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[Tribune] Sobriété numérique : vers une responsabilisation de l'écosystème email ?

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[Tribune] Sobriété numérique : vers une responsabilisation de l'écosystème email ?
© Jacob Ammentorp Lund

"Votre mail s'autodétruira dans 3 jours..." Les enjeux environnementaux nous poussent à repenser notre façon de travailler mais aussi de vivre.

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Aujourd'hui, chaque secteur, chaque industrie, chaque technologie, chaque strate de notre société doit évoluer et se remettre en question afin de devenir plus sobre. Les leviers sont partout, à nous de sortir de notre paresse et de les activer, un par un.

Utilisé pour sa fiabilité, sa rapidité et son efficacité, l'email est naturellement devenu un indispensable du quotidien pour une grande majorité d'actifs tout au long de ses 50 ans d'existence : mais à quel prix ? Quel impact environnemental de l'email ? Comment le réduire ?

300 milliards

C'est le nombre d'emails envoyés chaque jour dans le monde.

L'email est devenu central dans le monde numérique. Il est à la fois l'identifiant numérique numéro 1 (que peut-on faire sur internet si on ne possède pas d'adresse email ?) et l'une des seules technologies de communication indépendante, contrôlée par aucun géant, GAFAM, ou autre.

Mais si certains emails peuvent avoir beaucoup d'importance pour vous (pensez aux messages de votre famille, à ceux de votre banque), une écrasante majorité de ceux-ci deviendront obsolètes en quelques jours et viendront encombrer votre boîte email inutilement.

L'email, à son échelle, constitue une pollution numérique. Une pollution numérique qui peut en partie être réduite et évitée.

Limiter l'empreinte carbone de nos emails...

Parce que le "cloud" n'est pas réellement un nuage, léger et aérien, le stockage des emails est une préoccupation environnementale importante. Les supports de stockage doivent être produits, alimentés en électricité, recyclés en fin de vie. II en est de même pour les serveurs et le matériel réseau qui rendent accessibles ce stockage sans parler de la place dans les centres de données avec la consommation d'électricité et d'eau associée. S'ajoute à ça les besoins en calcul lors du transport du message de l'émetteur vers le destinataire, etc...

Nos emails en quelques chiffres :

? En 2011, une étude réalisée par l'ADEME établissait l'empreinte carbone d'un email d'1Mo à 19 g de CO2.

? Quelques années plus tard, en 2018, The Shift Project établit qu'1 mail d'un Mo équivaut à 0,03 g de CO2.

? En France, en 2020, on compte plus de 144 milliards d'emails envoyés (Chiffre du SNCD) Si nous partons du postulat qu'un email en moyenne fait 90 Ko, cela représente un stockage de plusieurs dizaines de milliers de disques durs par an voir plus.

? Chaque Français garde entre 10.000 et 50.000 mails non lus dans sa boîte de réception[1]

Autant de chiffres qui poussent à la réflexion quant aux potentielles solutions envisageables pour réduire cette empreinte carbone grandissante.

... avec la mise en place d'une date d'expiration pour nos emails ?

La meilleure manière de réduire l'empreinte carbone de l'email, c'est de ne pas en envoyer...

Mais que fait-on de ceux qui arrivent tout de même dans vos boîtes email ? Parce que oui, les entreprises continueront à communiquer par email, à envoyer des newsletters, à vous informer sur leurs nouveaux produits... L'idéal est de les supprimer, et de le faire dès qu'ils sont obsolètes, c'est-à-dire bien souvent quelques jours seulement après leur réception.

Ajouter une date d'expiration à certains emails pourrait notamment être mise en place pour certains emails marketing qui, après un certain temps deviennent obsolètes : date de promotions passée, ventes flash, offres terminées, actualité périmée, etc... Cette date d'expiration permettrait de ne pas stocker des mails inutiles via une suppression automatisée et donc pour le destinataire de ne pas oublier de supprimer ces mails obsolètes.

Ce n'est pas une révolution technologique, mais elle permet d'adresser une partie de la pollution numérique générée par les emails. Elle fait partie des nombreuses adaptations que nous pouvons/devons mettre en place afin d'adresser les défis environnementaux. Prenez-là comme un exemple.

Aujourd'hui, ce principe de date d'expiration dans les emails n'existe pas. Tout est à faire. Mais quelques semaines après avoir lancé l'idée, l'intérêt est manifeste. Tous les grands groupes se sont lancés dans des stratégies RSE qui consistent bien souvent plus à créer des rapports sur leur bilan carbone et à générer des politiques d'achat, qu'à agir dans le vrai monde.

Ainsi, cela leur permet, en tout cas, dans leurs départements marketing et communication, de se positionner en faveur d'une responsabilisation concrète. Et il semble qu'individuellement ou collectivement, les professionnels de notre secteur soient demandeurs de ce type de solution.

Pour une responsabilisation commune !

Aujourd'hui, nous, acteurs économiques, entreprises, agences, prestataires de service, devons devenir acteurs du changement. Nous devons mettre notre créativité et notre intelligence collective au service de ce changement.

Il n'est alors plus possible de rester dans une position attentiste.

Dans ce projet de dates d'expiration, c'est l'ensemble de la chaîne qui doit collaborer : émetteurs de messages, plateformes d'envoi d'email, fournisseurs d'accès à internet et webmails, et enfin les destinataires de ces messages qui devront consentir à des mécaniques de nettoyage automatisées de leurs emails.

Le niveau d'adoption de cette innovation reste malgré tout une problématique charnière. L'un des plus gros défis reste de convaincre les géants du secteur, les FAI et Webmails Français bien sûr Orange, SFR, Free, La Poste... Mais aussi mondiaux avec des acteurs comme Google, Yahoo ou encore Microsoft. Un autre des plus gros défis serait de réussir à faire en sorte que cette date d'expiration soit approuvée par l'IETF (institut qui définit les règles d'internet) et donc devienne un standard.

A l'aube des 50 ans de l'utilisation de l'email, les industries numériques se doivent plus que jamais de réfléchir structurellement à l'amélioration de leurs pratiques si elles veulent s'orienter vers une sobriété numérique.

[1] Edouard Nattée, le P.-D.G. de la startup Foxintelligence, qui édite notamment, Cleanfox, l'application de tri automatique d'e-mails.

Pierre-Yves Dubreucq est co-fondateur de Mindbaz

Jonathan Loriaux est fondateur de Badsender.com


 
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