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La gratuité fait recette

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L'histoire l'a montré à maintes reprises. Si toutes les révolutions ne portent pas les fruits attendus, celles qui ont touché la télévision comme la presse semblent sur le bon chemin. Dans un contexte général de remise en cause de la notion de prix, certains médias ont fait le choix de la gratuité.

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L'Episode 2 sera-t-il à la hauteur de l'Episode 1 ? Une chose est sûre, la suite des aventures de la TNT est attendue de pied ferme dans l'univers des médias. A la rentrée, ce ne seront plus 35 % mais 50 % du territoire national qui pourra recevoir les chaînes gratuites de la télévision numérique terrestre. Des chaînes dont le nombre sera porté à 18, contre 14 actuellement, avec les arrivées de la chaîne jeunesse des groupes Lagardère et France Télévisions, toujours connue sous son nom de code Gulliver, de la chaîne musicale Europe 2 de Lagardère et des deux chaînes dédiées à l'information en continu, la généraliste iTélé du groupe Canal + et l'économique BFM de Nextradio. Un certain nombre d'indicateurs permettent d'envisager l'avenir avec confiance. Les prévisions de ventes d'adaptateurs devraient atteindre voire dépasser les estimations. En juin, si, par semaine, quelque 10 000 adaptateurs ont été vendus, 435 000 appareils avaient été vendus avant l'été. « Cela ne veut pas dire 435 000 foyers, mais c'est un bon score, analyse Emmanuel Charonnat, directeur de Carat TV. Sans savoir quelles seraient les nouvelles chaînes gratuites, nous avions fait des estimations larges allant de 350 000 à 950 000 adaptateurs fin 2005. Avec l'arrivée des quatre nouvelles chaînes, de la communication qui suivra, on devrait approcher le million d'appareils installés à la fin de l'année. » D'après une étude réalisée par Carat, le premier critère de satisfaction des foyers équipés est technologique, « la qualité de l'image et du son sur les herziennes nationales, car ce sont d'abord celles-là qu'ils continuent à regarder majoritairement », note Emmanuel Charonnat. D'après ce dernier, France 5 et Arte sont les principales bénéficiaires de cette amélioration technologique. « Côté programmes, il y a tout de même eu un effet déceptif. Et, si France 4 ressort bien, en revanche Direct 8 est plus segmentante, ce qui est normal car il s'agit d'un nouveau ton, moins consensuel que NT1 ou TMC, par exemple », ajoute-t-il. Les états-majors des chaînes, et notamment ceux de NRJ 12 et W9, se sont déjà livrés à une guerre des communiqués. En s'appuyant sur les résultats d'une étude Ifop, réalisée entre le 8 et le 20 juin derniers auprès de 495 foyers équipés d'un adaptateur TNT, NRJ Group annonçait ainsi que NRJ 12 est la chaîne la plus fréquemment regardée par les 15 ans et plus. 36 % d'entre eux la visionnent en effet plus de trois fois par semaine, dont 50,5 % de téléspectateurs réguliers parmi les 15-34 ans, son cœur de cible. S'appuyant sur la même base, le groupe M6 déclarait que W9 était plébiscitée chez les 15-34 ans, ces jeunes adultes étant 71,5 % à suivre ses programmes chaque semaine et représentant à eux seuls 62 % des téléspectateurs. « La différence entre les deux réside dans le fait que nous avons retenu comme critère celui de l'Ifop, à savoir les téléspectateurs réguliers, alors que W9 a pris en compte les occasionnels », précise François Dufresne, directeur délégué au marketing de NRJ Group. Dans le public étudié par l'institut d'études, 38 % étaient déjà abonnés à une offre élargie payante - soit Canal +, CanalSat, Noos, TPS -, 26 % aux trois derniers opérateurs hors Canal+. Parmi les 14 chaînes gratuites déjà disponibles avant la rentrée, seules Direct 8 du groupe Bolloré et NRJ 12 étaient absentes du Cabsat. Les 15 millions de téléspectateurs qui ont déjà accès à cette offre élargie ont convaincu NRJ 12 de passer outre les controverses financières avec les opérateurs pour arriver sur TPS, CanalSat et Noos à la rentrée.

Un maximum de couverture pour les nouvelles gratuites

Un passage jugé inéluctable par les nouveaux arrivants. « Nous démarrerons vers le 15 octobre avec la couverture maximale autorisée, TNT mais aussi Cabsat, ADSL, en attendant demain la téléphonie, confirme Christophe Sabot, président de MCM SA et directeur de la future Europe 2 TV. Nous n'avons pas le choix, nous arrivons sur un marché sauvage, extrêmement dur qui demande de trouver son public tout de suite. » Un public différent des 15 - 25 ans de MCM, chaîne dont la nouvelle musicale gratuite a choisi de se démarquer en abandonnant son nom initialement prévu de I-MCM. « Via la radio, la marque Europe 2 a toujours évolué dans le monde du gratuit et acquis une très forte notoriété dans l'univers de la musique », explique Christophe Sabot. Et ce dernier de préciser le positionnement d'Europe 2 TV:« Une chaîne résolument 15 - 34 ans, consacrée à toutes les musiques, non pas une chaîne qui ne diffuse que des clips avec des SMS déroulants dessous, pas plus qu'une mini généraliste, mais une chaîne qui répond à notre obligation contractuelle de fournir 75 % de musique. » Désireux de proposer un produit structuré et complet, le groupe Lagardère a prévu de débourser 55 ME les cinq premières années, soit le double de MCM pour une programmation « qui sera hypermarketée, résolument jeune et éminemment technologique », dixit Christophe Sabot qui ajoute vouloir « une écriture télévisuelle extrêmement ciblée sur un seul et même téléspectateur sans lorgner sur ce que l'on pourrait prendre aux autres ». Le groupe continuera également de faire l'actualité avec le lancement, début novembre, de Gulliver. Fruit d'un partenariat conclu avec France Télévisions qui en détient 34 % du capital, la chaîne sera la première et seule gratuite de la TNT dédiée aux 6-14 ans. Le positionnement est là encore différent de celui des thématiques jeunesse du groupe Lagardère, Tiji, Canal J, Filles TV, qui sont axées sur le seul divertissement. « Gulliver veut apprendre aux enfants à grandir en s'amusant, mais également en se mobilisant autour d'une dimension citoyenne et en instaurant un dialogue entre parents et enfants », explique Claude-Yves Robin, P-dg de Canal J, Tiji et Filles TV. Avec ses trois chaînes, le groupe a déjà largement fait ses preuves sur le CabSat où il s'octroie 12,5 % de parts d'audience sur les 4 - 14 ans et pèse 35 % de parts de marché parmi les thématiques jeunesse, selon la dernière vague Mediacabsat de Médiamétrie. « La proportion à consommer des programmes jeunesse est de 2,3 % dans les foyers herziens et monte à 14,8 % dans les foyers équipés d'une offre de complément, note Claude-Yves Robin. Gulliver est certes une aventure risquée mais, en même temps, qui se lance sur un boulevard. Il suffit juste de ne pas manquer le feu rouge. » Aventure risquée est un terme qui raisonne clairement aux oreilles des responsables de TMC. En se lançant sur les canaux de la TNT le 31 mars dernier, la chaîne monégasque a dû totalement revoir son modèle économique. Un exercice auquel est confrontée aujourd'hui iTélé qui se hissera sur la TNT gratuite dans quelques semaines. Avant cette date, TMC était disponible en France sur le câble, le satellite et en hertzien analogique sur la région PACA. « Notre modèle économique reposait à 70 % sur les recettes du câble et du satellite et à 30 % sur la publicité, rappelle Maylis Carçabal, directrice du marketing et de la communication. Nous profitons toujours de cette diffusion élargie mais plus de façon rémunérée, car nous bénéficions du must carry en devenant chaîne gratuite de la TNT. Les 70 % ont brutalement été ramenés à 0. » Pour tenir compte de cette nouvelle donne, 2005, année de transition, a déjà donné lieu au rachat des parts de Pathé par AB et TF1 et par la création de la régie intégrée TMC Régie, également en charge de la commercialisation de l'autre gratuite, NT1. « C'est vrai que la TNT nous coûte cher, sourit Béatrice Isal, Dga de TMC et directrice de TMC Régie. Mais la situation est différente entre TMC, où nous sommes en développement de parts de marché, et NT1 où il s'agit de référencer les annonceurs. » Après les premiers mois de commercialisation de la TNT, marqués par des remises et échanges en tout genre, Béatrice Isal constate depuis mai « une vraie inversion de tendances due à une meilleure visibilité des chaînes sur leur marché, un peu comme les premières années d'Internet. Sur NT1, on commence à contracter des accords annuels de grands comptes. » Selon le bilan dressé par l'institut Yacast sur les investissements publicitaires dont ont bénéficié les cinq nouvelles gratuites que sont France 4, NRJ 12, NT1,W9 et TMC sur les deux premiers mois de commercialisation, les recettes ont progressé de 9,2 % entre avril et mai (3 075 860 E bruts) et le nombre de spots de 13,3 % (13 592). Le budget moyen par spot s'établissait ainsi à 226 E, sous la moyenne des chaines Cabsat historiques (411 E). La toilette-beauté (577 000 E) et l'alimentation (350 000 E) étaient les secteurs prédominants, devant les transports (271 000 E). Un zoom sur les chaînes met en lumière la meilleure progression en recettes de TMC (+ 26,5 %) et NRJ 12 (+ 13,7 %) tout comme en nombre de spots (respectivement + 29,7 % et + 25,5 %). C'est toutefois la chaîne publique France 4 qui a diffusé le plus de spots de pub avec 3 405 messages contre 3 398 pour TMC, 3 303 pour W9 et 3 228 pour NRJ 12 et seulement 258 sur NT1 du groupe AB. « Les annonceurs regardent avec beaucoup d'attention l'évolution du paysage audiovisuel, même si la situation de la TNT stricto sensu, développée dans moins de 500 000 foyers sans audience encore mesurée, ne justifie pas un réel engouement, indique Régine Tournier, directrice du département TV de MPG. Mais il y a un vrai potentiel et il ne faut pas qu'il soit gâché par un mauvais contenu. »

Peaufiner la programmation

Le marché garde, en effet, un œil attentif sur les grilles de rentrée des chaînes déjà existantes. NRJ 12 promet ainsi davantage de programmes frais en septembre, « sachant que nous avions déjà commencé à instiller plus de contenu, plus de relief en mai-juin », dit François Dufresne. Du côté de TMC, Maylis Carçabal estime que la chaîne tire déjà les bénéfices des changements intervenus depuis deux ans. « Cela nous a permis de gagner en image, en notoriété et en audience. Nous allons continuer à capitaliser sur le côté glamour, prestige et douceur de vivre de nos origines monégasques et méditerranéennes en le renforçant à la rentrée par des partenariats à l'image de celui réalisé avec le Festival de la fiction de St-Tropez. » TMC communiquera également pour la première fois en presse et radio d'octobre à décembre et élargira sa diffusion au bouquet TPS. « Les chaînes qui marchent sont celles qui ont fait le choix de démarrer fort et qui ont investi dans les contenus, estime Philippe Chazal, président de France 4. Plus du tiers de notre programmation sont des productions nouvelles. Il faut cela si on veut construire son image. » Et ce dernier d'ajouter : « J'ai le sentiment que France 4 a été la chaîne moteur dans le succès qu'a rencontré dès le départ la TNT. » Selon une étude quali réalisée par H2O pour le compte de la chaîne de service public auprès de trois groupes de téléspectateurs, l'un strictement TNT et deux groupes de Paris et région déjà équipés d'une offre complémentaire, et des éléments quanti fournis par Médiamétrie, France 4 a bien avancé dans son objectif de repositionnement destiné à mieux correspondre aux attentes des trentenaires et quadras. « Si l'audience est bien évidemment à construire, le repositionnement du public par rapport à celui de l'ex-chaîne Festival a bien eu lieu, confirme Philippe Chazal. Les moins de 50 ans sont sous-représentés alors qu'ils étaient surreprésentés dans l'audience de Festival. » En termes de programmes, ces deux études montrent qu'il existe un écart très important entre les émissions-phares, type Taratata, Plus près des étoiles, Soyons Sport ou les directs musicaux animés par Ray Cokes et une autre partie de la grille comme les téléfilms ou le cinéma. D'où la décision de la chaîne de renforcer la partie cinéma à la rentrée avec deux nouveaux films par semaine et le lancement d'un magazine mensuel consacré au grand écran. Au chapitre nouveautés, France 4 annonce l'arrivée d'une émission musicale au concept inédit et d'une soirée théâtrale en direct chaque semaine. « Si certaines chaînes ont été jugées déceptives, il faut savoir que c'est un phénomène plus parisien que régional, déclare Christophe Sabot chez Europe 2 TV. La TNT est quelque chose qui démarre et qui va durer. » Et Claude-Yves Robin, qui planche déjà sur le lancement de Canal J sur la TNT payante, de conclure : « Dans un univers économique où chacun cherche de nouvelles sources de développement, on a la chance d'avoir de réelles perspectives. Il s'agira de savoir bien maîtriser la diversité des supports, en évitant la cannibalisation, mais c'est vraiment un problème de riche. »

 
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Léna Rose

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