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Quel avenir pour la télévision ?

Publié par Matis Demazeau le - mis à jour à
Quel avenir pour la télévision ?

Digitalisation, concurrence, asymétrie réglementaire... Les patrons des principaux groupes audiovisuels français ont tenu à présenter, à l'occasion de la matinée du SNPTV (Syndical National de la Publicité Télévisée) du vendredi 7 avril, les différents enjeux relatifs au secteur de la télévision et les difficultés qu'il devra surmonter.

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"Je voulais me marier avec Rodolphe mais ça n'a pas été possible". C'est ainsi que Nicolas de Tavernost, directeur général du Groupe M6, évoquait, en faisait référence à Rodolphe Belmer, P-D.G du Groupe TF1, le projet avorté de fusion entre les deux entreprises audiovisuelles. Cette formule amusante illustre la bonne humeur et l'atmosphère taquine qui régnait ce vendredi 7 avril, à l'occasion de la matinée du SNPTV, organisée dans le 15e arrondissement de Paris, réunissant les dirigeants des principaux groupes audiovisuels français. Ainsi, les deux patrons étaient accompagnés de Maxime Saada (Canal +), de Stéphane Sitbon-Gomez (directeur des antennes et des programmes de France Télévisions) et d'Arthur Dreyfuss (Altice Media) pour débattre autour des mutations des habitudes de consommation médiatique des Français et de l'arrivée des nouveaux acteurs numériques.


Des alliances nécessaires entre les acteurs traditionnels

Tout d'abord, comme l'illustre la métaphore amusante lancée par Nicolas de Tavernost, il est important de consolider les relations entre les différents groupes télévisuels pour faire face à la concurrence digitale. "Delphine Ernotte (directrice générale de France Télévisons) a toujours défendu la même ligne : il faut soutenir les alliances en France ! Continuer à entretenir des petites guerres entre acteurs français n'a pas de sens à côté de l'essor des mastodontes mondiaux du numérique. Les alliances fonctionnent et c'est pour cette raison que nous avions soutenu, à l'époque, la fusion TF1-M6", affirme Stéphane Sitbon-Gomez. Cependant, pour qu'une entente ait un sens, "il faut apporter une réelle valeur ajoutée", précise-t-il. Le patron de M6 est, quant à lui, "convaincu qu'il y aura de la consolidation entre les médias historiques mais aussi avec les nouveaux médias numériques". Il regrette toutefois le fait qu'en France, les nombreuses lois et réglementations ne s'adaptent pas assez vite à l'écosystème dans lequel évolue le secteur de la télévision : "Nous sommes extrêmement limités et cela s'est illustré par l'arrêt du projet de fusion TF1-M6", déplore-t-il.

Une concurrence déloyale vis-à-vis des géants du numérique ?

De plus, les dirigeants partagent unanimement l'analyse qu'une asymétrie réglementaire, régnant au sein de la législation française, représente un frein important au développement audiovisuel et participe à l'avènement d'une concurrence déloyale vis-à-vis des acteurs numériques. "Nous sommes frustrés car nous avons l'impression de ne pas concourir avec les mêmes règles que les plateformes", affirme Maxime Saada. Par exemple, ces acteurs comme Netflix, Prime Vidéo ou encore Disney + ont la possibilité de choisir entre le régime juridique audiovisuel ou un celui du cinéma. Les médias traditionnels de la télévision n'ont pas la même faculté. De même, aucun quota n'est imposé à ces plateformes numériques. La diffusion y est nettement moins cadenassée. C'est cette non-réglementation qui avait permis à Prime Vidéo de diffuser, en clair, le match de tennis opposant Rafael Nadal au Serbe Novak Djokovic lors du tournoi de Roland-Garros de l'année 2022. Cela aurait été juridiquement très compliqué pour une chaîne de télévision dite "traditionnelle". "Rien n'interdit à Amazon par exemple de se positionner sur des droits qui sont interdits à Canal +. C'est un problème !", prévient le directeur général de la chaîne cryptée.



Rodolphe Belmer présente la même analyse : "Personne ne peut ignorer qu'il y a une concurrence de plus en plus directe entre les offres portées par internet et celles des acteurs historiques dont nous faisons partie. L'usage de programmes longs à la demande est de plus en plus massif. Il est donc extrêmement important que la réglementation s'adapte, avec un point de vue d'équité". En effet, selon les dirigeants, les acteurs nationaux sont de plus en plus régulés, contrairement aux entreprises étrangères. C'est cela qui crée les asymétries. Nicolas de Tavernost estime que pour se démarquer, il est primordial de "gagner la bataille de l'information". Selon lui, les plateformes ne se sont pas encore suffisamment consacrées au secteur des documentaires et de l'information. C'est donc sur ce territoire que la TV linéaire doit se concentrer.

Les jeunes de plus en plus convoités

Un autre point très important a également été évoqué par les convives de la matinée : Comment attirer les jeunes générations ? Cela représente effectivement un enjeu crucial pour les annonceurs. Plusieurs stratégies différentes ont ainsi été présentées. "Il y a cinq ans, Canal + devenait la chaîne des parents. Nous étions sortis du champ de considération des jeunes. Nous avons donc défini comme priorité le fait de récupérer cette jeunesse", se souvient Maxime Saada. Pour cela, le groupe a décidé de constamment se poser la question, lorsqu'il commande du contenu, de savoir si ce dernier est susceptible d'intéresser les jeunes. "Cela a complètement structuré la façon dont nous achetons les programmes", affirme le dirigeant. L'acquisition des droits de compétitions comme les Grands Prix de Motos ou la Ligue des Champions s'inscrit ainsi dans cette stratégie. De même en ce qui concerne la création de programmes comme les séries Validé ou La flamme et Le flambeau. Canal + a également restructuré toutes ses offres en permettant aux internautes de s'abonner sans engagement et en proposant aux jeunes internautes âgés de moins de 26 ans de profiter d'offres allant jusqu'à moins 50 %. Le résultat est sans appel : la croissance de la chaîne cryptée des trois dernières années est entièrement permise grâce aux nouveaux abonnements des jeunes consommateurs français. "Avec notre dernière offre RAT +, nous avons réussi à recruter plus de 100 000 nouveaux abonnés de moins de 26 ans", se félicite Maxime Saada.

Une adaptation nécessaire aux nouveaux usages

À l'instar du groupe Altice Media, il est également nécessaire que ceux qui transmettent l'information présentent des similitudes avec le coeur de la cible des entreprises audiovisuelles. "Il faut aller embrasser les codes de celles et ceux qui nous regardent. La moyenne d'âge de nos 800 journalistes est de 34 ans. Intégrer l'enjeu de la jeunesse au sein même de nos rédactions est la clé pour toucher les jeunes générations", confie Arthur Dreyfuss. Et cette stratégie paye : BFMTV représente la première marque d'informations pour les 18-34 ans. Le Groupe M6 peut également se satisfaire de la jeunesse de ses téléspectateurs : "Au niveau de l'information, nous parvenons à toucher les plus jeunes et c'est une grande réussite à nos yeux", s'enthousiasme son directeur général.


C'est par la ligne éditoriale que le Groupe TF1 a orienté ses stratégies pour attirer la génération Z. "Pour toucher les jeunes, notre approche est simple : nous devons proposer du contenu attractif dans le territoire du divertissement", explique Rodolphe Belmer. Le "recyclage" d'émissions cultes comme la Star Academy ou la création de programmes originaux comme HPI ou Lycée Toulouse-Lautrec ont ainsi été déployés. "Ensuite, d'un point de vue technologique, il faut proposer nos programmes en s'adaptant à l'usage des consommateurs avec une offre de streaming par exemple. C'est ce que nous proposons avec notre plateforme MYTF1", conclut-il.

 
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