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Evénements anniversaires: l'âge des possibles

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Idéales pour justifier des opérations événementielles, les dates anniversaires peuvent aussi être porteuses de sens dans la communication des marques et des entreprises.

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Albane Tresse (APM)

«Vingt ans, c'est l'âge où l'on peut faire un premier bilan. L'occasion pour nous de capitaliser sur notre histoire de manière prospective.»

Rachat d'entreprise, lancement de produit, nouvelle marque, événement interne... Beaucoup d'événements peuvent faire l'objet d'une fête anniversaire. Les agences de communication événementielle ne s'y trompent d'ailleurs pas, elles qui ont fait des dates anniversaires l'un des principaux leviers dans la formalisation de leurs opérations. «Un anniversaire, ça peut être une formidable chambre d'écho pour faire passer un discours commercial. La SNCF Va parfaitement compris en fêtant les vingt ans du TGV», note Bruno Belletier, coprésident de Wake-Up Events.

Seulement voilà, lorsque l'argument ne dépasse pas le formel, l'indigence n'est jamais bien loin. On ne compte plus les marques, les entreprises, les institutions gagnées par la fièvre commémorative et qui décident de souffler leur cinquième, dixième, douzième ou énième anniversaire pour finalement ne rien dire. Faire la fête ne fait jamais de mal, objectera-t-on. Pas si sûr...

D'abord, la communication événementielle coûte cher. «Logique de rationalisation des coûts oblige, anniversaire ou pas, la question qui se pose est celle-ci: Quels sont les éléments qui peuvent justifier que l'on fasse un événement ou pas», soutient Bruno Chatelier, président de DDB Live (ex-Carré Bleu Marine).

... A cette occasion, l'enseigne spécialisée dans le travail temporaire évoquait son nouveau slogan: «Tout un avenir à construire ensemble».

... A cette occasion, l'enseigne spécialisée dans le travail temporaire évoquait son nouveau slogan: «Tout un avenir à construire ensemble».

Ecarter un télescopage

La puissance d'un événement anniversaire reste inféodée à l'environnement contextuel de l'entreprise. Difficile de manifester sa liesse dans un climat économique, capitalistique ou social délétère. Un anniversaire, c'est une fête. Si les esprits ne sont pas en mesure de la faire, mieux vaut s'abstenir et écarter un télescopage psychologique qui pourrait s'avérer fatal en termes d'image et d'appropriation du message.

La prudence vaut également de manière plus prospective. Rachat, fusion, crise de marque... le risque n'est pas nul de se trouver le jour J face à une situation radicalement perturbée et incompatible avec le message prévu. «Plus on va préparer l'anniversaire en amont, plus on échafaudera de scénarios afin de limiter les risques. Et, par la force des choses, on aura tendance à faire davantage dans le soft», commente Bruno Chatelier. Si les aléas conjoncturels ne prêchent pas pour une préparation très en amont des événements, on peut volontiers admettre qu'un anniversaire s'anticipe. Il aura fallu deux ans à l'horloger Jaeger-LeCoultre pour préparer les soixante-quinze ans de la Reverso (voir encadré p. 38). Deux années, le temps nécessaire aux cadrages des événements, mais aussi et surtout au développement du nouveau modèle de la ligne destiné à être lancé lors des festivités.

S'il est censé sceller un état de fait, un actif, l'anniversaire reste un prétexte à un acte de relance, de réorientation, de mobilisation. C'est une profession de foi énoncée vers l'avenir. D'où ce débordement de slogans contrastés conjuguant bilan et devenir. Pourquoi pas? «Il y a des réussites qui valent que l'on fête un anniversaire. Tout est une question de discernement. Il est des dates anniversaires qui ont du sens et d'autres pas», résume Xavier Michalon, coprésident de Wake-Up Events.

Créée il y a tout juste un an, l'agence travaille d'ores et déjà pour un certain nombre de grands comptes. Et, d'évidence, la référence «anniversaire» revient comme un leitmotiv dans les sollicitations et les briefs clients. Rien de plus normal remarquent les fondateurs, tous deux anciens responsables des événements chez l'annonceur (SFR et La Seita). Donner du sens à l'artifice, tel est l'enjeu des événements anniversaires. Une marque reste un organisme vivant, régi par des cycles, des séquences, animée de composants psychologiques et affectifs. Et il est avéré que les anniversaires les plus importants sont ceux qui actent un bilan, un virage, un nouveau départ. Les dates «rondes» (dix, vingt, cinquante, cent ans... ) , par leur portée symbolique, restent des occasions privilégiées.

Pour autant, il n'est pas a priori exclu de fêter ses trois, ses douze ou ses dix-sept ans. Hub Télécom, filiale d'Aéroports de Paris, n'a pas hésité à souffler sa première bougie. Pour fêter quoi? Rien de moins qu'un défi qui a été relevé avec brio. En l'espace d'une année, l'entreprise a non seulement réussi une prouesse technologique (gérer l'ensemble des télécommunications des sites d'ADP), mais a aussi vu ses effectifs gonfler à près de deux cents salariés. «Il fallait marquer te coup, ne serait-ce qu'au terme a une première année, et même d'autant plus parce qu'il ne s'agissait que d'une petite année», commente Xavier Michalon.

Bruno Belletier (Wake-Up Events):

«Un anniversaire, ça peut être une formidable chambre d'écho pour faire passer un discours commercial.»

Une promesse derrière chaque anniversaire

Mais lorsqu'une entreprise fête sa première année de création, puis sa seconde, elle prend forcément un risque: que faire à l'occasion de ses trois ans d'existence? Si on marque le coup, encore faut-il avoir quelque chose à raconter. Si on décide de passer outre, on laisse le champ libre aux interrogations, à la suspicion, voire à la rumeur. Alors pour éviter ce piège, il reste la possibilité d'intégrer l'événement anniversaire dans un cycle événementiel régulier. Cette option a été retenue par l'APM (Association progrès du management). Cette dernière a inscrit la célébration de ses vingt ans, en octobre 2007, dans le fil programmé de ses conventions bisannuelles.

Derrière un anniversaire, il existe une promesse. Et, de fait, les salariés, les partenaires, les clients d'une entreprise, voire les consommateurs, sont de plus en plus demandeurs de moments susceptibles d'incarner l'entreprise. A cet égard, les enjeux ne sont pas les mêmes si l'on fête ses cinq ans ou ses cent ans. «Dans un cas, on est dans le clin d'oeil pionnier, dans l'autre on crée nécessairement une énorme attente», résume Bruno Chatelier (DDB Live).

En mai dernier, Manpower fêtait ses cinquante ans. Mais pour l'enseigne spécialisée dans le travail temporaire, il s'agissait surtout d'acter l'arrivée d'une nouvelle présidente, Françoise Gri, investie depuis seulement trois mois. Changement de direction, souci d'imprimer des axes stratégiques inédits. Slogan choisi: «Tout un avenir à construire ensemble». L'incantation valait bien une grand-messe prestigieuse, confiée à DDB Live: 4 000 personnes réunies à Paris, au Grand Palais. Et si, en 2007, Manpower avait eu quarante-huit ans d'existence? «D'évidence, nous aurions renoncé aux bougies et opté pour une convention, quitte à organiser une convention exceptionnelle. Dès lors, on aurait renforcé les aspects de contenu et l'expression du projet d'entreprise», explique Bruno Chatelier.

L'anniversaire, c'est, en tous les cas, toujours une accroche, une ponctuation permettant d'introduire un discours sur la marque. Mais où placer le curseur pour décider s'il faut simplement mentionner l'anniversaire, s'il faut en faire un fil rouge du message, ou s'il faut carrément l'inscrire au coeur de l'événement? L'année 2007, marque pour Isover, leader mondial de l'isolation, ses soixante-dix ans d'existence. L'occasion pour la marque d'officialiser un positionnement très ancré dans les préoccupations environnementalistes du moment. Production d'un film institutionnel, campagne de relations presse et publiques, invitation d'un millier de personnes sur le Tour de France cycliste, relais et supports en interne... Une première pour une marque peu habituée à verser dans la débauche communicante. Le tout scellé par une signature: «Ensemble, gagnons la course à l'efficacité énergétique». Et les soixante-dix ans de la marque? «Ce n'est pas parce que l'anniversaire est un pur prétexte, ce qui est le cas pour Isover, qu'il faut en faire un tabou. En revanche, nous sommes restés très discrets sur ce point, le mentionnant davantage comme un élément factuel connexe que comme une pièce centrale du dispositif», souligne Eric Newton, directeur associé du Public Système. Marquer le coup, d'une manière totalement inédite, ça peut être également le moyen de réaliser la portée de l'événementiel en termes de visibilité, de notoriété, de reconnaissance. En jouant le grand jeu autour des soixante-quinze ans de la montre Reverso, son modèle phare (encadré ci-contre), le joaillier Jaeger-LeCoultre a pris «goût à la chose». «Il est probable que nous développions davantage l'approche événementielle. Graduellement, avec nos moyens», remarque Yves Meylan, directeur France.

Pour l'APM (Association progrès du management), l'anniversaire, en l'occurrence celui des vingt ans, fut l'occasion non seulement de «marquer le coup», mais également d'installer le premier acte de communication réellement fédérateur. L'association, qui rassemble 4 000 chefs d'entreprise autour de clubs d'échanges et de réflexion, avait, jusqu'alors, toujours privilégié la discrétion. Jusqu'à en éveiller quelques inter rogations. «On avait parfois fini par nous assimiler à une organisation secrète», remarque Albane Tresse, directrice du pôle marketing événementiel. L'APM regroupe aujourd'hui 200 clubs et connaît une croissance volume trique annuelle de l'ordre de 8 %. Même en interne, il devenait nécessaire de poser un discours identitaire. «Vingt ans d'existence, c'est l'âge où l'on peut faire un premier bilan, remarque Albane Tresse. Pour nous, c'était l'occasion de développer un sentiment d'appartenance à un réseau et de capitaliser sur notre histoire de manière prospective, en se posant une belle question: «Que ferons-nous de ces vingt ans?»»

L'anniversaire, expression d'une stratégie globale

«Les anniversaires font écho à l'évolution générale de l'événementiel, explique Bruno Chatelier, président de DDB Live (ex-Carré Bleu Marine). Les entreprises et les marques ont compris qu'il fallait privilégier l'appropriation au teasing et s'inscrire dans un système de communication, où il y a un avant, un pendant, un après.» Où, d'autre part, les dimensions interne et externe se trouvent volontiers intriquées.
Cette logique systémique implique que l'on prenne en compte la réalité des cycles qui sous-tendent toute entreprise. L'intelligence absolue voudrait que l'on intègre les événements anniversaires dans une programmatique prospective en évitant les ruptures de rythme, même sur le long terme. Une marque serait ainsi mieux inspirée de fêter ses cinq, dix, quinze et vingt ans que d'égrainer des événements pour des trois, sept, treize et quinze ans. Certes, le public a la mémoire courte et donc peu de chance de se trouver heurté par une arythmie dans la gestion des dates anniversaires. Il n'empêche: le respect d'une certaine cohérence restera un indicateur positif quant à la capacité de la marque d'asseoir une logique structurante de communication globale et de se construire une identité.

Reverso, 75 ans au cadran

Imaginée en Inde dès les années vingt pour permettre aux joueurs de polo britanniques de prendre des gamelles sans esquinter leur élégant accessoire, la montre Reverso voit le jour en 1931. Le brevet est celui d'un cadran coulissant dans son support et se retournant sur lui-même.
Reverso, c'est un peu une marque dans la marque Jaeger-LeCoultre. Ligne cultissime, la montre représente 50% des ventes de l'horloger en volume. Pour souffler les 75 bougies de la ligne, le siège suisse opte pour un retour aux sources, en organisant un prestigieux tournoi de polo à New Delhi, en présence du meilleur joueur mondial, d'un maharaja, d'un chef des armées, d'une paire d'éléphants et de quelque 80 journalistes venus du monde entier.
Outre quelques raouts orchestrés à New York, à Tokyo et en Argentine, l'entreprise organisait également, le 29 juin 2006, une fête très hype dans les jardins du musée Rodin à Paris: 1 500 personnes, dont de nombreux clients, des artisans relais de la marque et - première pour la marque - un gratin de people, dont une bonne partie arborait sa Reverso. Un événement organisé par l'agence Lever de Rideau, relayé par Ketchum pour les RP et géré par Laurent Guyot & Co pour le volet jet-set.
«Peu d'objets peuvent se prévaloir d'avoir traversé trois quarts de siècle sans bouger, lance Yves Meylan, directeur de Jaeger-LeCoultre France. Il s'agit sans doute du plus important événement jamais mis en oeuvre chez Jaeger Mais notre objectif, en fêtant dignement les soixante-quinze ans de Reverso, était d'abord de se projeter dans l'avenir». Pour l'horloger, toutes ces manifestations étaient en effet l'occasion d'annoncer le lancement de la Squadra, la première Reverso carrée, avec laquelle l'entreprise, filiale du groupe Richemont depuis 2001, veut rapidement réaliser 10% de ses ventes.

 
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MURIEL JAOUEN

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