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La ménagère de moins de 50 ans continue de balayer large - 2/2

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On la caricature souvent et son évocation prête toujours à sourire. Cible historique du petit écran, la ménagère de moins de 50 ans est une institution, et comme telle, remise en cause régulièrement au profit de cibles toujours plus fines, souvent à la limite de la stratégie de niches. Prise en étau entre une population vieillissante et des annonceurs toujours tentés de rajeunir leur clientèle, elle fait encore solidement front.

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Et les responsables de l'étude d'en déduire que cibler les ménagères de moins de 50 ans reste une bonne recette puisqu'en termes de médiaplanning, les plus de 50 ans sont automatiquement touchées. Mais d'ajouter qu'il faut cependant être vigilant dans les années à venir sur cette rupture à 50 ans, notamment du fait de l'avancée en âge des générations de femmes actives. Une analyse qui va, en partie, dans le sens du raisonnement développé par Francetélévisions Publicité depuis près de deux ans. La première étape avait consisté en une étude menée en 2000 conjointement avec IP sur le thème "Les 25-59 ans des années 2000, chronique des changements annoncés". Une chronique qui analysait les conséquences de la transformation démographique du paysage français et ses conséquences sur le profil de la population active. Elle mettait notamment le doigt sur le fait que le taux d'activité des 50-59 ans était en forte augmentation, passé de 66 % en 1990 à 72 % en 1998 et que le pourcentage des actifs dans cette classe d'âge est tout à fait comparable à celui des 25-49 ans. Autant d'éléments qui ont servi de socle au lancement, au début de l'année dernière, d'une seconde grille tarifaire axée sur les secteurs ciblant plutôt les 25-59 ans (télécommunications, automobile, banques, services etc.) et qui, selon Philippe Santini, directeur général de Francetélévisions Publicité, génère aujourd'hui 60 % du chiffre d'affaires des chaînes publiques. « Il nous fallait gérer la restriction de l'offre qui nous était imposée par la loi, explique ce dernier. En segmentant notre offre, nous n'avons fait que copier ce que font nos clients avec leurs produits. C'est également une manière de nous appuyer sur les zones de force de l'audience des chaînes publiques et de ne pas subir l'échelle tarifaire de nos concurrents. » Quand on dit ménagère de moins de 50 ans, on pense, en effet, automatiquement TF1. Un raisonnement qui fait sourire Jean-Bernard Ichac, directeur général adjoint de TF1 Publicité. « C'est une cible archétypale de la grande consommation. Qui dit grande consommation dit chaînes généralistes et il est logique de penser à la première d'entre elles. » Plus sérieusement, ce dernier note que dans la structure du chiffre d'affaires des chaînes, le tarif "ménagère" n'a cessé de perdre de l'importance, même s'il demeure toutefois le premier générateur de recettes. Une tendance qui s'est développée au profit de deux autres catégories montantes dans le médiaplanning TV, à savoir la ménagère avec enfants et la ménagère vivant dans un foyer de trois personnes et plus. Ce dernier cas de figure inclut les "Tanguy", ces jeunes de 20-25 ans, voire plus, qui s'incrustent chez papa-maman, la fameuse génération "kangourous". « C'est une population encore plus vaste que la ménagère avec enfants et une cible encore plus pertinente car elle sous-entend une écoute et un regard conjoint de la télévision », note Jean-Bernard Ichac. Chez TF1, ces deux cibles qui ne représentaient rien il y a 5-6 ans ont aujourd'hui un poids relatif de quelque 30 %. « Cette perte de poids de la ménagère de moins de 50 ans offre l'avantage de nous rendre moins dépendants de certains secteurs d'activité et nous a parallèlement ouvert à d'autres secteurs qui ont fortement remonté comme l'automobile, l'informatique ou les services », poursuit Jean-Bernard Ichac.

A CHACUN SA MÉNAGÈRE


Parmi les secteurs du food toujours aussi accros à la cible, l'entretien ménager vient bien évidemment en tête. Héritée de la vision marketing des lessiviers américains des années 50, la ménagère est encore et toujours la chouchou de leurs campagnes de communication. L'américain S.C. Johnson, qui commercialise les marques d'entretien Pliz, Canard WC, Brise, Raid et K2R, ne faillit pas à la règle. Comme l'analyse le chef de groupe Pliz et Canard WC : « Qui est responsable du ménage au foyer ? Ce sont à 88 % des femmes comme ce sont également elles qui procèdent aux achats du ménage. Concernant la catégorie des lingettes attrape-poussière dans laquelle rentre la gamme Pliz que nous avons lancée, il y a deux ans, on sait que ces produits sont achetés à 60 % par des femmes de moins de 50 ans. Il est logique que nous nous adressions à elles. » Depuis le 28 janvier dernier et jusqu'au mois d'avril, Pliz est ainsi revenu à l'écran pour soutenir les lingettes imprégnées pour les sols. Le film, créé par FCB, balaye d'ailleurs large puisqu'il est diffusé sur TF1, M6, France Télévisions mais aussi les thématiques RTL 9, TF6, TV5 et Festival. Si la ménagère est bien la priorité de S.C. Johnson, ses responsables font toutefois réaliser par leur centrale d'achat, ID Média, un ciblage de contrôle pour voir qui est effectivement touché à l'intérieur de cette catégorie extra large. « On fait notamment un contrôle sur les femmes actives dont on sait qu'elles sont intéressées par ce concept de produits qui font gagner du temps dans la corvée du ménage », précise le chef de groupe. Procter, initiateur du marché avec Swiffer, fait, par exemple, la même chose auprès des hommes qui sont d'ailleurs également mis en avant dans sa communication publicitaire. Certains estiment d'ailleurs que, même dans l'entretien, communiquer large n'est pas forcément la bonne stratégie.

Emmanuel Charonnat (Carat TV)

: "La ménagère de moins de 50 ans est une cible importante qui a non seulement du présent mais de l'avenir. Elle est encore présente car c'est un point de répère historique pour les annonceurs qui ont l'habitude de juger leurs achats d'une année sur l'autre".



Les ménagères, terme qui, pour le coup, correspond vraiment à une réalité, sont loin d'avoir toutes la même vision du ménage. « Il y a une vraie différence entre la femme au foyer pour qui plus cette tâche est laborieuse, plus elle se sent valorisée et la femme active qui souhaite l'expédier le plus vite possible car elle la trouve plutôt dégradante, déclare Jean-Christophe Beau, vice-président du groupe Cospirit qui a en charge la stratégie globale de sociétés comme Lever pour l'entretien, Fleury Michon ou encore Lactel. En communication, ce qui est un argument pour l'une sera un contre-argument pour l'autre. C'est pourquoi nous travaillons, nous, non pas en s'en tenant à cette cible large de la ménagère, mais en creusant un peu plus dans les typologies identitaires pour construire une communication de proximité. » Et Manuel Jais, directeur général adjoint de Mediatrack, l'agence médias du groupe d'ajouter : « Il s'agit moins de dire que le critère des ménagères de moins de 50 ans a ou non vécu, que de constater qu'elles sont différentes et qu'il ne s'agit plus de leur dire la même chose au même endroit. »

UNE CIBLE À VALIDER


Quand on voit la segmentation de plus en plus fine, parfois même à la limite d'une stratégie de niche, qui prévaut dans bon nombre de lancements de produits de grande consommation destinés aux ménages, on peut effectivement se demander si viser une catégorie de population aussi large est encore d'actualité. En toilette-beauté, par exemple, un secteur qui découpe de plus en plus la femme en tranches d'âge très fines, elle reste essentiellement l'apanage des marques vraiment familiales. « 80 % de nos investissements sont en direction de la ménagère de moins de 50 ans et de la ménagère avec enfants car notre marque a plus de 30 % de taux de pénétration dans les foyers français et c'est elle notre consommatrice », explique, par exemple, Eric Panijel, directeur du marketing du Petit Marseillais. A l'inverse, Jean-Christophe Letellier, directeur du marketing des Laboratoires Garnier explique, de son côté, « nous ne nous adressons à la ménagère de moins de 50 ans que pour Ultra Doux qui a un positionnement résolument familial. Pour toutes nos autres marques d'hygiène, de capillaires comme de soins de la peau, nous travaillons des segmentations beaucoup plus précises ». La stratégie de communication est la même chez Beiersdorf France. « La ménagère est pour nous une cible de contrôle. Pas une cible principale. Avec l'ensemble des sous-marques de Nivea, nous visons des cibles beaucoup plus fines en termes d'âges, de sexe et de comportements », indique René van Duijnhoven, son directeur marketing. En alimentaire, jouer sur tous les registres du ciblage en médiaplanning est l'apanage des poids lourds du secteur. Pour les poids légers, la politique est plus de jouer la stratégie différenciante. « On essaye d'être un peu plus segmentant, dit, par exemple, Florence Da Costa, directrice du marketing de Mamie Nova. La télévision est extrêmement encombrée par les grands et c'est très difficile pour les petits budgets d'y être vus. Si la ménagère de moins de 50 ans est incontournable pour bon nombre de produits, nous avons pour notre part préféré une approche plus segmentée autour du géomarketing. » La marque de produits laitiers a ainsi abandonné le petit écran depuis 1999 au profit de l'affichage. « La ménagère est un critère trop vaste pour obtenir des résultats, ce qui pourrait être le cas si nous étions Lustucru, estime, de son côté, Delphine Pic, responsable marketing de Rana France, marque de pâtes fraîches qui s'apprête à revenir en avril sur les écrans après deux ans d'absence avec une communication centrée sur les 25-45 ans CSP +. Rana est une marque complémentaire qui s'adresse à des consommateurs qui ne veulent pas perdre de temps à faire bouillir de l'eau pendant 10 minutes, qui recherchent du goût, de l'innovation et qui sont prêts à payer pour cette différence. » En dehors de la problématique du positionnement des marques, qui justifie ou non de s'adresser à la ménagère, se pose également la question du coût de cette cible. Chère la ménagère ? « Oui, par rapport à une cible ensemble de la population. Non, par rapport aux 15-34 ans sous-consommateurs de télévision ou encore au critère des catégories socio-professionnelles type CSP + », répond Pierre Couvry. Utiliser cette cible est encore, d'une certaine manière, une solution de facilité. C'est un peu la stratégie du "qui peut le plus peut le moins". Comme le note Olivier Goulet, directeur général adjoint d'OMD, « on utilise ce critère pour redresser sur les jeunes ». Compte tenu de la surconsommation de télévision qui est le fait des plus de 50 ans, on estime également qu'en s'adressant aux moins de 50 ans, voire au moins de 34 ans, on touche également par défaut ces plus de 50 ans. Un postulat de base qui n'est plus toujours vrai. « Compte tenu de la réduction publicitaire sur France Télévisions et des négociations durcies avec les régies, nous avons été amenés à nous concentrer sur TF1 et M6, raconte Marion Setiey, directrice générale adjointe de Cyclade, filiale commerciale de Carat. Et là, compte tenu de la volonté de TF1 de rajeunir ses programmes et du positionnement clairement moins de 50 ans de M6, les plans TV, dans ce cas de figure, ne sont plus du tout surpondérés sur les plus âgés comme auparavant. Nous devons plus faire attention à notre mix et, en dehors de France Télévisions pour qui c'est évident, valider que l'on touche bien la cible. » Autant d'éléments qui n'enterrent bien évidemment pas cette fameuse ménagère toujours génératrice de fortes recettes, mais qui n'en font plus l'unique vache à lait du petit écran. Comme le résume Olivier Goulet, « en tant que cible quasi unique, ultra dominante, on peut dire qu'elle a vécu. Ce n'est plus la norme mais une cible parmi les possibles »

 
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Léna Rose

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