DossierLe bitcoin, un plus dans une stratégie marketing?

1 On passe au bitcoin?

Pseudo-devise pour les uns, quasi-monnaie pour les autres, le bitcoin est la plus célèbre et la plus utilisée des monnaies numériques apparues sur Internet. "Elles sont rapidement en train de sortir de l'ombre et ne sont plus l'affaire des geeks", affirme Michel Sapin, actuel ministre des Finances et des Comptes publics. Lancé en janvier 2009, dans un climat de défiance vis-à-vis du secteur financier traditionnel, peu de temps après la faillite de la banque américaine Lehman Brothers (en septembre 2008), le bitcoin est un défi technologique qui connaît une jeunesse chahutée. Aujourd'hui, son cours demeure très volatil. Innovation portée par son caractère hautement disruptif, cette monnaie numérique souffre d'une réputation sulfureuse. Selon Jean-Baptiste Carpentier, directeur de Tracfin, la cellule de lutte contre le blanchiment de Bercy, l'utilisation du bitcoin induit " des risques pour les consommateurs et pour la sécurité du système financier". Cependant, de plus en plus d'acteurs, et non des moindres, n'hésitent plus à intégrer le bitcoin à leur stratégie marketing. Pour une entreprise, si les risques liés à cette monnaie virtuelle sont, en pratique, extrêmement limités, les retombées en termes d'image peuvent être extrêmement positives.

2 Qu'est-ce que le bitcoin?

Avant d'être une monnaie numérique, le bitcoin est avant tout un protocole. Il a été créé en 2008 par une entité connue sous le pseudonyme de Satoshi Nakamoto. C'est le premier réseau de paiement en peer-to-peer (pair à pair) décentralisé. Le bitcoin fonctionne grâce à ses utilisateurs. Cette technologie permet de régler les problèmes de confiance entre deux entités qui ne se connaissent pas, tout particulièrement sur Internet. En pratique, les codes se transmettent de particulier à particulier, sans aucun intermédiaire privé ou public. En cela, le bitcoin permet de se passer d'une autorité centrale, comme une banque centrale.

3 D'où vient-il?

Les bitcoins sont générés de manière prédéterminée par un algorithme à un rythme prédéfini et décroissant, au cours d'un processus concurrentiel et décentralisé, que l'on nomme "minage". Les "mineurs" traitent les transactions et sécurisent le réseau en utilisant du matériel informatique spécialisé. En contrepartie, ils ont le droit d'émettre de nouveaux bitcoins dans la limite admise par le protocole et au prorata de la puissance de calcul mise à disposition sur le réseau. Aujourd'hui, 13 millions d'unités sont en circulation. Le nombre total de bitcoins générés atteindra 21 millions aux alentours de 2140. Précis!

4 À quoi ressemble un bitcoin?

Tout d'abord, même s'il est souvent représenté comme tel, le bitcoin n'est pas une pièce de monnaie. Celles-ci ne sont rien d'autre que des pièces de collection. Les bitcoins se présentent sous la forme de codes que l'on peut stocker dans un portefeuille électronique. Chaque utilisateur dispose d'une adresse. Son portefeuille se compose de deux parties, une clé publique, qui permet aux individus d'envoyer de l'argent (l'équivalent d'un identifiant IBAN), et une clé privée (l'équivalent d'un mot de passe), laquelle signe électroniquement les transactions. Toutes les opérations effectuées sont intégrées et consultables par tous les utilisateurs dans un "grand livre comptable" (comparable à une base de données des transactions), le "blockchain". Celui-ci permet d'établir un historique horodaté de toutes les transactions. Celui-ci permet ainsi de connaître l'état des provisions de chacune des adresses du système bitcoins.

Présentation d'une monnaie longtemps ignorée des entreprises.

5 Comment faire confiance au bitcoin?

Contrairement à l'euro ou au dollar, le bitcoin n'a pas de valeur légale. Le cours légal d'une monnaie garantit qu'elle ne peut être rejetée par un commerçant, ce qui n'est pas le cas du bitcoin. Son prix est déterminé par l'offre et la demande sur les places de marché où il s'échange. Sujet à des crises de confiance conjoncturelles, qui ne concernent pas la viabilité technologique de son protocole mais plutôt le comportement de tel ou tel acteur du marché ou la défiance exprimée par certains États, il est arrivé que le bitcoin perde, en une journée, près du tiers de sa valeur. Ces crises épisodiques entraînent ce que l'on appelle des "flash cracks". À titre indicatif, entre sa date de création et la fin de l'année 2012, le cours du bitcoin est resté stable ou ne progressait que très modérément, allant de 1 à 13 dollars (0,77 à 10 euros). Ce cours a soudainement explosé, jusqu'à atteindre son plus haut historique, à 979 dollars (755 euros), le 25 novembre 2013, avant de chuter, le 7 avril 2014, à 421 dollars. Aujourd'hui, le cours s'établit, selon la plateforme Coindesk.com, à 459 dollars (354 euros).

6 Le scandale MtGox

En février 2014, MtGox, une des principales places de marché d'échange de bitcoins, dirigée au Japon par un Français, Mark Karpeles, fait faillite dans des conditions plus que douteuses. Suite à une attaque informatique massive, des centaines de milliers de bitcoins sont dérobés. Officiellement, ce sont 750 000 bitcoins de clients et 100 000 autres détenus par MtGox qui sont partis dans la nature. Cet événement a provoqué une crise de confiance majeure autour de cette technologie et a conduit les opérateurs à renforcer la sécurité autour des transactions effectuées sur leur plateforme. Par ailleurs, il est important de souligner qu'après une phase où il a attiré seulement des aventuriers, ­l'écosystème bitcoin mûrit et séduit désormais des fonds d'investissement majeurs, comme Andreessen Horowitz. Selon Bill Gates, "le bitcoin est un tour de force technologique".

7 Un besoin de régulation

Si certains organismes, et ils sont de plus en plus nombreux (à l'instar de La Maison du Bitcoin, à Paris), exigent des justificatifs d'identité avant de procéder à toute transaction, il est toujours possible d'opérer des transactions en bitcoins de manière anonyme. Cela attire, à la marge, des utilisateurs peu recommandables. Dans un rapport publié cet été, Tracfin, la cellule de lutte contre le blanchiment de Bercy, tire la sonnette d'alarme. " Il est impératif d'agir rapidement sur cette question. Le potentiel de blanchiment d'argent et de financement du terrorisme est trop grave pour l'ignorer ", a déclaré Chantal Hughes, porte-parole du commissaire européen au marché intérieur et aux services, Michel Barnier. "Un mécanisme de monnaie virtuelle peut-être créé - et son fonctionnement changé -, par n'importe qui, met en garde l'Autorité bancaire européenne (ABE). Et, dans le cas du bitcoin, par quiconque disposant d'une puissance informatique suffisante, de manière anonyme, qui plus est. La sécurité informatique ne peut donc pas être garantie. Par ailleurs, la viabilité financière de certains participants sur le marché reste incertaine."

8 Quels sont les risques?

Une fois son porte-monnaie électronique créé, l'utilisateur peut régler ses achats (en ligne et hors ligne) en scannant un QR code à l'aide d'une application mobile. Amusant. Du côté du marchand ou du commerçant, il existe des services de conversion (en euros ou en dollars à J + 1) qui permettent de se prémunir contre les risques de change. En revanche, si après une transaction, un commerçant décide de conserver la somme acquise en bitcoins, il prend le risque de voir le cours baisser.

9 Une transaction en direct

Autre avantage, les frais de transfert sont quasiment inexistants (inférieurs à 1%). Le bitcoin est un moyen de transfert à la fois fiable (pas de faux possible ni de duplication intempestive), transnational et désintermédié. Une mauvaise nouvelle pour les American Express, Visa, Mastercard et autres Western Union. Accepter les paiements en bitcoins, c'est la garantie de pouvoir vendre dans tous les pays du monde.

10 Ces ­entreprises qui acceptent le bitcoin

Dell, Expedia, WordPress, Baidu, Reddit, Virgin Galactic... de plus en plus d'entreprises (des hôtels, des restaurants, des sites internet, mais aussi chaînes de grande distribution), et non des moindres, acceptent désormais d'être réglées en bitcoins. On estime aujourd'hui leur nombre à 60 000 dans le monde. Cela leur permet, en ajoutant simplement quelques lignes de code à leur site internet ou en le proclamant sur la devanture d'un magasin, de cibler une clientèle plutôt CSP + et de cultiver l'image d'une marque ou d'une enseigne moderne et à la pointe de l'innovation technologique. Il s'agit d'un service supplémentaire offert au client. "Le seul risque pour une entreprise, c'est de faire des ventes supplémentaires ", explique Thomas France, cofondateur de La Maison du Bitcoin.

11 L'intégrer dans sa stratégie marketing

Les possibilités sont légion. Nous n'en relevons que quelques-unes. Prenons le cas d'un système de fidélisation et de récompense où les paiements se font en cartes-cadeaux. La ­logistique de ces dernières est souvent très lourde. "On peut ici imaginer ­remplacer les cartes-cadeaux par des virements en bitcoins. Même chose pour des ­promotions ou des offres de remboursement", suggère Thomas France.

Le bitcoin, monnaie dépourvue de cours légal, a été l'objet de plusieurs scandales et krachs. Il n'en demeure pas moins un outil de paiement de plus en plus largement utilisé.

12 Deux stratégies pour étendre l'usage du bitcoin

13 1. Proposer des distributeurs

Il existe aujourd'hui en Europe 64 distributeurs automatiques de bitcoins. Ils sont répartis sur 20 pays de l'UE. En France, on n'en trouve qu'un seul, à Paris. En Europe, 30 % des machines sont déployées au Royaume-Uni, en Finlande et aux Pays-Bas. En juillet 2014, selon le site Coindesk.com, on recensait 121 distributeurs en activité dans le monde entier. Avec une prime au Canada, qui en compte une trentaine.

14 2. Démocratiser le bitcoin

C'est l'une des faiblesses du bitcoin: il n'est pas encore assez "user friendly". Coinbase, plateforme américaine spécialisée dans l'échange de bitcoins, souhaite en améliorer l'accessibilité. Elle se lance aujourd'hui dans 13 pays européens. L'entreprise explique que le succès du bitcoin aux États-Unis réside dans son intégration au système bancaire.

Des 13 millions de bitcoins en circulation, la plupart n'est pas utilisée pour des échanges marchands. Des entreprises spécialisées oeuvrent pour inverser cette tendance.