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Marketing Analytics : 3 niveaux de mesure de l'activité client

Publié par Nicolas Glady le | Mis à jour le

Avant de pouvoir prédire des scores d'appétence, d'attrition, ou de valeur client, un problème courant est de savoir à quel niveau définir ces scores. Quel est l'identifiant client ? Quel est le niveau d'agrégation pertinent pour mesurer son activité ou sa rentabilité ? En fin de compte, ces questions reviennent à se demander qui est notre client ?

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Une question de circonstances ?

Pour se convaincre de la difficulté de répondre à cette question, faisons un rapide tour d'horizon des réponses possibles.
Dans le cas d’une entreprise B2C, qui veut--on cibler ? Chaque individu ? Les ménages ? Les acheteurs ? Les usagers ? (Une même personne utilisant un même service à des endroits et des moments différents.)
La même question se pose pour les entreprises en B2B : quel est le niveau de décision à prendre en compte ? Le magasin ? La « Business Unit » ? L’entreprise ? Le groupe duquel dépend l'entreprise ?
Bref, quelles sont les entités et les échelons qui nous intéressent lors d’une analyse ? Ceux qui consomment nos services… ou ceux qui les paient ? Ceux qui décident que d'autres vont les utiliser … ou ceux qui les utilisent ?
Est-il ainsi pertinent de distinguer entre clients et « clients finaux » ? (dans le cas d’un modèle « B2B2C » par exemple). Concrètement : une entreprise qui proposerait à des collectivités locales de rendre leurs données spatiales accessibles à tous les citoyens… sert-elle les collectivités ? Les citoyens ? Ou le politique qui finance le projet ?

Selon la réponse qu’on apporte à ces questions, l’identifiant-client sera différent. Les mesures d’activité ou de rentabilité seront différentes. Le « point de contact » (pour le marketing direct ou la relation-client) sera différent. Si une entreprise veut coordonner ses efforts et être efficace, cette problématique doit être résolue grâce à une seule et unique version de la vérité sur « le client ».

Un référent unique et partagé : la condition sine qua non de l’efficacité

Si le choix du niveau d’analyse du client ne fait pas l’unanimité, alors les actions entreprises ont peu de chances d’aboutir. Si l'on n'est pas parvenu à créer le consensus autour d'une définition commune, on ne parviendra pas à mobiliser les différents acteurs nécessaires au déploiement de nouvelles actions ou de nouvelles mesures.

Les projets Marketing Analytics sont par essence transversaux (impliquant les systèmes opérationnels et de « reporting », le département finance, les ventes, et bien sûr le marketing). Sans accord sur les mesures de base, on se condamne au dialogue de sourd : chacun défendra la vérité correspondant à sa fonction, son activité, ou encore son département.

En pratique, quel est le risque ? Que le département IT identifie un client donné selon des ID de type A, B, C, D, etc. dans la base de donnée opérationnelle. Que le marketing considère que ce client correspond en fait aux activités effectuées par les IDs A, B, C. Que la finance voit ce même client comme l’agrégation des revenus générés par B, C et D. Que les factures soient envoyées à A et D. Et que les vendeurs lancent des actions différentes pour A, C et D…

La mise en place d'un référent unique et partagé est donc essentielle. Et ce à tous les niveaux : collecte des données, analyse, modélisation, et mise en œuvre des actions envisagées. Sans ce référent, les doubles comptages se multiplieront, les résultats seront différents selon le département qui les produira et, l’action perdra en efficacité et en efficience.

Mais alors, comment s'y prendre ?

Première Solution : La définition « technique » de l'identité client

On peut tout d’abord décider d'utiliser l'identifiant correspondant au « plus petit dénominateur client ». C’est-à-dire en partant du niveau le plus bas d'ID dans les bases de données. Cette solution a le mérite de se brancher directement sur l'infrastructure technique existante, elle est rapide et facile à mettre en œuvre.

Le revers de cette solution ? C’est qu’elle n’est guère satisfaisante d’un point de vue business. Est-ce que je peux mesurer l’activité et la rentabilité de mes clients ? Quelles sont vraiment les sources de profits ? Est-ce que je peux prendre des décisions stratégiques sur cette base d’analyse ?

Deuxième solution : La définition financière de l'identité client

Pour mesurer tout ce qui est lié à la génération de profit, L'ID retenue sera plutôt liée à la facturation. Un numéro de TVA ou un numéro d'entreprise dont l'unicité est garantie légalement par exemple. Cette solution est souvent envisagée dans les entreprises B2B. De fait, elle a de gros avantages : Elle permet une réconciliation quasi directe avec le compte de résultat. Elle se concentre sur un élément très important en pratique : celui qui paye. De plus, on facilite grandement la communication et la cohérence interne.

Mais en pratique, il reste un problème majeur : l'inadéquation possible entre ceux qui paient et les véritables destinataires de l’offre.

Prenons le cas où une entreprise réalise qu’un client est insatisfait, et envisage de partir à la concurrence. Est-ce que l’information dont on dispose à son sujet nous permet d’identifier ce risque ? Plus important : est-on capable d’identifier comment le contacter et lui faire une offre qui nous permettra de pérenniser notre relation avec lui ? Celui qui paie n’est, dans bien des cas, pas au même niveau que celui qui décide l’achat du produit ou qui l’utilise. Ainsi, quand on cible un ménage, dans certains cas, c’est l’enfant qu’il faut convaincre en priorité, et celui-ci convaincra à son tour ses parents d’acheter le produit. En B2B, si l’entreprise à cibler n’est pas encore cliente de notre service, il faut convaincre celui qui utilisera notre produit et/ou celui qui a le plus d’influence (prescripteur) au sein de l’entreprise. C’est eux qui iront ensuite « chercher le budget » nécessaire à l’achat...

Troisième solution : La définition marketing de l’identité client

Dès lors, on peut esquisser une troisième logique de définition complémentaire aux deux autres citées précédemment. Elle correspond au niveau auquel on approche un client potentiel ou celui auquel on contacte un client acquis. Par exemple l'email, l’adresse, le téléphone, voire le pseudo Twitter ou le profil Facebook… Tout dépend de ce que l'on veut en faire. Et c'est là la véritable valeur ajoutée de l'approche marketing : Cette définition, permettant un contact direct, est « orientée action ».

En faisant le lien avec les deux autres niveaux de définition, cette dernière approche donne la possibilité de faire un suivi au jour le jour et de mesurer l'impact des actions entreprises. Si un commercial veut démarcher un certain client, il pourra rechercher les données de contact dans la base de données. Si, après la rencontre commerciale, ce client achète le produit, il sera directement possible de mesurer l’impact de cette action sur les profits générés. Au jour le jour, il sera toujours possible de réconcilier les actions marketing avec les transactions quotidiennes de ce client, et on aura une vue fin de mois sur sa rentabilité…

Vers une définition articulée : « le modèle des poupées russes »

En pratique, la bonne solution est d’articuler ces 3 niveaux :

  1. L'ID "unique et partagée" sera définie de manière technique : niveau le plus bas, elle sera commune aux différentes bases de données, à travers toute l'entreprise. C’est un niveau technique, qui n’est pas directement lisible ou actionnable pour les décisionnaires.
  2. La définition financière sera le niveau le plus haut et le plus agrégé. Elle permettra surtout d’avoir une vue d’ensemble du client et de mieux comprendre les tendances générales en termes de rentabilité. C’est un niveau simple à analyser, cohérent avec la documentation légale, mais qui n’est pas vraiment actionnable.
  3. Un niveau intermédiaire est alors nécessaire pour pouvoir prendre des mesures : c’est le niveau auquel on contacte ses clients et auquel les actions marketing peuvent être effectuées. Le niveau d’agrégation sera adapté en fonction de la stratégie marketing (directe ou « above the line ») voire même de projets spécifiques, d’une manière pragmatique et efficace.

Cette approche peut s’apparenter à des poupées russes : le niveau technique (Transversal) s’emboîte dans le niveau marketing (Actionnable), qui s’emboite à son tour dans le niveau financier (Reporting). Il est important qu’il n’y ait jamais de double comptage, et que la somme de tous les éléments rassemble l’ensemble des activités clients (principe MECE). Il est aussi absolument indispensable qu’il soit possible à tout moment de « réconcilier » la « vérité » financière avec la « vérité » marketing ou opérationnelle. Ce type de structure « en poupée russe » demande un peu d’effort lors de sa mise en place, mais garantit une action plus efficace et cohérente sur le long terme.

Cet article a été rédigé en collaboration avec Thomas Jeanneney-Morandeau.

Nicolas Glady

Nicolas Glady

Professeur de Marketing

Nicolas Glady est docteur en économétrie et professeur à l’ESSEC où il enseigne les cours de Marketing Stratégique, Marketing Analytics et [...]...

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