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[Interview] Mercedes Erra, fondatrice de BETC et présidente exécutive d'Havas Worldwide

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Vous avez fondé BETC en 1995, aux côtés de Rémi Babinet et d'Éric Tong Cuong. Aujourd'hui, la première agence française, qui déménage en avril 2016 dans de splendides locaux de 18000 m2 à Pantin, emploie 750 salariés et compte parmi ses clients des marques aussi prestigieuses qu'Evian, Air France, Peugeot, McDonald's, Petit Bateau ou Louis Vuitton. Quelle est la ligne de conduite qui vous a guidée durant cet extraordinaire parcours?

Nous nous considérons comme des artisans de la qualité.

Nous nous sommes toujours efforcés de respecter notre métier, et avons embarqué dans notre bateau des personnes qui le respectaient aussi. Et puis, nous cultivons l'exigence. Nous nous considérons comme des artisans de la qualité. Rémi et moi - nous le savons - en sommes parfois fatigants pour les gens avec lesquels nous travaillons... Je ne vois pas tout ce qui sort de chez nous - et je sais bien que la confiance est clé -, mais je porte sur tout ce que je vois un regard d'exigence. C'est avec cette même exigence, d'ailleurs, que nous avons mené le projet d'aménagement de nos locaux de Pantin.

Quelle atmosphère avez-vous souhaité créer à Pantin?

Pantin est une immense plateforme internationale de création. Les talents sont difficiles à attirer: pour une entreprise, c'est un cadeau qui se mérite. Or, pour séduire les meilleurs, le cadre de vie est déterminant. Les gens sont de plus en plus sensibles à la décoration de leur intérieur, pourquoi seraient-ils moins attentifs à leur cadre de vie professionnelle? Nous en sommes persuadés, le beau est facteur de bien-être et engendre le beau. Alors, nous n'avons rien lâché. Quinze designers ont travaillé sur la conception du site. Rémi a suivi le chantier jour et nuit, et a tout choisi et validé, jusqu'aux plinthes et aux menus du restaurant : après plusieurs appels d'offres auprès de prestataires spécialisés, nous avons entamé une réflexion avec des restauratrices pour proposer tout autre chose... Nous accueillerons des chefs en résidence, qui proposeront une cuisine plus personnelle. La salle à manger non plus ne ressemblera pas du tout à une cantine d'entreprise : nous voulons que nos collaborateurs s'y sentent comme chez eux. Nous avons aussi aménagé une salle de sport, un grand jardin, des ruches... Nous avons aussi souhaité que l'agence soit intégrée à la vie locale de Pantin. Nous l'avons donc aménagée de telle sorte que les citadins traversent le hall d'accueil et que le rez-de-chaussée abrite des commerces, que nous avons également choisis nous-mêmes.

Quelles sont les valeurs managériales qui vous guident?

Un dirigeant doit apporter quelque chose, rester opérationnel, ne surtout pas lâcher le boulot.

L'exemplarité. Un dirigeant doit apporter quelque chose, rester opérationnel, ne surtout pas lâcher le boulot. La ­capacité à s'ajuster à chaque individu, également. L'enjeu est de comprendre ce dont chacun a besoin. Et enfin, le courage de dire non, et parfois même au revoir. Si on n'est pas fait pour la pub, c'est qu'on est fait pour autre chose. Chaque individu a un univers de prédilection et doit s'attacher à le trouver pour entrer dans un cercle vertueux : plus on a de talent, plus on en développe... C'est le rôle des parents d'aider chacun de leurs enfants à trouver sa voie.

Vous venez de parler du rôle de parent. Vous-même maman de cinq garçons, vous êtes une fervente ambassadrice de la cause féminine, vous êtes engagée dans le Women's Forum for the Economy & Society, l'Unicef, la Fondation Elle, le Comité français de Human Rights Watch, l'association Force Femmes... Pourquoi est-ce si important pour vous?

Parce qu'il existe une immense injustice faite aux femmes du monde entier, qui accomplissent 70% du travail et n'empochent que 10% des revenus. Cela m'indigne. J'en parle et en parlerai sans relâche.

Quelles sont les solutions pour effacer, peu à peu, cette injustice?

Il faut l'étayer de faits, de chiffres. C'est un long chemin de persuasion... Il est également nécessaire d'en passer par les quotas, eux seuls ont permis d'introduire un peu de mixité dans les conseils d'administration. Mais au fond, l'éducation est la clé. La condition féminine n'est pas enseignée à l'école, c'est un tort. Il faudrait aussi lui dédier un musée, une anthropologie. Et continuer à se rebeller. Je trouve les jeunes femmes qui arrivent dans la vie active un peu naïves, peu choquées par cette injustice. C'est le premier problème de notre société, et nous sommes encore trop peu à le dire.

 
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Propos recueillis par Stéfanie Moge-Masson

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