

Nécessaire transparence

Internet, téléphonie mobile, RFID... Une règle d'or semble prévaloir pour éviter une levée de boucliers des consommateurs: la transparence. «// convient de prendre en compte les préoccupations des clients, établir des règles claires, apporter un réel bénéfice et ne pas chercher à tout tracer», résume Anthony Roy. «En France, la profession ne s'est pas beaucoup posé les questions suivantes: Les consommateurs sont-ils conscients? ùont-us a accord pour fournir autant de données? Et si oui pour quels types de services», regrette Yan Claeyssen. Pour Catherine Michaud, présidente de la Délégation Marketing Services de l'AACC, les problématiques liées à cette connaissance client sont de trois ordres: «// existe un angle juridique, avec le respect de la loi LCEN; technique, avec des technologies qui permettent de recueillir des données clients sans qu'ils aient à répondre à des questions; et, enfin, éthique, avec la question de l'acceptabilité.» L'émergence de ces technologies conduira sans doute les marques à repenser leur stratégie relationnelle pour aller vers un marketing plus transparent. «Permission Marketing» pour certains, «Marketing Responsable» pour d'autres, l'idée est identique: de la même manière que les internautes ont pris la main sur la Toile avec le fameux Web 2.0, les consommateurs veulent contrôler leur relation client. «L'avenir, c'est que les consommateurs puissent gérer les données les concernant», déclare Yan Claeyssen. La Cnil, de son côté, travaille en ce sens, comme le note Sophie Nerbonne: «L'objectif de la loi LCEN, c'est que le consommateur garde le contrôle. Les professionnels du marketing direct, d'ailleurs, ont été les plus réceptifs à cette nécessité de se prendre en main.» Alors, jusqu'où peut-on aller en matière de traçage des consommateurs? A cette question, Catherine Michaud répond sans équivoque: «Nous ne devons pas aller jusqu'où la technique peut nous emmener, mais où le consommateur acceptera que nous allions.»

Catherine Michaud

(AACC):«Nousne devons aller que jusqu'où le consommateur acceptera que nous allions.»

 
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Céline Ozeil

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