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Ces marques qui ont la banane!

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De nombreuses marques choisissent le rire pour contrer la morosité ambiante. Que ce soit pour se démarquer, faire passer un message ou améliorer sa relation avec le client, ce registre possède plus d'un tour dans son sac.

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Bonnie & Clyde et goodnews ont conçu une campagne de buzz pour le site JobFact afin de redonner le sourire aux travailleurs.

Bonnie & Clyde et goodnews ont conçu une campagne de buzz pour le site JobFact afin de redonner le sourire aux travailleurs.

Une marque peut-elle être sérieuse sans se prendre au sérieux? C'est en tout cas sur ce modèle que s'est développée la marque Ben & Jerry's, avec le succès que l'on connaît. «If it's not fun, why do it?» (si ce n'est pas drôle, pourquoi le faire?), tel est le mot d'ordre de Jerry Greenfield, l'un des fondateurs de la marque. Dans la période de crise actuelle, où la morosité prédomine, une telle affirmation peut paraître osée. Et pourtant... C'est justement parce que les temps sont durs que l'on a besoin de rire! Est-ce un hasard si les comédies remplissent les cinémas et si les one- man-shows font salles combles? Non! Les Français ont besoin de s'évader et de faire travailler leurs zygo- matiques. Pas étonnant donc que le rire et le divertissement gagnent du terrain et s'aventurent «dans des territoires qui leur étaient étrangers jusqu'alors, à l'instar du monde du travail et de la grande consommation», comme le constate Benjamin de Diesbach, directeur de création et planneur stratégique de l'agence de design Graphèmes. Pour lui, «le monde étant devenu essentiellement économique, on se tourne aussi vers ces acteurs économiques pour le divertissement». Conscients que les contenus humoristiques ont de l'avenir, Publicis Dialog et Dominique Farrugia se sont ainsi associés pour proposer leurs expertises communes aux marques à travers une offre baptisée Contagious Content. Et déjà, de plus en plus de marques et d'entreprises utili- sent l'humour et le rire. Y compris dans des secteurs où l'on ne s'y attend pas...

Ainsi, le cabinet de conseil et d'ingénierie en systèmes d'information Alti s'est démarqué, sur un secteur habitué à des prises de parole très institutionnelles, avec une saga vidéo, souhaitant ainsi montrer qu'une autre appro- che des ressources humaines est possible. L'agence Pop of the Com a concocté des vidéos décalées pour la campagne de recrutement du groupe, forçant le trait de quatre situations vécues par un nouvel embauché: l'entretien de recrutement, le séminaire entre collaborateurs, le rendez-vous client et l'entretien annuel d'évaluation.«Quand on a regarde ce qui était fait chez les concurrents, on s'est rendu compte qu'ils avaient tous la même logique: le p-dg prend la parole et raconte que son entreprise est la plus belle du monde», souligne Guillaume Oudenot, directeur associé de Pop of the Com. Aussi, pour ne pas se retrouver noyée dans des modes de communication identiques, l'agence a-t-elle opté pour une alternative «complètement inverse, en partant sur un territoire de communication décalée, humoristique, drôle, tout en restant sérieux», précise Guillaume Oudenot, «parce que l'on parle de recrutement, de formation, de carrière et qu'Alti est une entreprise de professionnels qui s'adresse à des professionnels». Pour Michel Hamou, directeur général d'Alti, il s'agissait avant tout de «se démarquer en termes de discours» tout en attirant de nouvelles recrues. Opération réussie, puisque le site web a vu son trafic grimper, et que certains nouveaux embauchés ont reconnu que ces vidéos avaient constitué un élément décisif de leurs choix.

Marier l'humour à des preuves concrètes

«Ce n'est pas parce que l'on fait un métier sérieux qu'il faut être sérieux dans son expression et notamment dans son mode de communication», confirme Brice Auckenthaler, associé du cabinet conseil ExpertsConsulting. C'est notamment le cas dans le secteur de l'assurance. Selon Brice Auckenthaler, «la Maaf avec son pastiche de la série ça, c'est Palace», tout comme MMA avec son ton populaire bon enfant, ont réussi à trouver le bon équilibre pour ne pas aller trop loin».Car, avertit-il, «il faut se méfier de ne pas se retrouver avec un nez de clown sur un costume trois pièces!» Autrement dit, utiliser l'humour pour se faire passer pour ce que l' on n'est pas. En effet, ce ton n est pas aussi facile à utiliser que ce que l'on pourrait croire. «Ce n'est pas donné à toutes les marques», admet Brice Auckenthaler. Attention donc à respecter les préalables, à savoir, veiller à une bonne adéquation avec la perception de la marque, ses valeurs et sa mission. «En communication, ajoute-t-il, adopter l'humour pour réchauffer la relation et l'empathie c'est une chose, mais il faut que ça soit tangible, que ça se traduise par des preuves concrètes, des innovations. C'est là que le bât commence à blesser.» Et où le procédé peut s'avérer contre-productif. «Le consommateur veut qu'on l'aide et qu'on l'accompagne, poursuit-il. L'humour, sans preuve concrète, ne suffira pas à participer à cela.»

Amener une touche d'optimisme sur le marché de l'emploi, c'est ce qu'a entrepris JobFact, un site communautaire d'évaluation des entreprises où les membres peuvent bénéficier d'offres d'emplois ciblées. Il s'est en effet lancé sur le Web avec une campagne de buzz invitant à être «content d'aller au travail». «On a cherché à faire de la publicité utile, remarque Jean-Baptiste Martin, fondateur de Goodnews, agence ayant conçu la campagne avec Bonnie & Clyde. On a essayé de redonner le sourire par le bénéfice du service de JobFact et aussi par les actions de communication.» De faux manifestants se sont glissés dans le rassemblement social du 19 mars dernier pour la défense des emplois et des salaires, avec des banderoles clamant: «Nous, tout va bien, on est content d'aller au travail». «On n'aurait pas pu le faire pour n'importe quelle marque, avoue Jean- Baptiste Martin, mais là, le service s'y prêtait.» Bonnie & Clyde et Good- news se sont également rendus dans le métro à la rencontre des usagers, afin de leur remonter le moral ou tout du moins de déclencher des sourires! Face à «un terrain d'expression aujourd'hui dominé par les manifestations et les blocages d'entreprises», Julien Recoing, CEO de JobFact, a envie de «créer un équilibre un peu plus parfait dans la relation et la communication entre employeurs et employés». Avec son site, il entend donc prouver qu'il existe d'autres moyens d'expression possibles. «C'est la crise de 1929 puissance dix, ajoute-t-il. Tout le monde voit l'emploi en noir. Nous amenons une touche d'optimisme.»

Respecter les valeurs de la marque

C'est aussi ce qu a entrepris le centre commercial des Quatre Temps à La Défense avec son opération «Happy Folies», du 1er au 4 avril derniers, réalisée à l'occasion de l'anniversaire de sa rénovation. Le principe: les clients du centre bénéficiaient de 10 à 50% de réduction dans les magasins participants, s'ils arboraient un large sourire à la caisse. «L'idée tombait bien dans la morosité économique du moment. Nous avons eu la satisfaction d'apporter un peu de bonne humeur», souligne Agathe Lang, directrice des Quatre Temps. Des animations avaient également lieu dans les allées du centre, à l'instar de cours de yoga du rire ou encore d'improvisation de sketchs. Organisée par l'agence Nouveau Jour, l'opération a par ailleurs permis de voir la fréquentation du centre augmenter de 4% sur les dix premiers jours d'avril.

«Faire sourire les usagers et montrer qu'on les écoute», voici également ce qu'a entrepris Geneviève Rauner, directrice associée de l'agence Duke, pour la SNCF. Etant tombée par hasard sur un groupe Face- book réclamant de mettre la voix d'Homer Simpson comme annonce dans les gares, elle a eu l'idée de prendre les internautes au mot. Le 1er avril, les usagers de douze grandes gares à Paris et en province ont donc eu la surprise d'entendre la voix d'Homer faire des annonces humoristiques. Au point de draguer Simone, la célèbre voix de la SNCF! «Le rire et l'humour rejoignent les valeurs de la marque, que sont la proximité et la connivence», précise Régine Combremont, responsable stratégie digitale à la SNCF. «On peut avoir l'impression que lorsque les marques font rire, elles sont dans la surenchère de forme et qu'il n'y a pas de message derrière, relève Geneviève Rauner. Or, ici, cela repose sur un fond et des valeurs.» D'ailleurs, cette stratégie a été calquée en interne, avec la mise en place d'un dispositif d'échanges avec les salariés à l'occasion de la refonte de l'intranet du groupe. Duke a ainsi imaginé, outre des chats avec des dirigeants, un rendez-vous hebdomadaire présenté par l'humoriste Julie Ferrier, sous forme de vidéos décalées. Une bonne façon de fédérer et d'intéresser les équipes à un projet d'entreprise, tout en leur proposant une petite pause bienvenue.

Impliquer le consommateur peut également s'avérer une stratégie payante. Pour McDonald's, l'agence Duke a pris le parti fin 2008 de faire participer, à leur insu, les clients du fast-food, en les filmant en caméra cachée. «L'idée était de décliner sur Internet la campagne «Venez comme vous êtes»de manière originale», explique Sander Cisinski, directeur associé de Duke. En somme, utiliser l'humour pour exprimer la signature de la marque. Le dispositif prenait le contre-pied de la campagne, un faux videur refusant, le temps de l'opération, l'entrée à des clients pour de faux prétextes touchant à l'apparence: une petite fille en rollers, un jeune homme portant un poncho, un adolescent au look tecktonik ou encore un policier. Finalement, les réactions des clients filmés ont servi à l'élaboration de la campagne publicitaire. Et l'opération a généré du buzz, les internautes ayant même poursuivi l'expérience en la parodiant!

@ Claire Pathé

Julien recoing (JobFact) :

« C'est la crise de 1929 puissance dix. tout le monde voit l'emploi en noir. nous amenons une touche d'optimisme. »

Sortir de la masse

Pour la brasserie Duyck et sa marque de bière Jenlain, l'agence de publicité KRBO a proposé, quant à elle, une web série jouant sur l'absurde mettant en scène des salariés de l'entreprise. Diffusée du 15 avril au 24 juin, cette série vise à motiver les équipes en interne autour d'un projet original, et à valoriser la ville de Jenlain, tout en touchant un public plus jeune. Mais c'est aussi un moyen de reprendre la parole à moindre coût. Comme l'explique Raymond Duyck, président de la brasserie, «les moyens de communication classiques sont très chers et éloignés de nos budgets. On dépense beaucoup d'argent sans beaucoup de retour». Ici, le succès de la web série devrait être facilement mesurable en termes de buzz et de visionnage des vidéos.

En outre, l'humour étant un registre relativement peu utilisé en communication, il permet de sortir de la masse et de se distinguer. La compagnie aérienne low cost Transavia a adopté ce registre lors de son arrivée sur le marché français, dans le but de «créer un dialogue avec le consommateur et de la connivence», observe Elisabeth Billiemaz, directrice associée de l'agence H, tout en trouvant «un angle d'émergence», ajoute Hélène Abraham, vice-présidente marketing et communication de Transavia.com. «On fait sourire et réagir, précise-t-elle, en adoptant un registre impertinent sans exagération.» De même, en peu de temps, la petite marque, lancée en 2004, Michel & Augustin, a réussi à faire entendre sa voix. Elle a même pu se payer le luxe d'une campagne d'affichage à l'échelle nationale en avril dernier.

Malgré ses phrases pleines d'humour, la marque n'oublie pas de faire passer des messages sur l'environnement et les hommes. «Ils ont redéfini les codes du premium jusqu'alors sérieux», souligne Benjamin de Diesbach. A l'image de ce qu'a fait avec succès la marque de glaces Ben & Jerry's, symbole même du mariage réussi de l'engagement et du rire. «Tout ce que nous faisons, de nos actions à nos produits, en passant par la charte graphique, l'univers dans son ensemble doit être fan», explique Julia Perroux, directrice France de Ben & Jerry's.Y compris dans l'entreprise: un toboggan trône ainsi au milieu de l'immeuble et les salariés peuvent venir avec leurs chiens! Elle poursuit: «Les gens doivent prendre du plaisir à travailler sur la marque et à la consommer. C'est pourquoi nous essayons défaire vivre ce côté décalé et fan, ce qui ne nous empêche pas du tout d'être sérieux dans nos actions.»

Faire sourire et réagir

Ainsi, de nombreux produits sont associés à des causes, à l'instar de la glace American Pie, qui a servi de porte- parole pour militer pour la réattribution d'une partie du budget de la Défense des Etats-Unis à celui de l'Education. L'humour est encore présent pour protester contre le clonage lors d'une manifestation de militants déguisés en vaches. «A chaque fois, il y a une manière très ludique de traiter un problème», appuie Julia Perroux. Mais attention, Ben & Jerry's n'entend pas pour autant donner de leçon! Comme l'explique Julia Perroux, la marque «n'est pas là pour faire la morale. Toutes nos actions se font avec beaucoup de modestie, d'optimisme et d'enthousiasme. Et cela fait du bien aux gens! Nous ne leur dictons pas ce qu'ils doivent faire.Nous essayons de donner une impulsion en montrant l'exemple.» Cette stratégie fonctionne, puisque Ben & Jerry's a su créer de l'attachement avec ses consom mateurs et est aussi parvenue à se positionner comme une marque atypique et engagée, à la fois dans ses actions, dans la composition de ses produits et dans son management.

Pas de doute, l'humour peut se conjuguer avec des sujets sérieux. D'ailleurs, les associations ne sont pas en reste. Ainsi, c'est aussi sur cette voie que s'est engagé le groupe SOS, rassemblant des associations et des entreprises d'insertion. Pour inciter à faire un don, il a lancé le site jaimepasdonner.com mettant en scène Gauthier, un trentenaire bobo se trouvant toujours des excuses pour ne jamais faire de dons. Ironiques, les remarques de ce personnage font mouche.

Faire rire pour faire réfléchir, voilà une piste qui mérite d être davantage explorée par les marques. Car, comme l'observe Geneviève Rauner, «le rire est un très bon levier de réceptivité. Après, le consommateur est prêt à entendre un message». Reste un secteur encore hermétique à l'humour, le luxe. Brice Auckenthaler remarque que beaucoup estiment que «lorsque l'on est dans le luxe et que l'on vend des produits chers, l'humour n'est pas un registre adéquat». Il insiste: «Je suis convaincu qu'il y a une opportunité pour une marque de luxe d'utiliser à sa façon le rire à partir du moment où c'est pertinent avec ses valeurs et son offre.» Louis Vuitton a d'ailleurs essayé de «dépoussiérer cette image très sérieuse» du luxe, illustre Benjamin de Diesbach, en s'associant à l'artiste japonais Takashi Murakami, à travers des personnages délirants de manga apposés sur les sacs de la marque. Preuve, s'il en fallait, que l'humour n'a pas de frontières, à condition d'être utilisé à bon escient.

Julia Perroux (Ben&Jerry's)

«A chaque fois, il y a une manière très ludique de traiter un problème.»

 
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AURELIE CHARPENTIER

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