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Commerce connecté: la révolution silencieuse

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Le commerce connecté passionne, à défaut de s'imposer dans les usages. Il ne s'agit pas du big bang annoncé mais d'une évolution naturelle et inéluctable. Entre l'expérimentation technologique et la réalité du terrain, un fossé demeure.

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Casino mise sur la technologie sans contact (NFC) avec son «mur papier».

Casino mise sur la technologie sans contact (NFC) avec son «mur papier».

Les consommateurs sont prêts au changement. Ils sont prêts pour le commerce connecté, ou digital retail... Ils apprécient l'innovation, le gain de temps et le confort qui lui sont associés. Florence Hermelin, directrice générale adjointe de Reload-Vivaki (Digitas) qui a créé le premier baromètre du Digital Retail, le confirme: « Il y a très peu de technophobie de la part des consommateurs. Au contraire, même! Ils ont des attentes très fortes vis-à-vis du digital dans le cadre de leurs achats. Ils ont bien compris les avantages que cela leur apporte et le rééquilibrage de la relation marchande qui en découle. Bien sûr, l'équipement n est pas encore massif. Une fois les consommateurs équipés, le temps d'apprentissage est très court et les façons d'acheter vont changer. » Depuis deux ans, on voit fleurir çà et là des expérimentations dans le commerce. Murs digitaux chez Adidas ou Citroën, Tweet Mirror chez Morgan ou, très récemment, vente assistée par tablette chez Princesse Tam Tam ou chez But. Au-delà de l'effet «waouh!» (qui relève d'une stratégie de communication et non d'une stratégie business), ces expérimentations se déploient de manière homéopathique.

Mais 2013 sera l'année du déploiement pour les enseignes. Deux exemples font l'actualité cet automne. But Otouch, d'abord, constitue l'exemple le plus abouti en France, car il concerne l'ensemble du réseau de la troisième enseigne de meubles. 207 magasins sont désormais équipés en tablettes et bornes interactives (voir encadré). Le groupe Casino, ensuite, vient de révéler sa stratégie via la Near Field Communication (NFC). Les produits en rayon sont ainsi «scannables» à partir de son mobile. Le panier se remplit virtuellement et le paiement sans contact s'effectuera en approchant son téléphone de la borne en caisse. La démonstration fonctionne aussi à partir d'une affiche (QR code) ou d'un digital wall. Une technologie embarquée qui devrait concerner 50 % des smartphones en 2015, d'après Forrester. Thierry Aouizerate, le directeur marketing de Casino confirme: « Je ne suis pas prévisionniste! Si les prétests d'octobre à Paris et Lyon ne sont pas concluants, nous abandonnerons l'idée d'un déploiement. » Néanmoins, le groupe croit à l'omnicanal via ses murs digitaux dans les zones de flux (comme Tesco en Corée) et sur tous les produits en rayon. L'un de ses claims, «J'y pense donc j'achète», résume assez bien l'état d'esprit du monde du commerce aujourd'hui.

Un smartshopper dans la poche

«Le point de rupture date de 2011 et concerne l'usage du mobile partout et surtout en point de vente confirme Vincent Druguet, directeur adjoint de Digitas. Jusqu'alors, le digital n'était pas vraiment envisagé comme stratégique dans le retail. Mais les états-majors sont poussés par leurs clients. Ceux-ci sont 75 % à utiliser leur smartphone en rayon, 44 % se connectent et 12 % partagent ce qu'ils voient sur un réseau social. »

Le nombre d'utilisateurs de l'Internet mobile devrait dépasser celui de l'Internet fixe en 2013 (selon Médiamétrie). Ainsi, plus de 4 millions de Français commanderaient déjà depuis leur mobile et le m-commerce mondial devrait quadrupler cette année (selon GfK).

Le produit devient aussi communicant, via les QR codes, et 24 % des clients en ont déjà scanné en magasin (voir dossier «Le sésame d'un nouveau marketing en point de vente»). Et si on scanne le produit, on l'achète souvent... Youmna Ovazza, directrice digitale du groupe Altavia (spécialisé dans l'activation commerciale) pondère cependant l'engouement en affirmant que « le digital en point de vente n'a de sens que lorsqu'il est utile. On fait toujours et encore de la pédagogie, car la courbe de métamorphose du commerce physique n'a pas suivi celle de l'e-commerce. Le client veut le même marketing de précision en point de vente que celui qu'il voit sur la Toile ». Et si ça ne fonctionne pas sur le champ, il s'impatiente, s'en va (souvent) et ne reviendra pas (toujours). Il laisse trois secondes de temps de réactivité (étude Mobilosoft sur les sites mobiles des distributeurs).

Mais pas de panique non plus, le taux de conversion est toujours dix fois supérieur en magasin au Net... Et 13 % des sites d'ecommerce souhaiteraient ouvrir un magasin physique cette année (source: Improveeze). L'ère du u-commerce est ouverte... «U pour ubiquitaire», entendait-on l'hiver dernier, lors de la dernière édition de la NRF à New York.

Une expérience globale

«Dans les faits, les domaines avancés dans l'e-commerce, comme le prêt-à-porter ou les biens culturels, se sont remis en question assez tôt. Ainsi, les marques-enseignes (NDLR: Princesse Tam Tam avec Shop'lib, Morgan avec tweet Mirors, But avec Otouch, etc.), les centres commerciaux (Carré Sénart à Angers ou le futur Beaugrenelle à Paris) et les grands magasins constituent le vivier le plus intéressant », explique Vincent Dugruet.

Des marques-enseignes comme Decathlon ou Darty ont intégré le top 15 (en nombre de VU) de la Fevad (Fédération du e-commerce et de la vente à distance) cette année... Elles sont devenues globales. « Le Net est notre premier magasin », n'hésite pas à dire Bérangère Lamboley, la directrice marketing de But. Les centres commerciaux majeurs (Unibail Rodamco, notamment) mettront en place un picking multienseigne en 2013, par exemple.

Mettre en place cette extension du domaine du retail est déjà très ardu pour les distributeurs. Côté pratique, vérifier le stock en temps réel, proposer la livraison à domicile, favoriser la fameuse conversation, harmoniser les affectations comptables entre off et on line relève de la haute voltige. Le référentiel unique des produits accessible en temps réel est encore un cauchemar, notamment pour les Galeries Lafayette, qui y travaillent depuis 18 mois. « Personne ne maîtrise la chaîne de valeurs nécessaire: data, CRM, marketing stratégique et culture de marque, shopper marketing, promo et marketing direct », constate Philippe Bonnet, président de Wunderman Group France.

L'affectation comptable fut aussi l'un des principaux problèmes rencontrés par la marque-enseigne Princesse Tam Tam (groupe japonais Fast Retailing, qui possède également Uniqlo et Comptoir des Cotonniers) dans son magasin test de la rue de Sèvres à Paris. En effet, à qui profite la vente réalisée à partir d'un iPad? Au site ou au point de vente?

Vincent Druguet (Digitas)

Vincent Druguet (Digitas)

Youmna Ovazza (Altavia)

Youmna Ovazza (Altavia)

L'intégration du CRM dans les contenus est le chantier phare annoncé pour 2013. « La data appliquée au retail, accessible aux consommateurs en temps réel est un phénomène très récent. Nous avons concrétisé ce projet majeur car nous avons eu accès à l'ensemble des données », affirment de concert Henri Danzin et Olivier Nachba (agence Oyez!), qui pilotent le dispositif Otouch pour But (mais aussi pour BMW ou Boucheron). Car on constate dans les faits que le digital est encore en garde alternée! Les directeurs marketing et la direction des systèmes informatiques (DSI), ou division internet, se parlent peu, en général. Les réussites se jouent au niveau de la direction générale et de la stratégie adoptée. Le consommateur se digitalise, les commerçants suivront. Ils n'ont plus le choix.

Henri Danzin - à gauche - et Olivier Nachba - à droite (agence Oyez!)

Henri Danzin - à gauche - et Olivier Nachba - à droite (agence Oyez!)

Henri Danzin - à gauche - et Olivier Nachba - à droite (agence Oyez!):

« La data appliquée au retail est un phénomène récent. Nous avons concrétisé le projet de But car nous avons eu accès à l'ensemble des données. »

Connecter les clients et les stocks

Il aura fallu deux ans pour déployer l'écosystème digital Otouch dans tous les magasins But (207 au total) d'ici à fi n octobre. « C'est le déploiement de commerce connecté le plus abouti en France », se réjouit Régis Schultz, le p-dg, lors de la conférence de presse de rentrée. « Le parcours d'achat a radicalement évolué vers de la vente digitale assistée, via 900 tablettes et 250 bornes », explique Olivier Godart, le program office manager rattaché à la direction des systèmes d'information de la marque-enseigne. « Tous nos collaborateurs en magasin ont été formés, soit 2 500 personnes durant l'été. » C'est l'agence digitale Oyez! qui accompagne cette révolution dans le secteur du meuble.
Le magasin de Rosny-sous-Bois, en région parisienne, au sein du centre commercial thématique Domus, teste le dispositif depuis novembre 2010. Ceux d'Avignon et de Buchelay faisaient également partie des prétests. Désormais, le vendeur et son client (jusqu'à trois personnes en même temps) se retrouvent ensemble autour d'un écran tactile horizontal. De plus, toutes les actions effectuées sur la borne sont retransmises en direct sur un écran géant. Ainsi, tout le monde en profite, à l'intérieur comme à l'extérieur du magasin. Les curieux entrent. Connectées, les bornes délivrent une information en temps réel sur les références (meubles), les prix et l'état du stock. L'encaissement est possible avec impression du ticket depuis la tablette. «Nous enregistrons des ventes additionnelles de l'ordre de 15 % », se réjouit Régis Schultz.
Enfin, côté clients, l'usage est adopté... « Ils se sont approprié la fonctionnalité et trouvent cela normal », analyse Olivier Nachba, directeur technique de l'agence Oyez!, qui a oeuvré pour cette technologie avant tout « fluide et utile et qui, sans le duo marketing et direction système d'information de But, n'aurait pu aboutir ». En 2013, le CRM sera intégré au dispositif, qui reconnaîtra le client et son programme de fi délité. Un gros chantier.

Florence Hermelin, Reload-Vivaki

«Il y a très peu de technophobie de la part des clients.»

Chiffres-clés du commerce connecté

15 % des mobinautes ont modifié leur décision d'achat en magasin à cause d'une info sur leur portable
30 % ont une appli de comparateur de prix
24 % scannent déjà des QR codes ou des codes-barres
12 % partagent de l'information depuis le point de vente vers un réseau social
70 % des consommateurs se rendent en magasin et commandent ensuite sur le Net
12 % ont déjà essayé une borne en magasin


Sources: Baromètre exclusif de l'expérience marchande connectée - Digitas/Vivaki/Reload décembre 2011 - Médiamétrie - Mobilosoft - blog Connected Store

Vincent Druguet, Digitas

«75 % des consommateurs utilisent leur smartphone en rayon et 12 % partagent ce qu'ils voient sur un réseau social.»

Philippe Bonnet, Wunderman Group France

«Personne ne maîtrise la chaîne de valeurs nécessaire au digital retail.»

 
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AMELLE NEBIA

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