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Marketing d'influence, gare aux faux amis !

Publié par Thomas Loisel le - mis à jour à
Marketing d'influence, gare aux faux amis !

Le marketing d'influence, appelé à peser 20 milliards de dollars en 2020, est aujourd'hui sous le feu des critiques face à l'explosion des faux influenceurs...et de leurs faux abonnés. Comment démêler le vrai du faux ?

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Adulés par les marques, les influenceurs affichent sur Instagram leur vie de rêve faite de bon nombre de posts sponsorisés. L'idylle semble parfaite. Pour preuve, les demandes de partenariats faites par les marques aux influenceurs est en hausse de 63 % en 2018 par rapport à 2017, selon l'étude Reech "Les influenceurs et les marques en 2019", publiée fin janvier 2019. Le marché de l'influence devrait peser pas moins de 20 milliards de dollars en 2020. Ce constat florissant sur le papier est pourtant rattrapé par une réalité moins radieuse. La bonne foi entre les marques et ces "nouvelles stars" ne semble plus au rendez-vous : de grands groupes - Ritz - Carlton, Procter & Gamble (Pampers et Olay) et L'Occitane, notamment - ont d'ores et déjà payé les frais de l'émergence des "faux influenceurs " achetant sans vergogne des "likes " et de "faux abonnés " pour accroître leur visibilité et accéder au statut suprême. En avril 2018, la chaîne hôtelière de luxe Ritz-Carlton aurait fait appel, pour ses campagnes sur Instagram, à des influenceurs ... dont 78 % des followers sont suspectés d'être des bots, dévoile un rapport de Points North Group, spécialisé dans la mesure du marketing d'influence. Trois quarts des investissements publicitaires de la marque sur le réseau auraient été gaspillés.

"Ces dernières années, de nouvelles stars ont émergé, issues de la Toile, comme EnjoyPhenix et Cyprien, car les marques veulent davantage se rapprocher de personnes authentiques que des célébrités afin de garantir un vrai engagement. Revers de la médaille : l'arrivée des faux comptes, qui mettent à mal cette industrie pourtant prospère", confirme Damien Landesmann, VP UK, South Europe & Nordics chez Socialbakers, plateforme de social média reposant sur l'intelligence artificielle.

De fausses promesses

Dans un monde où chacun se veut influenceur, l'imposture n'est jamais loin. Il se révèle extrêmement simple d'acheter des abonnés, des likes ou encore des commentaires positifs : l'influence et l'engagement d'un compte peuvent être créés en quelques clics. Une véritable économie souterraine serait à l'oeuvre, constituée de robots qui se suivent les uns les autres et forment de fausses communautés, provoquant d'importants dégâts financiers. Les pertes des marques à cause de la fausse influence sont évaluées à 175 millions d'euros par an, croit savoir la start-up marketing new-yorkaise Captiv8.

Cette prise de conscience a poussé la plateforme sociale Instagram - qui concentre 67 % des demandes de partenariats en 2018, selon l'étude Reech - à prendre des mesures fortes en novembre 2018. Les comptes ayant utilisé des services tiers pour augmenter leur visibilité voient tous les faux commentaires et les faux likes effacés. Un algorithme de modération est aussi capable d'identifier les faux comptes : "Les comptes identifiés recevront un message pour les informer que l'activité inauthentique a été supprimée. On conseillera aussi aux propriétaires de comptes de modifier leur mot de passe, explique Mélanie Agazzone, Head of Communications, France and Southern Europe Instagram. Outre la fonctionnalité 'À propos de ce compte' , le badge vérifié bleu est un très bon moyen de savoir qu'un compte est authentique. Instagram a développé une fonctionnalité qui permet aux comptes aux audiences larges répondant aux critères de faire une demande de vérification par le biais d'un formulaire dans l'application d'Instagram", souligne-t-elle. Si le réseau social a déjà lutté contre les faux comptes, c'est la première fois qu'il s'intéresse aux fausses interactions. Un renforcement de la lutte contre les faux influenceurs, qui fait écho au rapport publié par sa maison mère Facebook en novembre 2018, annonçant la suppression d'1,5 milliard de faux comptes d'avril à septembre 2018, soit 3 à 4 % des utilisateurs mensuels actifs du réseau social.

Des outils pour s'assurer du ROI

Face aux polémiques sur l'intégrité d'un influenceur, accentuant le doute des consommateurs, mais aussi des marques, les outils (Hype Auditor, Social Blade ... ) se sont multipliés pour passer au crible l'audience sociale et lutter contre ce fléau ambiant : "Nous proposons un dispositif de notation sur 100 pour évaluer la qualité de l'audience des influenceurs, la portée de leurs posts et l'engagement de leur communauté. Nous sommes capables de dégager une hiérarchie entre les méga-influenceurs (plus d'un million d'abonnés), des macro-influenceurs (500k-1M abonnés) jusqu'aux micro-influenceurs (5k-15k abonnés), et donc de vite juger des comptes automatisés", détaille Stéphane Bouillet, fondateur d'Influence4You/Influence4Brands. L'agence française s'est associée à Hype Auditor, indice permettant d'analyser les comptes des influenceurs et d'identifier les faux comptes : "L'objectif est de transmettre des informations claires et transparentes aux marques qui veulent investir dans des campagnes de marketing d'influence", poursuit Stéphane Bouillet. De nouvelles technologies sont adoptées pour faire face à ces dérives des faux influenceurs, difficiles à neutraliser de visu : le big data, l'IA ou encore le machine learning. "En France, l'influence représente seulement 1 % des dépenses des marques en communication, mais elle ne cesse de croître. Nous avons des clients qui dépensent aujourd'hui deux fois plus en influence qu'en AdWords", souffle Quentin Bordage, fondateur et CEO de Kolsquare.


Lefty, qui a repéré en 2018 plus de 500 000 comptes Instagram d'influenceurs tenus par des robots, accompagne aussi les marques dans la gestion de leur campagne d'influence marketing : "Notre algorithme de matching identifie les influenceurs les plus pertinents pour nos clients selon leur influence, l'engagement suscité, leurs centres d'intérêt, leurs collaborations passées, la qualité visuelle de leurs posts et leur audience", explique Thomas Repelski, CEO de Lefty, dont la base de données répertorie 3 millions de profils dans le monde, dont plus de 40 000 en France. Quant à l'agence Kingcom, elle transforme cette bataille des "fake followers " en bâtissant un code de bonne conduite et de pratique éthique via le label #NoFakeInfluenceur : "Nous croisons 10 critères pour déterminer un score sur lequel se basera la sélection d'influenceurs que nous proposerons au client. Nous écartons ceux sur lesquels peut planer un doute. Les marques sécurisent leurs investissements et s'assurent de la performance des dispositifs, tandis que les influenceurs certifient leurs statistiques par ce label", assure Pascale Azria, directrice générale associée de Kingcom. Transparence et responsabilité sont les ingrédients d'une collaboration efficace et engageante : "Il s'agit d'une charte qui engage l'agence vis-à-vis de ses clients désireux de protéger leur marque et leur intégrité auprès de leurs cibles. C'est aussi un élément de sécurité pour les milliers d'influenceurs. En cas de non-respect, des sanctions sont possibles", relève Pascale Azria.

Pour gagner en efficacité dans la détection de la fausse influence, La Redoute s'est dotée de la solution de Socialbakers : "Nous avons gagné beaucoup de temps, car l'écrémage s'effectue très vite par les mots clés. Recherchant des influenceurs dans plusieurs villes, cet outil nous offre aussi un large panel un peu partout. Alors qu'auparavant, manuellement, le temps était très long pour trouver l'influenceur qui nous correspondait, nous nous assurons désormais de sa portée authentique en quelques clics", souligne Louise Ginon, chef de projet média et influence chez La Redoute.

Égérie virtuelle, KOL : les armes de demain ?

Tandis qu'Unilever, deuxième annonceur mondial, a d'ores et déjà décidé de ne plus collaborer avec les influenceurs, certains groupes tels Louis Vuitton et Renault misent sur des ambassadrices ... virtuelles. En 2016, pour sa campagne publicitaire Series 4, Louis Vuitton a fait appel à une égérie loin d'être conventionnelle, sortie tout droit de Final Fantasy. La célèbre maison de couture a signé un partenariat avec le studio Square Enix pour créer son personnage baptisé Lightning X Louis Vuitton. Dernier à avoir pris ce virage de l'influence virtuelle, Renault, qui, pour le spot du nouveau Kadjar, début 2019, a jeté son dévolu sur Liv, personnage virtuel plus vrai que nature et entièrement pixélisé par l'IA. "Le monde réel nourrit le monde virtuel et réciproquement. Si bien que nous avons imaginé un être virtuel, créé en images de synthèse, qui s'humaniserait en éprouvant des émotions. Le virtuel est un gage d'authenticité. L'objectif est de prouver que, même si Liv est 100 % virtuelle, l'expérience vécue est tout à fait concrète et gratifiante", analyse Gaëlle Le Grouiec, directrice marketing et communication de Renault Europe. Mi-janvier, Liv a d'ailleurs pris le pouvoir du compte Twitter de Renault avec, à la clé, un engagement à relever (14 posts pour plus de 130 commentaires et 400 likes).

Si les noms de Shudu Gram, Ronnie Blawko, Lil Maquela ne sont pas connus du grand public, ces avatars 3D sont, pour certaines marques, le nouvel eldorado d'une stratégie d'influence et totalisent déjà près d'1,2 million d'abonnés sur Instagram. Ces mannequins ultraréalistes sont plébiscités par les jeunes, qui s'identifient par millions. À l'instar de la Japonaise Hatsune Miku, véritable star avec ses 63 millions de vues sur YouTube, qui a donné son premier concert en France en décembre dernier à La Seine Musicale, près de Paris. Clou du spectacle : la chanteuse est un personnage virtuel représenté par un hologramme.


Les créatures conçues de toutes pièces par des programmes informatiques absorberont-elles à terme les Cyprien, Norman et autres Squeezie, les influenceurs les plus renommés chez nous ? La thèse prend de l'épaisseur, au même titre que les influenceurs les plus indiscutables vont devenir de vrais Key Opinion Leaders. Ces KOL, appelés à être un média à part entière, officient ouvertement pour les marques et sont perçus comme plus authentiques. Encore méconnus en Europe, ils règnent en maîtres au pays du Soleil-Levant, où Molly (voyage), Chen Jinghua ou Ma Liang (lifestyle) comptent parmi les influenceurs les plus importants de la planète avec plus de 2 millions d'abonnés chacun : "À terme, les marques ne seront intéressées que par cette tranche élitiste qu'est le KOL. Ce sera la communauté fiable, authentique et experte de son domaine sur laquelle elles vont rapidement investir", prédit Quentin Bordage.

D'une tendance à une autre, les influenceurs pourraient aussi migrer plus vite que prévu d'Instagram à TikTok, le nouveau réseau social en vogue chez les centennials venu directement de Chine. L'application musicale, qui permet de mimer des chansons ou des paroles de films, est la plus téléchargée au monde et a déjà dépassé Snapchat, avec près de 500 millions d'utilisateurs par mois, deux ans seulement après sa création. La passation d'influence n'est donc pas à négliger, alors qu'Instagram affiche 800 millions d'utilisateurs mensuels.


 
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