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La TNT gratuite entre en scène

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On y est enfin ! Plus de deux ans après la date initialement prévue et après des mois d'incertitudes sur son contenu, la télévision numérique terrestre (TNT) est enfin une réalité dans le paysage audiovisuel français. Une réalité que le taux d'équipement des Français devra maintenant confirmer pour avoir une existence publicitaire.

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Ce mois de mars 2005 sera-t-il « le printemps de la télévision », comme l'annonçait le président du CSA, Dominique Baudis, lors de la première conférence de presse du groupement Télévision Numérique pour Tous en janvier dernier ? Depuis 1986, date de lancement de feu la cinquième, mais aussi de la sixième chaîne, le monde du petit écran n'avait, dans tous les cas, plus connu dans son histoire d'événement aussi important que l'arrivée de la télévision numérique terrestre. La TNT donnera, en effet, à partir du 31 mars prochain, aux deux tiers des foyers français qui ne recevaient que cinq chaînes la possibilité de zapper dorénavant parmi quatorze chaînes gratuites, privées (TF1, M6, Direct8, W9, NRJ 12, NT1 et TMC), et publiques (France 2, France 3, France 5, France 4, Arte et La chaîne parlementaire). “Votre TV numérique pour zéro centime/mois”, clame la campagne de publicité signée par Léo Burnett pour le lancement. Une perspective alléchante qui ne concerne toutefois, dans un premier temps, que 35 % du territoire national. Le calendrier de déploiement de la TNT prévoit de couvrir 50 % de la population en septembre prochain, 65 % à la fin du premier semestre 2006 et un total de 80 à 85 % en 2007. Une perspective qui implique également l'achat d'un adaptateur, nouveau marché pour lequel les marques spécialisées ont déjà commencé à batailler depuis plusieurs semaines. De l'Allemand Siemens, qui affirme viser 20 % du marché des démodulateurs TNT, à HP, en passant par Philips ou Neuf Telecom, les offres ont largement précédé celles des grilles de programmes. Tous ont en ligne de mire un marché que Siemens, par exemple, estime aux alentours de 500 000 unités vendues la première année ; “les prévisions pessimistes tablant sur 300 000 décodeurs vendus en 2005, les plus hautes envisageant le marché à 1,2 million d'unités vendues sur l'année” estime-t-on au département communication.

Carat tente un pronostic


Des estimations qui posent en fait la question de fond de l'équipement des foyers, nerf de la guerre de la TNT gratuite. « Révolution majeure du paysage télévisuel français qui démocratise l'offre », pour Marc Pallain, vice-président du directoire de NRJ, « nouveau mode de consommation de la télévision pour tous ceux qui ne souhaitent pas payer pour avoir plus de choix», pour Daniel Renard, directeur de la rédaction de Télé Satellite, quand et comment la TNT rencontrera-t-elle justement ce nouveau public et quel en sera l'impact sur la position des acteurs historiques ? Selon une étude réalisée par Carat TV et TVMI, « entre 35 % et 60 % des foyers français pourraient avoir accès à la TNT au bout de dix ans, indique Muriel Arnould, directrice générale de TVMI. Un développement qui proviendrait dans un premier temps du faible coût des décodeurs puis du dynamisme des équipementiers qui imposeraient rapidement le numérique comme un standard incontournable pour les téléviseurs moyenne et haute gamme.» Pour Carat, ce nouveau paysage proposant une offre de plus de quinze chaînes aura bien évidemment des répercussions sur l'audience des chaînes. “Les chaînes historiques pèseront entre 65 et 75 % dans l'audience TV contre 89 % aujourd'hui, estime l'étude. Elles resteront toutefois les leaders incontestés de l'audience et la part de TF1 devrait encore avoisiner les 25 % (ndlr : 31,8 % aujourd'hui)”. « Quand on regarde l'univers des foyers qui bénéficient de l'offre élargie du câble et du satellite, c'est déjà TF1qui résiste le mieux et FranceTélévision qui souffre le plus, note Emmanuel Charonnat, directeur de Carat TV. On devrait retrouver la même situation, hors le cas de France 4 qui est celle dans laquelle je crois le plus, et qui, par son positionnement axé sur le divertissement, devrait prendre de l'audience aux autres chaînes de service public. » Bien avant son démarrage, la TNT était déjà le pré carré du traditionnel duel TF1 - FranceTélévisions. « On peut nous reconnaître d'avoir été supporter dès le début de l'aventure, ce dont tout le monde ne peut pas se prévaloir », sourit Bruno Belliat, directeur de la communication et des études de FranceTélévisionsPublicité. « TF1 n'a jamais dit être contre le projet, juste qu'il était mal organisé, dit, de son côté, Myriam Simonneaux, en charge de la communication corporate de la chaîne de Patrick Le Lay. Les opérateurs ont dû faire leurs offres sans savoir quel serait le marché, l'état de la concurrence. Pour faire le parallèle avec une émission de TV, c'est un peu comme si le scénario d'une série s'écrivait en même temps qu'elle est diffusée à l'antenne. »

Montée en puissance des programmes


A partir du 31 mars, le terrain du combat de l'ensemble des acteurs de la TNT se déplacera sur le champ des programmes, un étape cruciale que tous n'ont pas abordée au même rythme. « On est globalement plutôt sur un modèle CabSat, sachant que la spécificité est là de savoir gérer sa montée en puissance, analyse Marie-Christine Crolard, directrice associée de la société NPA spécialisée dans l'étude des nouveaux paysages audiovisuels. Le problème est plus aigu pour les nouveaux entrants qui, dans une situation de montée en couverture progressive, doivent jongler avec des offres de programmes sans tout offrir dés le début. C'est une vraie stratégie de développement de marque. » Une stratégie qu'applique, par exemple, NRJ 12 du groupe NRJ, membre du club des nouveaux entrants dans l'offre gratuite de la TNT au même titre que Direct 8 du groupe Bolloré et NT1 du groupe AB. « La chaîne démarre comme une mini-généraliste axée sur les moins de 35 ans à qui elle propose des programmes centrés sur la musique, les séries et l'interactivité, explique Marc Pallain. A partir de la rentrée, nous modifierons la grille pour inté- grer des films, des magazines, pour être plus transgénérationnel. Nous procédons comme nous l'avons fait en radio avec NRJ dont la moitié de l'audience repose aujourd'hui sur les 25-50 ans. Déployer toute notre offre dès le début pour les 50 000 premiers décodeurs serait une aberration financière. » Pour les chaînes déjà diffusées en herzien, la donne est différente. France 5, par exemple, n'a pas hésité « à être parmi les premiers à ouvrir le bal des programmes de la TNT » expliquait, le mois dernier, Marc Tessier, président de France Télévisions. Le slogan “Avec la TNT, c'est encore plus France 5” résume bien l'évolution que le numérique terrestre a permis à la chaîne de vivre tout en renforçant ses points forts, c'est-à-dire les documentaires et magazines. Des programmes jusqu'au 31 mars uniquement diffusés du matin jusqu'à 19 heures et désormais visibles 24 heures sur 24. La chaîne de FranceTélévisions innove notamment en proposant trois programmes en trois heures à partir de 21 heures. « Pour nous régie, les positionnements de France 4 (ndlr : voir interview de Philippe Chazal p. 43) et France 5 sont extrêmement intéressants dans le sens où ils vont nous permettre d'élargir la palette de publics donc de cibles mises à la disposition des annonceurs, explique Bruno Belliat. France 4 enrichit notre offre en direction des plus jeunes. Pour ce qui concerne France 5, il était très frustrant de commercialiser une chaîne qui faisait une audience conséquente jusqu'à 19 h puis qui s'arrêtait au moment où un grand nombre de récepteurs s'allumaient dans les foyers. »

TNT gratuite sauf pour les annonceurs


Si la publicité n'est cependant pas le nerf de la guerre du service public, elle l'est en revanche, pour les chaînes privées qui ne bénéficient pas là d'autre système de ressource type abonnements. « Avec des chaînes dont les budgets de fonctionnement sont de l'ordre de 12 à 18 millions d'euros à faire couvrir par la publicité, il est clair que ce sont les groupes qui ont les reins solides qui s'en sortiront le mieux, car les annonceurs ne vont pas se bousculer au départ », note Daniel Renard. Du côté des chaînes, on est forcément plus optimiste à l'image de Marc Pallain, qui affirme que « les annonceurs ont besoin de plus d'espace, de sortir d'un contexte publicitaire trop étroit. Nous avons déjà bouclé un certain nombre de projets d'émissions qui pourront parfaitement être déclinées sous forme d'opérations spéciales. » Côté marché publicitaire, on est clairement dans la stratégie d'attendre pour voir. « Les annonceurs ont été un peu échaudés par l'évolution du câble et du satellite qui s'est soldée par des baisses de prix sensibles, constate Régine Tournier, directrice du département TV de MPG. Par ailleurs, quand les thématiques se sont lancées, nous avions eu des informations sur leur stratégie très en amont, ce qui n'est pas le cas là. Nous suivons les choses attentivement mais, publicitairement, il ne devrait pas se passer grand-chose avant un à deux ans ». 2007, date d'ouverture à la publicité de secteurs interdits, comme la distribution, profitera-t-elle aux chaînes gratuites de la TNT ? « Il y aura effectivement beaucoup d'encombrement publicitaire à ce moment-là, et donc une carte à jouer, estime Emmanuel Charonnat. Mais encore faudra-t-il qu'il y ait une couverture suffisante d'initialisés TNT. » Chez ceux qui se hasardent à faire des pronostics, ce sont France 4 et surtout TMC qui sont le plus souvent citées comme partant avec le plus d'atouts. La chaîne monégasque, récemment reprise par TF1 et M6, apparaît comme « une bonne chaîne de complément et celle qui aura le plus de couverture grâce à sa partie régionale », estime Emmanuel Charonnat. « TMC peut effectivement tirer son épingle de jeu comme RTL 9 l'a fait sur le câble et le satellite », ajoute Régine Tournier. Globalement, dans le scénario étudié par Carat TV et TVMI, les responsables de l'étude estiment que les chaînes de complément pourraient représenter entre 20 et 30 % des recettes publicitaires TV brutes d'ici dix ans contre moins de 10 % aujourd'hui. “Au total, c'est entre 1,9 milliard d'euros bruts et 2,8 milliards d'euros bruts qui pourraient être investis dans ces chaînes en 2014, soit plus que M6 aujourd'hui dans l'hypothèse basse et un peu moins que TF1 actuellement dans l'hypothèse haute.” Mais Carat d'ajouter que “l'on sera toujours loin de l'eldorado publicitaire et que la prime au leader devrait rester un facteur structurant du marché publicitaire TV de demain”. Comme le disait récemment, Daniel Saada, P-dg de ZenithOptimedia, « si la TNT est effectivement porteuse de fragmentations complexes qu'il nous faudra suivre de près, il faut raison garder par rapport aux révolutions qu'on nous promet. » D'autant plus “raison garder” que le paysage de l'offre est toujours en perpétuelle évolution. L'appel à candidatures ouvert par le CSA a réouvert la liste des prétendants à de nouvelles fréquences. Le groupe Lagardère, par exemple, qui avait fait les frais des annulations de l'an passé de Canal J et MCM, revient avec des projets de chaînes thématiques, jeunesse et musicale. Pour Christophe Sabot, président du groupe MCM et directeur général de Lagardère Active FM, iMCM, candidate à une fréquence sur la TNT gratuite, est la seule chaîne à avoir une véritable vocation musicale par rapport à W9 de M6 ou NRJ 12 qui se posent plus en généralistes. « MCM a été la première chaîne musicale en 1989, explique-t-il, mais en ne vivant que des redevances du câble et du satellite. Elle serait en danger de mort car vampirisée par d'autres chaînes qui n'ont pas les mêmes contraintes économiques.»

Beaucoup de questions restent en suspens


Le groupe souhaite également décliner son savoir-faire en matière de programmes pour enfants sur le numérique terrestre gratuit mais aussi payant. « Une étude récente de Médiamétrie confirme que le genre jeunesse est le troisième consommé par les abonnés câble et satellite et que les chaînes thématiques jeunesse sont le principal moteur d'abonnement auprès des familles avec enfants, explique Claude-Yves Robin, P-dg de CanalJ, Tiji et Filles TV . Dans ce contexte, il y a une vraie place pour Canal J sur la TNT payante en tant que produit d'appel, comme il y a une vraie place pour une nouvelle chaîne jeunesse gratuite. » Cette dernière se veut totalement différente de l'offre de Canal J. « Après avoir fait le Canal + des enfants, nous voudrions faire là le TF1 des enfants », déclare Claude-Yves Robin. En attendant le lancement de la TNT payante, seconde étape sur laquelle les spécialistes restent toujours très réservés, la TNT gratuite laisse encore, de son côté, beaucoup de questions en suspens pour une grande partie des acteurs de ce nouveau marché. « Les seuls qui, pour l'instant, peuvent parier sur un modèle économique viable sont les antennistes, les constructeurs de matériel TV qui proposeront, d'ici peu, des terminaux intégrés aux téléviseurs et les diffuseurs de programmes qui bénéficieront d'un champ de diffusion plus large », estime Daniel Renard. « Au regard de l'équipement des foyers, Noël 2005 pourrait être le Noël de la TNT gratuite», résume Emmanuel Charonnat.

Six Français sur dix connaissent la TNT


Avant le lancement officiel de la télévision numérique terrestre, le 31 mars prochain, six Français sur dix âgés de 18 ans et plus (59,4 % des 18 ans et plus ) connaissaient déjà cette nouvelle forme de télévision (Etude Médiamétrie réalisée par téléphone du 3 au 23 janvier 2005, auprès de 3 540 chefs de famille et maîtresses de maison âgés de 18 ans et plus équipés TV). « Ce fort taux de notoriété est plus important chez les hommes (67,4 %) que chez les femmes (52,6 %), précise Laurence David, directrice des études au département TV de Médiamétrie. De plus il s'accroît avec l'âge (51,5 % pour les moins de 34 ans, 55,8 % pour les 35-49 ans, 63,3 % pour les 50-64 ans et 65,4 % pour les plus de 65 ans). » Si la TNT obtient également un taux de notoriété élevé auprès des personnes vivant dans un foyer dont le chef de famille est CSP + (65 %), on constate, en revanche, que les écarts de notoriété sont peu importants entre l'Ile-de-France (61,6 %) et la Province (58,9 %).

Un casse-tête pour la presse TV


« Je crains fort que nous n'ayons pas grand chose pour remplir nos grilles dès le 31 mars. Nous attendrons que les programmes aient plus de contenu et les chaînes de l'audience, mais nous ne pouvons difficilement ne pas donner les programmes. » Gilles de Prévaux, directeur de la rédaction de Télé Loisirs, qui s'exprimait début février dernier dans une émission que la Chaîne Parlementaire consacrait à la TNT, résumait le flou dans lequel étaient également les autres responsables de magazines TV présents sur le plateau. « Avec le câble et le satellite, on a payé pour savoir que l'arrivée de nouvelles chaînes n'était pas simple à gérer pour nos magazines, constate aujourd'hui Jean-François Moruzzi, directeur des rédactions de Télé Star et Télé Poche. Il y a une attente de nos lecteurs, mais on restera très mesuré au départ pour éviter les déceptions.» Parmi les différents écueils auxquels se heurte cette famille de presse figure la transmission des programmes qui semble partie pour se faire dans un délai de quatorze jours au lieu des dix-neuf jours fixés par la convention du SPMI pour l'ensemble des autres chaînes. Un délai jugé trop court par les magazines.

Une mesure d'audience très attendue


Pour les chaînes comme pour le marché publicitaire, point de salut sans la sacro-sainte mesure d'audience. Comment adapter cette règle plurimédia à la TNT gratuite dont le moins que l'on puisse dire est que l'offre est loin d'être définitivement calée ? « Techniquement, on est prêt. Il s'agit maintenant de continuer à faire avancer les discussions avec l'ensemble des acteurs du marché afin de savoir quels sont leurs besoins en termes de résultats de mesure, indique Laurence David, directrice des études au département TV de Médiamétrie. Parallèlement à cela, nous continuons de mener des études sur l'évolution de la notoriété de la TNT, sur le taux d'équipement et les profils des foyers qui vont s'équiper. » Ainsi, selon une décision du comité Audimétrie, au fur et à mesure de l'équipement spontané en adaptateurs TNT des foyers équipés du Médiamat, leur audience via ce mode de réception sera prise en compte. Pour ce qui concerne les herziennes diffusées nationalement en analogique, l'audience numérique sera agrégée à l'audience analogique tandis que celle des autres chaînes de la TNT sera agrégée à l'audience de la catégorie “autres télévisions” qui couvre les télévisions locales, régionales, thématiques, étrangères et les services interactifs. Pour ce qui concerne le Mediacabsat, la TNT n'y sera pas incluse. Les nouvelles chaînes de la TNT seront mesurées individuellement pour leur audience câble et satellite uniquement et leurs résultats communiqués dans la mesure où elles souscrivent aux résultats du panel.

 
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Danielle Rapoport

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