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Le droit à communiquer est menacé en permanence

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Loïc Armand, directeur général des affaires publiques,développement durable et relations consommateurs de L'Oréal, succède à Pierre Bardon à la présidence de l'UDA. Il considère le dialogue entre marques et agences comme essentiel et compte bien le faire savoir.

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Vous présidez l'Union des annonceurs (UDA) depuis septembre. Quel est le profil de vos membres?

Loïc Armand: L'association réunit 300 membres. Tous les secteurs de l'économie française y sont présents. Elle est l'organisation représentative de l'ensemble des annonceurs, c'est-à-dire des entreprises, des collectivités ou des organismes qui recourent aux différentes techniques de communication pour promouvoir leur notoriété, leur image, leurs produits. Chaque entreprise délègue auprès de l'UDA ses spécialistes dans différents domaines.

Vous êtes directeur général des affaires publiques, développement durable et relations consommateurs du groupe L'Oréal. Ces domaines feront-ils partie de votre périmètre d'intervention?

Oui. L'UDA a trois grandes missions. Tout d'abord, faire valoir le droit des annonceurs à communiquer. La deuxième est de veiller à donner à nos membres tous les outils nécessaires pour assurer l'efficacité de l'investissement publicitaire. La troisième consiste à favoriser le développement d'une communication responsable. La conjoncture actuelle le montre, il est de plus en plus important pour les entreprises de s'assurer de l'efficacité de l'euro investi. J'y veillerai donc, mais je ne prétends pas avoir personnellement un message particulier à livrer sur le sujet. En revanche, sur les deux autres thèmes, j'ai à la fois une certaine expérience et une volonté déterminée.

Le droit des entreprises à communiquer est, selon vous, essentiel. Pourquoi?

Ce droit est vital pour les entreprises. C'est pourquoi il s'agit d'intervenir partout et à tout moment. Car ce droit est également fondamental pour diffuser l'innovation. Comme le montre la thèse de doctorat «Publicité et croissance économique» développée à l'université Paris-Dauphine avec le soutien de l'UDA, il est aussi essentiel à la croissance économique. Je m'engagerai aux côtés de l'association à chaque fois que cela sera nécessaire. J'irai porter le fer quand il le faudra. Je pense que nous défendons une cause noble. Les annonceurs ne font pas de la publicité honteuse. La communication est vitale pour l'entreprise. Nous défendrons ce droit sans complexe au niveau français, mais aussi au niveau européen et au sein de la Fédération mondiale des annonceurs (FMA) dont l'UDA est membre fondateur et dont L'Oréal est membre en tant qu'entreprise.

Ces problèmes dépassent donc nos frontières?

Largement. Ce sont les mêmes types de sujets qui se posent partout. Il faut donc représenter les annonceurs sans relâche et sans faiblesse vis-à-vis des pouvoirs publics, mais aussi vis-à- vis de nos camarades agences et médias. Le tout avec une volonté forte de construire des accords gagnant-gagnant.

Pensez-vous que les marques se sentent bien accompagnées par leurs agences?

J'ai un point de vue assez simple sur la question. Il est évident que la communication est le résultat de notre collaboration. Et il n'y a pas de collaboration durable sans la création d'une situation où chacun trouve son compte et aide l'autre en apportant son savoir-faire au service de cette communication. Il ne faut cependant pas oublier une chose: nous, les annonceurs, sommes les donneurs d'ordres. Ce sont nos marques, notre communication et notre argent. Ne croyons pas un instant qu'il y a une collaboration tripartite, avec égalité entre les annonceurs, les agences et les médias. Chacun remplit son rôle et aucun ne peut effectuer le travail sans l'autre. Mais si quelque chose ne va pas, ce n'est pas l'agence que l'on va chercher, c'est l'annonceur. Ce sont notre publicité, notre responsabilité ainsi que la réputation de nos marques qui sont enjeu.

Les agences se plaignent d'ailleurs du peu de prise de risque des annonceurs, voire de leur frilosité...

Les marques doivent défendre leur capital. Leur image et leur réputation sont en question.

Les agences, elles, sont forcément plus libres vis-à-vis de l'acte créatif. En effet, si quelque chose se passe mal, on ne se souviendra pas beaucoup de l'agence mais on aura peut-être tué la marque. Le point de vue de l'UDA, c'est de maintenir un bon équilibre dans cette collaboration tripartite. Je tiens à souligner qu'il y a des marques qui prennent des risques. Car une marque est une personne qui communique avec d'autres personnes qui sont elles-mêmes des consommateurs. Il revient donc aux marques de prendre ce fameux risque et de distinguer jusqu'où elles peuvent aller. D'ailleurs, l'innovation dans la communication est au centre des travaux de l'UDA et chaque année, avec les Phénix, nous récompensons les campagnes les plus innovantes. Je comprends que des créatifs puissent être un peu frustrés qu'une marque n'aille pas jusqu'au bout de son rêve. Je ne plaide pas pour le conservatisme non plus. En tout état de cause, notre objectif à l'UDA n'est pas d'intervenir sur la nature de la communication qui résulte d'une relation singulière entre ces différentes parties, mais de donner tous les atouts à nos membres pour qu'ils soient équipés dans ce dialogue singulier entamé avec les agences et les médias.

Réduire l'espace publicitaire ne peut qu'avoir de lourdes conséquences pour le dynamisme de l'économie.

Vous êtes parallèlement vice- président du Conseil paritaire de la publicité de l'ARPP (ex-BVP). Quelles sont les grandes fonctions de la communication et de la publicité?

La communication sert aux marques pour s'adresser à leur public, montrer ce qui est nouveau, différent et meilleur dans leurs propositions. Il existe mille façons de le faire. A l'UDA, nous couvrons l'ensemble des champs, qu'ils soient médias ou hors-médias, en apportant des outils de compréhension, d'analyse et de contrôle.

On parle beaucoup de travail collaboratif entre marques et agences, mais existe-t-il vraiment?

De manière générale, je considère le dialogue avec les parties prenantes comme essentiel. Nous sommes bien accompagnés. Nous diposons d'une palette d'offres de conseils de grande qualité dans les différents domaines de cette communication. La difficulté, ce serait même plutôt de faire le tri. Il me semble que le travail collaboratif résulte du fait que l'on a plutôt tendance à travailler avec les personnes que l'on connaît, que l'on respecte et que l'on apprécie. Une confiance mutuelle doit donc se créer. C'est l'objectif du Guide de la relation annonceur/agence réalisé en commun entre l'UDA et les organisations représentatives des agences. Cette confiance facilite la relation et la rend donc plus efficace. Vous parliez de la prise de risque. Cette dernière a souvent lieu lorsque l'on connaît bien son agence. Dans ce cas, le travail collaboratif est possible car la communication est une histoire d'hommes et de femmes. Il ne faut pas oublier que ce sont des relations humaines qui sont en jeu.

Pourtant, il y a une très grosse rotation dans les services marketing...

Je ne suis pas sûr qu'elle soit plus importante que pour d'autres fonctions. Mais si c'était le cas, alors il faudrait recréer cette relation. Il existe encore des fidèles qui restent des gardiens de la marque!

La baisse de la publicité sur les écrans publics est prévue pour le 1er janvier 2009. Quelles alternatives proposer à vos membres?

Tout d'abord, nous n'avons pas la prétention de dire aux pouvoirs publics ce que doit être la télévision publique. Nous respectons leur choix, mais nous attirons leur attention sur le fait que réduire l'espace publicitaire ne peut qu'avoir de lourdes conséquences pour les annonceurs et, finalement, le dynamisme de l'économie. Comme l'UDA l'a souligné dès le début 2008, ceci n'est jouable que si le changement est organisé de façon réaliste et surtout progressive dans le temps.

C'est-à-dire en lien avec la mise en oeuvre effective de la directive européenne «Services des médias audiovisuels» et le développement du numérique. Il ne faut pas oublier qu'avec la fin de la publicité sur les chaînes publiques, il existe un gros risque d'une chute de l'investissement publicitaire. Or, ce n'est pas le moment. Il est donc important de trouver une solution raisonna ble qui ne remette, certes, pas en cause la décision des autorités publiques, mais qui prenne en compte l'impact sur les entreprises annonceurs et leurs contraintes opérationnelles et économiques.

Comment cela pourrait-il se traduire?

Par de la souplesse dans la mise en oeuvre, un délai, un décalage de quelques mois - comme le recommandait la Commission Copé - compte tenu du fait que le texte n'est pas encore voté et que la directive européenne n'est pas encore transposée. En tout état de cause, c'est une illusion de croire que les investissements publicitaires vont se transférer massivement de la télévision vers les autres médias, la presse par exemple.

La presse est-elle, justement, encore votre premier poste d'investissement?

En effet, en 2007, c'était notre premier poste d'investissement médias devant la télévision avec 37% de nos investissements publicitaires globaux. C'est même 59% aux plans local et régional! Nous représentons environ 50% des ressources de la presse. A ce titre, nous participons, bien sûr, aux Etats généraux de la presse: la sauvegarde et la dynamisation d'un média écrit de qualité sont des enjeux importants pour les annonceurs. Dans un contexte de recomposition du paysage publicitaire médias, le rôle de l'UDA est d'informer ses membres de manière à ce qu'ils puissent faire un choix éclairé et de façon responsable. Mais chaque choix est bien sûr individuel. Il se fera en fonction du rapport coût/ efficacité de chacun des contacts.

Développer la communication responsable est la condition sine qua non de la liberté de communiquer.

C'est une période charnière?

Absolument. C'est aussi une période déterminante sur la question du droit de communiquer, car ce dernier est menacé en permanence. Des questions légitimes se posent. Nous sommes plus que jamais dans une période où le droit à la communication doit être défendu comme étant un enjeu d'intérêt général. S'il n'y a pas de communication, il n'y a plus de stimulation de la consommation, de concurrence et de diffusion de l'innovation, donc de croissance, et nos sociétés s'arrêtent. La richesse et la fluidité de la communication sont des objectifs d'intérêt public.

L'une des missions de l'UDA est également de favoriser le développement d'une communication responsable...

Le développement de la communication responsable est la condition sine qua non de la liberté de communiquer. Si l'on veut défendre la publicité, il faut renforcer en permanence nos règles déontologiques et les faire respecter. La société civile exige plus que jamais de la responsabilité de la part des annonceurs, des agences et des médias. Nous ne devons en aucun cas communiquer sur des produits ou des services contraires aux règles éthiques. Il est normal que l'UDA travaille sur cette réflexion, sur l'échange de bonnes pratiques qui permettent d'aider les annonceurs à s'engager vers une communication plus responsable et sincère.

Comment cela va-t-il se concrétiser?

A cet égard, l'UDA a pris deux initiatives majeures en 2007 et en 2008: elle a été moteur dans la réforme du BVP devenu l'ARPP, et a mis en oeuvre sa «Charte des annonceurs pour une communication responsable», concrétisation de plus de cinq ans de travaux de ses membres. Les promesses doivent être sincères. Elles doivent respecter la personne humaine, les enfants, l'image du corps et l'ambition du développement durable. Notre société a évolué. La communication doit accompagner cette évolution. Une communication à la fois efficace et responsable, c'est notre grand défi des années qui viennent et l'UDA y travaille jour après jour.

Loïc Armand (UDA)

@ Bruno Delessard

Loïc Armand (UDA)

Parcours

Loïc Armand, 56 ans, marié, quatre enfants.


Diplômé de l'Institut d'études politiques de Paris en 1975, ancien élève de l'ENA.


1980: il débute à l'Inspection générale des finances.


1984: il rejoint le groupe L'Oréal.


1987: il est nommé directeur de division en Belgique avant de devenir dg au Mexique puis président de la maison Jeanne Lanvin. Il part au Japon en 1995 pour créer le groupe L'Oréal.


2001: il revient en France comme secrétaire général de L'Oréal, puis dg des relations extérieures en 2003.

 
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AVA ESCHWEGE

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