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DossierL'open data, un potentiel encore inexploité

L'open data est une opportunité inédite pour innover. Deux intervenants experts témoignent.

Publié par Thierry Derouet le
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C'est à l'occasion d'une table ronde sur la Big Data que nous avons reçus Romain Lalanne et Simon Chignard, deux experts de l'open data.
C'est à l'occasion d'une table ronde sur la Big Data que nous avons reçus Romain Lalanne et Simon Chignard, deux experts de l'open data.

1 Open data, éléments de définition

Simon Chignard est consultant indépendant, et vice-président de la Cantine numérique (un espace de co-working et de débat autour du numérique). C'est également l'auteur d'un ouvrage intitulé " Open data comprendre l'ouverture des données publiques " publié en avril 2012.

Romain Lalanne est de son côté responsable open data pour la SNCF et est en charge de l'enjeu des données au sein de cette grande maison et ce depuis Janvier 2013. Romain connait un parcours professionnel original puisqu'il a été recruté à ce poste à la suite d'un Hackathon organisé par la SNCF sur justement l'exploitation de données open data.

Pour Simon Chignard, trois éléments définissent l'open data. Premièrement, c'est une donnée ouverte. C'est une donnée donc facile à réutiliser. Deuxièmement, c'est un mouvement. Mais c'est un mouvement d'ouverture des données qui a des origines philosophiques et politiques comme le programme Open Government du président Barack Obama le 21 janvier 2009 (Memorandum for Heads of Executive Departments and Agencies on Transparency and Open Government). Un programme décrit comme " un engagement en faveur d'une nouvelle façon de gouverner par la nouvelle administration démocrate qui se propose d'atteindre an unprecedented level of openness in Government ". Troisièmement, c'est également une injonction faite aussi bien aux acteurs publics qu'aux acteurs privés. Une injonction qui les obligent à ouvrir et mettre à disposition les donnée.

2 Une innovation ouverte pour la SNCF

Pour Romain Lalanne, c'est aussi une réelle idée d'innovation ouverte. C'est pour la SNCF un engagement pour aller chercher de l'innovation ailleurs qu'au sein de ce groupe dans le domaine du transport et de la mobilité. Cette démarche a d'ailleurs commencé dès 2010 avec l'ouverture des données sur la ville de Rennes. Démarche élargie fin 2011 sur des questions portant aussi bien du Transilien, du TGV ou encore du TER. Un moyen destiné à " humer l'air du temps " pour l'appliquer à la mobilité. Cette démarche d'ouverture ouverte vers les startups leur permet de valoriser les données. Un hackathon - un concours d'applications - a permis ainsi de voir arriver une application en 2012 comme " le Tranquilien " pour accéder aussi bien aux horaires. Cet ouverture des données s'applique dorénavant sur les horaires en temps réel, les infos sur les gares ainsi que sur l'équipement des gares. Par exemple, pour donner des indications sur l'accessibilité dans les gares destinées au personnes à mobilité réduite.

Pour Simon Chignard, trois éléments définissent l'Open Data : c'est une donnée ouverte, c'est un mouvement au sens philosophique du terme mais c'est aussi une injonction faite d'ouverture des données aussi bien aux États qu'aux entreprises privées.

3 L'open data, des jeux, des données et des règles du jeu

C'est en se tournant de nouveau vers Romain Lalanne que l'on obtient une illustration fidèle de ce que l'on appelle " des jeux de données " au sein de la SNCF. L'un des objectifs du groupe a été d'ouvrir comme " jeu de données " les horaires sur le réseau en Ile de France. Mais "ces jeux" sont également extrêmement variés par exemple avec des données dites corporates. Ainsi celles portant sur tous les films tournés dans des emprises SNCF sont proposées. L'intérêt est ici de valoriser les territoires et d'offrir une plus grande visibilité touristique et patrimoniale de la SNCF.

4 Des données et des règles de jeux

Pour Simon Chignard, on ne peut pas parler d'open data sans rappeler le degré d'ouverture des données. Pour Simon Chignard, nous avons trois types de jeux de données.
Celui répondant à une " ouverture open data " et à un usage totalement libre.
Des données proposées dans un cadre d'une " demie ouverture " avec un usage strictement encadré des données. C'est par exemple le cas d'interfaces de programmation (ou d'API) mettant à disposition des données (facebook, Twitter, Amazon...).
Enfin, des données répondant à une problématique de " semi ouverture " par exemple dans le cadre de l'échange de données informatiques. Il s'agit ici d'un encadrement strict des données avec un ensemble de partenaires sélectionnés à des fins - par exemple - aussi bien de logistique ou d'inventaire. Pour illustrer nos propos Simon Chignard nous indique que la SNCF n'ouvre pas sa grille tarifaire car cela touche à son coeur de métier. Ce que Romain Lalanne s'accorde de reconnaitre de manière totalement " open ".

C'est en se tournant de nouveau vers Romain Lalanne que l'on obtient une illustration fidèle de ce que l'on appelle " des jeux de données " au sein du groupe SNCF. Et pour Simon Chignard, on ne peut pas parler d'open data sans rappeler le degré d'ouverture des données.

5 L'open data, un enjeu de transformations humaines et de création de valeurs

Maintenant que nous avons défini et illustré ce qu'est - ou pas - l'open data nous pouvons revenir à ce fabuleux potentiel de création de valeur que sont les données. Mais pas que. Car pour Romain Lalanne, l'open data c'est aussi une opportunité fantastique de transformation humaine au sein de sa vénérable maison. Selon Romain Lalanne, " la valeur qui va être créée avec l'open data permet de détruire des modèles organisationnels désuets ". Cela renforce également la qualité des données. La gouvernance du système d'information s'en trouve améliorée. On sensibilise ainsi les équipes sur tout le parcours de la donnée comme de sa production. Et cela permet de casser les silos métiers et de mieux faire circuler l'information, de la fluidifier. Mieux, cela donne envie aux différents acteurs de valoriser cette donnée. Par exemple quand la SNCF croise les données de son infrastructure avec les données géologiques et météorologiques, cela renforce les priorités liées à la maintenance du réseau.

6 Une donnée est une matière réutilisable à l'infini

Pour Simon Chignard, cette notion essentielle qu'est la réutilisation de la donnée est un acte créateur de valeurs. La création de valeur des données n'est en aucun cas comparable aux matières premières traditionnelles. C'est comme si l'on pouvait faire tourner deux voitures avec un même litre d'essence. Et contrairement à cette image de la " mine d'or ", la data n'est pas comme l'or, car l'or est une ressource finie. Les stocks d'or sont thésaurisés tandis que la data n'a de la valeur que dans sa circulation. La data se rapproche plus d'un champs de blé : " quand on le récolte, on a le choix pour le ressemer ou pour l'associer à un circuit de transformation en farine." La data n'a donc de valeur que dans sa réutilisation. Et si elle ne s'épuise pas, elle n'a aucune valeur à être thésaurisée. C'est ce que nous a enseigné la cession des 1,6 millions de données clients de Virgin pour une somme considérée comme symbolique auprès de la Fnac (54 000 euros). Initialement une rumeur (non vérifiée) évoquait que cette base de donnée avait été attribuée aux enchères par le liquidateur pour la somme de 122,50 euros...

Pour Romain Lalanne de la SNCF l'open data c'est une opportunité fantastique de transformation humaine. Et pour notre consultant Romain Chignard c'est dans sa réutilisation et sa circulation qu'est la valeur de la donnée. La data est donc difficile à comparer avec une simple matière première.

7 L'open data est aussi un enjeu d'innovations

Pour Romain Lalanne les données accompagnent au quotidien près de trois millions de voyageurs rien que sur l'Ile de France. Un tel flux de voyageurs correspond à faire décoller un A380 toutes les six secondes. Ces enjeux sont pour la SNCF majeurs sur un tel territoire. Et les flux de voyageurs sont d'autant plus critiques que le réseau est physiquement saturé. Du coup, transporter vite et bien les voyageurs et en même temps personnaliser les " mobilités " grâce à cette action d'open data permet d'imaginer de nouveaux services. Par exemple, l'application Tranquilien croise les données pour prédire l'affluence dans un train grâce aux horaires, aux historiques d'affluences et au crowdsourcing, c'est à dire aux témoignages des usagers qui indiquent quand ils sont dans un train, si le train est plein... Enfin des données contextuelles servent à recueillir des éléments liés à la météo ou à l'affluence de voyageurs associée par exemple à un événement du grand stade de France.

8 L'open data, des données que l'on connaît, des données que l'on ignore ou minore

Simon Chignard nous propose de nous ramener sur la réalité de la data qu'on a et de la data que l'on a pas. Car la plupart des organisations qu'il rencontre n'ont pas d'idées précises des données qu'elles possèdent. Les données sont généralement éparpillées. Et il faut toujours commencer par faire l'inventaire sur la donnée que l'on a. Il en retire un enseignement principal. Il ne faut pas séparer ceux qui ont des données et ceux qui ont des idées. Car il faut commencer par utiliser les données dont on dispose et voir ce qu'on peut faire avec.

9 Les données, un enjeu individuel fort

Une initiative est à signaler. Elle concerne le site http://mesinfos.fing.org/. Grâce à ce projet, trois cent personnes sont en France en train de récupérer leurs données personnelles, des données que vont leur fournir neuf entreprises : AXA, Intermarché, Google, le Crédit Coopératif, la Société Générale, Orange, la Banque Postale, Cozy Cloud et Privowny. Cette expérimentation d'une durée de six mois va montrer à toutes ces personnes quelles sont les données collectées sur leurs personnes et le contrôle (consentement) qui va - ou pas - avec ces données. L'open data est à ce prix : la transparence absolue.

L'open data permet d'imaginer de nouveaux services. L'innovation est possible dès l'instant où l'on sait où sont les données. Mais attention à l'enjeu personnel de la data. Car la data est riche. Tout comme les possibles proposés par cette réutilisation de la donnée.

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