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Citroën se connecte à l'intelligence collective de ses clients

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La marque aux chevrons se veut créative, et pas seulement en termes technologiques. A l'image de son marketing, résolument tourné vers le digital. Explication de Xavier Duchemin, directeur marketing et communication de la marque.

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Marketing Magazine: En deux ans, la marque s'est complètement renouvelée. Retour aux sources avec le lancement de la «nouvelle» ligne DS, relooking du logo au chevron, adoption du slogan «Créative Technologie». Quel bilan faites-vous aujourd'hui de ce big bang?

Xavier Duchemin: De 1 million de véhicules vendus en 2000, nous sommes passés à près de 1,5 million. On assiste à un vrai renouveau de la marque, en termes commerciaux. Citroën figure parmi les marques préférées des Français, selon le Baromètre Posternak-Ipsos. Nous lançons aujourd'hui un ou deux véhicules par an, un rythme impossible à imaginer il y a dix ans. A l'époque, nous sortions un nouveau modèle tous les trois ans. Et nous gagnons de nouveaux clients. Avec la Citroën DS3, nous enregistrons 60 % de conquête. Ces nouveaux clients qui viennent vers la marque Citroën sont, pour moitié, des femmes. Lancée il y a seulement deux ans, cette ligne distinctive DS représente un peu plus de 10 % de nos ventes. Grâce au lancement des autres modèles de la gamme, on pourrait passer le cap des 15 % l'année prochaine. C'est un résultat énorme, sur un marché de l'automobile très structuré et très concurrentiel.

Le digital tient une place centrale dans votre stratégie marketing. Pourquoi?

C'est une question de cohérence avec notre signature «Créative Technologie». Citroën se doit d'être à la pointe de l'innovation sur le plan technologique mais aussi en termes de communication. Autrefois, les constructeurs automobiles présentaient leur modèle à l'occasion d'un salon. Nous avons aujourd'hui une approche totalement différente, et inédite. En témoigne le grand show international relayé sur Facebook pour le lancement de la DS5, en avril 2011. Nous voulions marquer les esprits. C'est pourquoi nous avons choisi Shanghai, symbole de l'innovation et de la technologie. Pour la première fois, 500 000 personnes se sont connectées à cet événement, à la fois réel et digital, pour découvrir le nouveau modèle. On ne peut plus se contenter d'être visibles en TV ni de faire des annonces presse. Il faut également utiliser les médias sociaux. On ne peut pas non plus se passer de nouveaux outils comme l'iPad, pour présenter les spécificités techniques de nos modèles sur les salons.

La marque a 1 million de fans sur Facebook (dans le monde). Comment tirez-vous parti de ce contact direct avec tous ces clients potentiels?

Nous faisons appel à cette «intelligence collective» pour tester de nouveaux noms de marques et des campagnes publicitaires. Sur les grands écrans du Citroën Social Club des Champs-Elysées, on peut suivre en direct les réactions des internautes à ce que la marque poste sur Facebook. Chaque jour, je reçois une alerte sur tout ce qui s'est dit à notre sujet.

Je crois aussi à la cocréation. L'an dernier, nous avions lancé les Citroën Creative Awards, qui avaient permis à 700 designers d'exercer leur créativité et de créer des modèles de toit personnalisé pour la DS3. Le modèle Flavio, combinaison de noir et de motifs zébrés dorés, dessiné par le jeune italien Flavio Melchiorre, est notre modèle le plus vendu. Pour la deuxième édition des Citroën Creative Awards, nous avons déjà reçu plus de 11 000 candidature.

Comment ces contacts générés par les nouveaux médias se traduisent-ils sur le plan commercial dans vos réseaux de concessionnaires?

La mission du marketing, c'est d'aider les ventes. Aujourd'hui, le plus grand showroom de la marque est le site Citroën.fr. Il est ouvert 24 h/ 24. Tous nos véhicules y sont exposés, soit 19 modèles et presque dix utilitaires. Il a été entièrement refait pour tous les pays où nous sommes implantés. Il permet de voir avec une grande fluidité toutes les caractéristiques, toutes les options, toutes les couleurs et de les tester à l'écran pour customiser les véhicules.

Près de 90 millions d'internautes consultent nos différents sites. Nombreux sont ceux qui souhaitent des informations, des brochures, font une demande d'essai... Ces indications constituent un puissant moteur de connaissance client, qui alimente toute la chaîne commerciale.

Parcours

45 ans, diplômé de HEC.
1991: Xavier Duchemin entre chez Citroën, au service marketing, dans la filiale du Royaume-Uni. De retour en France, il intègre la direction export Europe, puis entre à la direction régionale Centre Normandie, en tant que responsable de secteur.
1997: Il est nommé responsable personnel France, responsable des ventes à l'export des pièces de rechange entre 1998 et 2000, puis responsable prix / produits au sein de la direction du commerce Europe.
2003: Il devient le directeur de la filiale autrichienne du constructeur et, en 2005, directeur de la filiale Royaume-Uni.
Juin 2009: Il est nommé directeur marketing et communication de la marque.

Quelles sont les retombées concrètes de ce nouveau mode de communication?

Le digital change fondamentalement la relation que nous entretenons avec nos clients. Nos liens sont plus forts et nos échanges plus rapides. Lorsque nous testons une nouvelle campagne publicitaire, nous recevons, dans l'heure, 5 000 messages du monde entier. Prenez l'exemple des concept-cars, qui nous permettent de tester des innovations que l'on développera ensuite sur d'autres modèles. Ou encore les opérations de précommande, que nous réservons en avant-première aux internautes. Notre réactivité est encore plus grande grâce aux nouveaux médias. Sur le Web, on voit très vite les couleurs, la motorisation et les accessoires qui vont plaire. L'industrie automobile est une grosse machine industrielle. Le pire pour nous, c'est d'être en rupture sur un modèle qui marche bien. Savoir, dès le démarrage, que telle option, tel moteur, rencontre un succès inattendu, nous permet d'évaluer rapidement les outils logistiques nécessaires.

Chiffres-clés

Groupe PSA Peugeot Citroën Chiffre d'affaires 2010 :
56,1 MdEuros
Deuxième constructeur européen
Marque Citroën: 1 460 000 véhicules vendus en 2010
Présente dans 80 pays
Points de contacts avec les clients: 10 000 (430 points de ventes + réseaux indépendants et réparateurs agréés)
Une vingtaine de modèles en Europe: C1,C2, C3, C4, C4 Picasso, C5, C6, C8, C5 Tourer, C-Crosser, C-Zéro, Berlingo, Jumper, Nemo, DS3, DS4. Lancement prochain de la DS5.
Collaborateurs: 11 500
Personnes à la direction marketing: 100

Quelles ressources allouez-vous au digital: investissements mais aussi embauches, prestataires?

Citroën investit globalement 10 % de son budget marketing à la sphère internet, digitale et mobile. Ce qui permet de justifier ces investissements, c'est le nombre d'indications que l'on peut transmettre à nos réseaux. Je n'ai aucun mal à prouver que j'ai un bon retour sur investissement.

Comment définir ce retour sur investissement du digital?

J'ai un suivi extrêmement rigoureux du taux de transformation, c'est-à-dire du nombre d'essais demandés sur le site qui se sont traduits par une voiture vendue. Mais ces données demeurent confidentielles.

Aujourd'hui, on n'achète plus forcément sa voiture. De nouveaux usages se développent (location, partage). Quelle est votre réponse à ces mutations?

Ce n'est pas la fin de l'automobile, mais c'est le début d'un usage différent de la voiture. On peut posséder une petite voiture dans Paris et avoir besoin d'un plus grand modèle pour faire de la route. Ou conduire une voiture diesel mais avoir envie d'une électrique en ville. Nous pensons que le marché va évoluer, mais lentement. Et si, un jour, les consommateurs préfèrent l'usage d'une voiture à sa possession, nous nous tiendrons prêts. En fait, toutes ces attentes expriment une réelle aspiration à plus de mobilité.

En quoi consiste le site Multicity Citroën?

Sur ce site, grâce à un module de calcul d'itinéraires «porte à porte», on peut identifier la meilleure combinaison possible pour effectuer son trajet. Il est possible de réserver des voyages (avion, train, location de voiture, etc.), télécharger des services, connaître les implantations des radars...

Dans les grandes villes, un service de voiturier est associé à la location. Inutile de se déplacer, la voiture vient à soi. Nos clients Citroën peuvent aussi télécharger des mises à jour de cartographie GPS, connaître les implantations des zones à risque...

Quel bilan faites-vous de cette offre Multicity, lancée il y a un an?

La marque se positionne comme un véritable facilitateur de déplacements, avec ce portail. Nous comptons plus de 20 000 clients et presque 200 000 visiteurs par mois sur le portail. Il entre dans le top dix des sites les plus consultés dans le secteur tourisme et déplacements.

Est-ce une concurrence pour Autolib?

Multicity est plus qu'une simple offre de location. C'est un outil d'optimisation des déplacements. Il indique même les bornes de Vélib', pour se déplacer en vélo dans Paris. Pour faire les derniers mètres, on n'a pas forcément besoin d'une voiture.

L'automobile n'est-elle pas, malgré tout, en train de devenir un bien de consommation courante?

Certes, l'achat d'un véhicule est devenu plus aisé. Mais cette industrie reste caractérisée par une passion incroyable. Voyez le monde qui se presse aux salons automobiles, l'impact des publicités. La voiture demeure un symbole de liberté, de plaisir, un objet esthétique, lié au statut. On n'est encore loin d'un bien de consommation banalisé.

Parallèlement, pour le même prix, une voiture offre plus de technologie, de sécurité et de technologie embarquée qu'il y a dix ans. Savez-vous qu'il y a plus d'informatique dans une automobile que dans le premier Airbus? On arrive aussi à des niveaux de consommation énergétique extrêmement faibles: économies de carburant, baisse d'émission de CO2... La DS5 hybride, grande berline, consomme à peine plus de 3 l/ 100 km et émet seulement 99 g de CO2, soit un des taux les plus faibles du marché.

Quels sont vos axes d'innovation face à un automobiliste devenu individualiste et préoccupé par l'écologie?

90 % des conducteurs vont sur Internet avant d'acheter leur véhicule. Le consommateur est donc extraordinairement bien informé. Il a envie de se distinguer, d'être différent.

Il recherche des voitures qui ont une image forte, une silhouette reconnaissable et il aime les personnaliser, les customiser. Il veut des solutions uniques et distinctives. D'où le succès de la nouvelle ligne DS. Elle s'inspire de la fameuse voiture qui équipait, entre autres, le Général de Gaulle, dans les années soixante, mais sans tomber dans le rétro. C'est une grande série mais qui s'adapte à chacun. On choisit les couleurs, les options... Sur 1 000 exemplaires de la Citroën DS3 qui sortent de nos usines, il est rare d'en trouver deux strictement identiques.

Autre tendance: les consommateurs sont prêts à adopter des solutions hybrides, dans tous les sens du terme. Des véhicules hybrides dans leur conception et dans leur motorisation. La DS4, par exemple, ressemble à un coupé mais c'est aussi une voiture surélevée, à quatre portes. Quant à la DS5, c'est la première voiture hybride, avec un moteur thermique diesel et électrique. En 2020, 15 % des véhicules vendus par le groupe PSA seront électriques ou hybrides.

Et le low cost: est-ce une piste d'avenir pour les constructeurs?

Les résultats des marques low cost sont en dent de scie. La vraie grande tendance du marché, c'est le premium. C'est assez paradoxal. En Grèce, en Italie, en Espagne, pays les plus touchés par la crise, tous les segments accusent une baisse, sauf celui du haut de gamme. En Europe, on achète des belles voitures pour se faire plaisir malgré la crise actuelle. Dans les pays émergents, c'est une question de statut.

Comment le marketing est-il organisé chez Citroën?

Actuellement, une centaine de personnes travaille au marketing. Cette organisation regroupe la direction prix-produit, centrale dans le marketing, la publicité, Internet, l'événementiel et la communication.

Le pôle digital s'est fortement développé, avec des modes de fonctionnement très matriciels qui permettent de faire dialoguer ceux qui s'occupent du marketing, de la technique et de l'informatique. Le coeur du système est une structure en plateau, sur laquelle travaillent 20 personnes. Il n'y a pas de ligne hiérarchique. Ce sont des experts métiers (R&D, direction des systèmes d'informations, marketing et communication) qui travaillent sur les projets. Cela permet d'être très réactifs et d'avancer vite. Une précision: dans notre organisation, nous comptons neuf nationalités et 57 % de femmes. C'est important dans un secteur qui a compris l'importance des femmes comme prescriptrices.

 
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Régine Eveno

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