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Les études vont-elles basculer vers le mobile?

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Prospective, Le mobile, désormais indispensable aux enquêteurs, devrait trouver sa place comme mode de recueil, aux côtés du face-à-face, du téléphone fixe et du on line. Il ne s'agira pas, aux dires des professionnels, d'une révolution comparable à Internet, mais d'une mutation stratégique.

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Le marketing va-t-il totalement basculer d'Internet au mobile? Le développement de l'équipement en smartphones mais aussi l'organisation de la profession, notamment avec la mesure d'audience de Médiamétrie (lire notre Focus Media page 35) font pencher la balance vers le oui. Jérôme Stioui, président et cofondateur d'AD4Screen, agence spécialisée dans le marketing mobile, est optimiste sur le devenir du marketing mobile. « Contrairement aux années 2000, pendant lesquelles les conseils ont dû faire oeuvre de pédagogie pour le passage à Internet, la décennie 201 0 aura peu de difficultés à évoluer vers le marketing mobile. Désormais, les responsables digitaux existent en entreprise, poursuit-il. Et les sociétés pensent avoir loupé le virage du Web veulent saisir cette deuxième chance que leur offre le mobile. » Avantage de l'outil: de plus en plus de personnes possèdent leur propre téléphone portable, alors que tout le monde n'a pas son ordinateur personnel. Et le renouvellement d'un mobile est plus rapide (entre 18 et 24 mois).

BVA - qui disposait déjà d'un site sur mobile - possède, depuis début février 2011, son appli iPhone (bientôt disponible sous Android) qui regroupe l'ensemble des sondages de l'institut (comme l'appli Ifop) et propose un quiz thématique. « Nous avons voulu faire une application distrayante. Les mobinautes peuvent répondre à des questions concernant nos univers, la politique, la société et l'économie et défier leurs amis », note Christine Marty, directrice générale adjointe. L'appli BVA permet également de recruter des enquêteurs pour des études «quali»sur des cibles spécifiques, les possesseurs de tablettes par exemple. Le smartphone peut donc devenir, via une application, la vitrine d'un institut.

Seconde utilisation sur mobile: l'équipement des enquêteurs. Si certains, comme TNS Sofres, le font de manière ponctuelle, BVA l'a institutionnalisé dans ses sondages mobilité. « Pour une enquête coup de poing, nous pouvons mobiliser jusqu 'à 2 000 enquêteurs en même temps, explique Frédéric Albert, directeur de BVA Comptages (l'expertise de BVA dans la mobilité et les enquêtes de voyageurs pour la SNCF, les Aéroports de Paris) . De plus, par rapport au questionnaire papier, celui effectué par portable dispose de nombreux avantages. Le premier est l'enregistrement des réponses. Cela augmente la fiabilité des résultats, en évitant les erreurs de saisie. Le second est la rapidité. Une fois les questionnaires terminés, leur contenu est «pusché» dans les serveurs de BVA. Grâce aux «horodateurs », il devient même possible de géolocaliser les interviews, auquel cas les enquêteurs sont prévenus. Troisième atout: le suivi du quota de réponses en direct. Cela nous permet de rectifier l'échantillon, si besoin est. Enfin, le portable est plus convivial que le questionnaire papier. » En termes de gain de temps, le mobile présente également des avantages. Ainsi, le temps serait divisé par cinq pour les interviews réalisées via un portable. Le prix de ces études est aussi moins élevé que celui des études papier. BVA a commencé, en 2008, à équiper ses enquêteurs de BlackBerry. Aujourd'hui, l'institut en possède 85. Pourquoi ne pas avoir choisi l'iPhone? « L'avantage du BlackBerry, tient à l'autonomie de sa batterie. Elle dure 24 heures », poursuit Frédéric Albert. Seul bémol: la petite taille du smartphone. « Ses dimensions exigent de poser, en majorité, des questions fermées », précise-t-il.

Quant à l'iPad, la prudence est de mise au sujet de son développement. « Nous l'utilisons soit en omnibus, en face-à-face, soit en screeming on line de concept », note cependant Christine Marty. OpinionWay a également utilisé l'iPad en collecte, pour des enquêtes internationales dans le domaine du luxe, à la sortie de certaines boutiques. Avantages: la fiabilité et la rapidité. Le développement des autres tablettes (Samsung, Microsoft) et l'introduction des vidéos dans les enquêtes devraient booster ces expériences. Mais, comme le souligne Patrick Ambroise, directeur des opérations de GfKISL, « il faut que le prix des tablettes baisse afin que nous puissions équiper les enquêteurs ». Comme les sondages via BlackBerry, ceux via iPad respectent des règles déontologiques ; les agents doivent accepter traçabilité et géolocalisation.

Aurélien Gragnic (OpinionWay): « Le développement des études va se faire sur le support mobile Il faut suivre le comportement des mobinautes et adapter les outils. »

Smartpanel: OpinionWay croit au mobinaute

C'est la bagarre du premier en liste, logique pour toute nouvelle application. OpinionWay se positionne comme le premier institut à avoir lancé, en juillet 2010, une application d'enquête sur smartphone: Smartpanel. Il s'agit d'un groupe de possesseurs d'iPhone (élargi en 2011 aux propriétaires de BlackBerry et d'Android) interrogés directement sur leur mobile - recrutés sur App Store après téléchargement de l'application Smartpanel. Les sondés ont été choisis parmi l'access panel d'OpinionWay (60 000 personnes). Le mobinaute qui télécharge l'application Smartpanel donne quelques informations basiques (âge, sexe, lieu d'habitation et profession) et accepte de répondre par la suite à des questions (deux vagues d'enquêtes par mois réalisées chacune sur 200 à 300 smartpanélistes). « Le smartphone oblige à réaliser un questionnaire non seulement plus serré mais aussi plus ludique », note Aurélien Gragnic, directeur conseil de l'institut. Il est possible d'intégrer des visuels et/ou des vidéos, avec lien sur YouTube, dans les enquêtes, pour une étude sur les flashcodes, par exemple, ce qui permet d'avoir des retours de photos, de verbatim... « Nous défrichons, reconnaît Aurélien Gragnic. Notre logique est de créer un lien de manière régulière. Nous croyons au recueil de photos sur smartphones. » Pour la vidéo, c'est plus compliqué. Il faudra attendre un peu. De façon à être représentatif un redressement de la cible (très CSP + pour l'iPhone) est possible. OpinionWay ne «don ne» pas de «cadeau» personnel mais fait un don à une association.
Nouveauté: l'institut propose une déclinaison, Mysmartpanel. Entreprises ou collectivités locales peuvent personnaliser leur application Smartpanel. « L'objectif, commente Aurélien Gragnic, est de pouvoir proposer des panels propriétaires à nos clients sur smartphone, en dupliquant notre application et en la personnalisant avec des éléments visuels distinctifs adaptés à nos clients (nouveau logo, nouveau nom, nouveaux codes couleurs). L'entreprise peut alors interroger régulièrement ses propres cibles (clients, abonnés, usagers, administrés, collaborateurs, etc.) via son panel dédié sur mobile. » Le dispositif est complètement géré par OpinionWay - mise en ligne de l'application, animation du panel, gestion des enquêtes, analyse et livraison des résultats.
Par ailleurs, OpinionWay vient de créer avec l'agence de marketing mobile Bemobee SmartUser, solution d'enquête permettant de tester des applications mobiles auprès des utilisateurs directement via leur smartphone. Elle permet d'évaluer et de suivre les indicateurs-clés d'une application: fréquence d'utilisation, satisfaction, fidélité, recommandation, profil des utilisateurs. Le dispositif est lui aussi complètement géré par OpinionWay (mise en place de la bannière, gestion de l'enquête, analyse et livraison des résultats).

Toucher des cibles peu accessibles

Mais l'avenir du mobile se trouve surtout du côté des modes de recueil. Les consommateurs sont de moins en moins enclins à répondre aux protocoles classiques d'études. Les taux de réponses aux enquêtes off line mais aussi on line baissent. « Surtout sur certaines cibles comme les 15-18 ans, qui ne consultent plus leur boîte mail », précise Nathalie Perrio-Combeaux, coCEO de Harris Interactive France et UK. Les consommateurs, devenus (enfin) consomm'acteurs, communiquent de plus en plus entre eux et dévoilent leur intimité sur les blogs, les forums, les réseaux sociaux... Connectés hors de leur cadre professionnel grâce à leur mobile, ils intéressent les professionnels des études. « Le mobile dans les études s'inscrit dans une démarche de mobilité globale, intégrant bien sûr les smartphones mais aussi les tablettes, les PDA, l'iPad, etc., insiste Nathalie Perrio-Combeaux. Pour nous, il ne s'agit pas d'une rupture technologique comme a pu l'être Internet, mais d'un axe stratégique qui marque l'arrivée d'une nouvelle génération d'études. Ces derniers répondent à une demande contextuelle réalisée à l'occasion d'une situation ou d'un usage précis. » Dans ce cas, Harris Interactive propose deux types de protocoles: l'interception du consommateur «in situ», par SMS ou Internet mobile pour les équipés ou bien l'utilisation de panélistes qualifiés et mandatés. Le mobile est intéressant, toujours selon Harris Interactive, dans les études urgentes, les études continues et les compléments d'études, pour récupérer des verbatim auprès un terrain «quali» ou «quanti». « Réaliser ce type de travaux implique de respecter certaines contraintes, notamment en termes d'adaptation techniques des tailles, des longueurs et des formats des questionnaires », rappelle Nathalie Perrio-Combeaux. Harris Interactive, qui mène, au niveau international, des projets sur les études via mobile lance en avril une application compatible avec tous les portables, en se connectant sur un numéro gratuit. Harris Interactive sort également un panel de 15 000 mobinautes requalifiés. «Nous avons voulu que l'utilisation du mobile soit optimale », résume la coCEO. Les techniques disponibles aujourd'hui en mesure active demeurent le SMS, l'Internet mobile, le carnet de conso et le carnet d'écoute/reportages/photos vidéos. Et en mesure passive, la géocalisation et les réseaux sociaux. Demain, la mesure active ressemblera à celle d'aujourd'hui mais se développera de façon plus massive. Quant aux mesures passives, elles concerneront l'audience média, l'exposition publicitaire, la géolocalisation et les achats (si le mobile devient un moyen de paiement et/ou une carte de fidélité) . « On va voir se développer des études tactiques pour des sociétés de services comme les banques ou des études points de vente avec des panélistes sur mobile que l'on interrogera pour avoir une opinion sur une opération magasin », note de son côté Jérôme Stioui. Le problème de l'annonceur est de savoir comment exploiter le média mobile. Il faut se poser la question suivante: qu'est-ce que le mobile apporte de plus? »

Les atouts du mobile? Son immédiateté, son caractère d'outil personnel, la véracité des déclaratifs (interviews auto-administrés) et son universalité. Ses limites: la taille de l'écran, son ergonomie, le décryptage lié au langage SMS et la durée d'autonomie de la batterie du mobile. Ainsi, des questionnaires «lourds» ne sont pas transférables sur ces canaux. Il semble également problématique de gérer les multi-applications de mobile (iPhone, BlackBerry, Samsung). Cela explique que certains professionnels restent circonspects quant au développement de l'outil, d'autant plus que la demande n'est pas encore significative.

OpinionWay a été le premier institut à lancer une application d'enquête sur smartphone (lire l'encadré p. 66). « Nous avons la conviction que les informations sur application vont se développer rapidement », déclare Aurélien Gragnic, directeur conseil à l'institut, responsable du projet. Spécialiste des panels on line, Toluna a développé aux Etats-Unis les méthodes de recueil par SVI (serveur vocal interactif) pour des enquêtes sur site. Il les lance aujourd'hui en France. « Les visiteurs d'un point de vente ou d'un site, sont invités à appeler un numéro vert. Ils répondront à quelques questions en tapant sur leur clavier. Il s 'agit de questionnaires courts de satisfaction ou de visite », explique Philippe Guilbert, general manager France de Toluna. La communauté Toluna.com est maintenant accessible sur iPhone, iPad et sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, YouTube).

« En maintenant un contact avec le panéliste où qu 'il soit, nous préservons les taux de réponse aux sondages et conservons, dans nos échantillons, certains profils moins réactifs aux e-mails (les jeunes, en particulier). »

Le mobile intéresse non seulement les études marketing mais aussi les études médias. Mediamétrie avait testé des échantillons sur ce support dans les années quatre-vingt-dix. Audipresse mène des enquêtes sur mobile. Ipsos Media travaille sur une mesure d'audience passive (la radio en premier lieu)... « L'utilisation de cet outil dans les études n'a été possible qu 'à partir des années 2000, avec la multiplication des opérateurs téléphoniques », rappelle Patrick Ambroise. En France, où le coût des appels des fixes vers les portables est onéreux, les interviews via SMS restent chères. Quant aux enquêtes effectuées directement par mobile, il ne faut pas oublier que la Cnil, Esomar et le Syntec «interdisent» tout questionnaire par mobile si l'interviewé n'a pas donné son accord. » Des limites qui poussent des instituts comme GfK à vouloir utiliser un mode mixte mobile/Internet, ou créer un panel de mobinautes. « Le mobile ne sera pas un modèle unique mais un vecteur supplémentaire. Il faut s'adapter pour joindre les personnes de façon la plus appropriée possible », reprend Patrick Ambroise.

Certains professionnels comme lui prévoient que ce support constituera un tremplin pour avoir accès aux réseaux sociaux. Toucher les moins de 25 ans demande un procédé bien défini. Pour une marque alimentaire, par exemple, il faut proposer un questionnaire via le mobile ou Internet. Les jeunes répondront alors par Facebook, Twitter... C'est un moyen d'avoir accès à un panel très large. Quant aux élections présidentielles de 2012, pourquoi ne pas utiliser les enquêtes mobiles pour sonder les électeurs...

Jérôme Stioui (aD4Screen): « Le mobile est une passerelle entre le digital et le physique. »

Nathalie Perrio-Combeaux (Harris Interactive) : «Le mobile est pour nous la continuité logique des études on line.»

Patrick ambroise ( GfKISL): « il fa ut avoir un système «intelligent» permettant d'adapter la taille du questionnaire en fonction du mode de réponse, mobile ou internet. »

Orkan Dolay (respondi France): « Les sondages sur mobile ne révolutionneront pas le marché comme cela a été le cas avec l'apparition du on line. »

«Le mobile, un outil connecté»

3 questions à ... Orkan Dolay, managing director de Respondi France, filiale de Respondi Allemagne, spécialisée dans les panels on line.


MM: Depuis quand utilisez-vous le mobile comme outil de sondage?
Orkan Dolay: Nous avons commencé à ajuster les questionnaires on line aux smartphones, en Allemagne, en 2008. Nous disposons des capacités techniques pour adapter l'affichage des questionnaires à la taille des écrans des différents smartphones, mais nous avons également préidentifié, dans nos panels, les possesseurs de smartphones. Nous leur avons, bien entendu, demandé leur accord pour participer à des sondages mobiles. Depuis 2008, nous avons mené plusieurs études internes pour la recherche fondamentale sur cette méthodologie et réalisé quelques projets pour des clients externes.


Quels sont les avantages et les inconvénients des smartphones?
Ces terminaux présentent deux avantages principaux. D'abord, les individus ont toujours leur téléphone sur eux. On peut donc recueillir informations «à chaud - . Cet atout peut ainsi être utilisé pour mesurer l'impact des publicités pendant et/ou après un événement précis. Deuxième avantage: les smartphones interagissent de plusieurs manières avec le monde réel (caméra, géolocalisation, Bluetooth). Il est donc possible de récolter des informations non déclaratives et de les combiner avec le déclaratif. Ces deux caractéristiques représentent un atout révolutionnaire pour générer des insights. Cependant, il est évident que la limite majeure de l'utilisation de cette méthode de recueil par les chargés d'études est la représentativité (une partie mineure de la population étant équipée de smartphones). Or, nous vivons actuellement une démocratisation de cette nouvelle génération de téléphones, ce qui permet d'interroger certaines cibles. Néanmoins, je ne pense pas que les études on line sur mobile remplacent un jour les études «stationnaires». La contrainte principale est que les questionnaires de 20-25 minutes ne sont pas réalisables sur des téléphones mobiles, car ce n'est pas ergonomique et les participants sont exposés à trop de stimuli, ils seraient déconcentrés.


Croyez-vous finalement en l'avenir des études via le mobile?
Les études mobiles représentent une évolution potentielle dans la conception des études, notamment en ce qui concerne l'implication des participants. Il ne s'agit donc pas d'un support vers lequel on pourra transposer des questionnaires habituels, mais bien d'un outil «connecté», qui permet d'être en contact avec des participants, en permanence et avec des recontacts réguliers. La London School of Economics est en train de mener le projet Mappiness, un projet qui semble très intéressant pour explorer cet usage des sondages sur mobiles (www.mappiness.org.uk/). On y demande aux participants de télécharger une application sur laquelle ils devront déclarer régulièrement leur état d'humeur et ce qu'ils sont en train de faire. Ces données sont combinées avec leurs données GPS.
Il reste donc aux chargés d'études et aux instituts de concevoir de nouvelles générations d'études pour exploiter ce potentiel et enrichir l'éventail des questionnaires tandis que nous, prestataires de terrain, devons les soutenir en leur offrant des solutions à la fois en termes de technologie et d'implication.

 
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Catherine Heurtebise

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