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Bientôt, les agences digitales feront la communication et le marketing des marques

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Le président de l'agence interactive Duke confie à Marketing Magazine sa vision du client et des relations agences/annonceurs de demain. Pour Matthieu de Lesseux, les marques doivent faire face à de nouveaux consommateurs, désormais liés au Web.

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Marketing Magazine : Vous avez démissionné de la présidence de l'AACC Interactive en mai dernier. Pour quelles raisons ?

Matthieu de Lesseux : J'ai décidé d'abandonner la présidence et de quitter l'AACC en tant qu'agence car cette délégation appartient à un ensemble avec lequel je ne suis plus en phase. Même si beaucoup de choses ont été réalisées, l'association n'a pas su, selon moi, prendre le virage du numérique et sa structure relève davantage du passé que du présent. De plus, je pense que la Semaine de la publicité est de moins en moins connectée avec ce qui se passe sur notre marché. Pour des raisons plus techniques, 60% des cotisations versées à l'AACC partent dans la structure même de l'association sur laquelle nous n'avons aucun retour et 40% reviennent à la délégation. Nos cotisations devenant plus importantes, je me suis penché sur ces 60% et j'ai estimé que cette part ne servait pas à grand-chose.

L'AACC ne répondant plus à vos attentes, qu'allez-vous faire ?

Je vais, bien sûr, continuer, avec d'autres agences, à structurer, organiser, parler avec les annonceurs et les sensibiliser à cette mutation de fond. Le travail que j'ai effectué au sein de la délégation n'est évidemment pas fini. Je vais donc le poursuivre de manière naturelle avec des agences digitales, des agences du futur qui réfléchiront à l'avenir du marketing sur le Web.

Quelle organisation avez-vous mise en place après le départ de Christine Santarelli, la cofondatrice de Duke ?

Christine Santarelli organisait la création au sein de l'agence. Les directeurs de création, Aurélie de Villeneuve et Christopher Oldcorn, la remplacent donc pour toute la création. Ils donneront la vision et la philosophie créative de l'agence et la représenteront à l'extérieur. Quant à Emmanuelle Paille (déjà directrice associée, NDLR), elle devient manager général pour assurer le management interne. Enfin, le publicitaire Bertrand Janny, ancien dg de DDB Paris, prend les fonctions de directeur des stratégies en charge du planning stratégique. Nous avons également créé un nouveau département, dirigé par Frederik Legrand, directeur associé, baptisé «Emerging Media», qui consiste à aider nos clients à déployer leur stratégie digitale au-delà du navigateur web, autrement dit via le mobile, la console de jeu, l'affichage interactif, les vitrines interactives, les puces RFID... Nous ne devons pas nous faire dépasser par le consommateur.

Plus généralement, des agences, telles que Publicis, revoient leur structure afin d'accompagner ce boom du numérique. Comment interprétez-vous ces changements ?

C'est le sens de l'Histoire car Internet représente désormais une part significative des dépenses dans les plans médias et le digital envahit la communication. Quant aux médias et à la création, ils deviennent interdépendants. On voit bien qu'il y a un mouvement de plus en plus fort. Publicis a parfaitement compris que les achats d'espace sont en train de basculer. D'autres vont suivre. Malgré cela, seul Publicis bouge et le fait plutôt bien. Je pense que Maurice Lévy est bien plus visionnaire, rapide et agile que beaucoup d'acteurs de ce marché.

Cette explosion du numérique sensibilise-t-elle aussi les annonceurs ?

Oui. Une grande majorité des marques souhaite comprendre ce qui se passe et investir davantage.

Les marques doivent être capables de réinjecter la composante digitale à tous les niveaux.

Les annonceurs n'ont plus d'autre choix que de s'intéresser au digital, pour être en phase avec leurs consommateurs, mais aussi pour booster leurs ventes. D'ici à cinq ans, tous mes clients comptent investir encore davantage dans le numérique. Chez Duke, des clients, que j'appelle «du futur», ont même recruté des collaborateurs issus du digital pour changer leur organisation interne et mener cette mutation. Ils ont besoin d'une meilleure lecture de leurs stratégies digitales. De plus en plus de nos clients sont experts du Web et nous poussent à être créatifs. La presse parle souvent de l'agence du futur, mais rarement du client du futur.

Comment définiriez-vous ce client du futur ?

C'est un «pionnier» qui ne s'appuie pas que sur des techniques ou des schémas marketing traditionnels. Il doit être dans l'empathie, c'est-à-dire qu'il comprend à qui il s'adresse et à qui il doit apporter un service. Enfin, il doit décloisonner et mettre en place une organisation capable de réinjecter la composante digitale à tous les niveaux. Il invente, il essaie, il teste... Il est «habité» naturellement par le digital. Il utilise Facebook, charge des vidéos, fait vivre son blog. Il est passionné par le Web. C'est, en fait, culturel. C'est pourquoi ce client ne travaille plus en silo (marketing, communication, produits...), mais en transverse. Il comprend et intègre les technologies dans son travail.

Les marques qui ciblent les jeunes sont-elles les seules à se tourner vers les nouvelles technologies ?

Non. Il n'est pas indispensable d'être positionné sur des marques jeunes pour aller sur Internet et observer les 15-25 ans. C'est le cas de Levi's, Nike, Adidas, eBay, Coca-Cola, Cisco ou Dell. Ces marques sont issues d'univers très différents. Tout le monde va sur la Toile:enfants, ados, parents et grands-parents. Et cela, le client du futur le sait. Il comprend d'ailleurs les «digital natives», la nouvelle expression à la mode qu'il faut forcément utiliser! Ces clients du futur sont, par exemple, très intéressés par «Surface» - une table basse à écran tactile -, une technologie mise en place par Microsoft (maison mère de Duke, NDLR). En outre, ce sont des clients flexibles et qui savent se remettre en cause. Du coup, le brief qu'ils mettent en place est bien fait. Ce qui nous stimule, forcément.

Pouvez-nous nous citer des situations où une marque a agi en «client du futur» ?

C'est le cas de Nike avec Nike + (agence RGA aux Etats-Unis). La marque est partie d'un insight simple: un runner aime écouter de la musique, consulter des statistiques sur son sport et courir avec d'autres runners. Elle a donc construit une offre répondant aux «3 C» : Contenu, Communauté et Commerce. Autres exemples, Louis Vuitton et le voyage (agence Ogilvy) et Nike ACG et Sweetspot (agence Duke).

Dans un environnement majoritairement «numérique», l'agence et le client travailleront vraisemblablement davantage ensemble. Comment voyez-vous les nouvelles relations agences/annonceurs?

J'ai la conviction que les marques doivent faire face à de nouveaux consommateurs. Elles doivent donc adapter leur organisation, et en particulier leurs relations avec les agences. En outre, les relations s'apparenteront davantage à des relations de confiance, de partenariat et de transparence. Ces nouveaux rapports seront stimulants et remettront en cause certes les agences, mais aussi les annonceurs.

Comment peut évoluer le marketing à l'heure où les consommateurs, via les réseaux sociaux, font eux-mêmes du marketing ?

Les consommateurs ne font pas de marketing. Ils participent, s'expriment, donnent leur avis via leur blog, leur profil MySpace ou Facebook... Pour répondre à ces évolutions, le digital et la technologie vont de plus en plus piloter le marketing. Beaucoup plus que l'inverse. Quant à l'évolution du marketing, nous sommes passés d'un marketing d'interruption à un marketing de permission (interaction) pour arriver aujourd'hui à un marketing de participation. Il est donc fondamental pour les marques de créer des expériences on line fortes, comme des car configurators : ces expériences font désormais partie du produit de la marque.

D'ici peu, des agences pure players comme la vôtre ne risquent-elles pas de devenir les agences principales des marques ?

Je suis, en effet, persuadé que d'ici cinq à huit ans, les agences digitales feront la communication et le marketing des marques. Mais cela prendra du temps, car il existe encore des résistances très fortes.

Parcours

40 ans, marié, deux enfants.


1988 Crée sa première société d'édition de logiciels.


1995 Rejoint le groupe Gédéon (conseil, design et programmes audiovisuels) pour y développer le département multimédia.


1997 Devient directeur général de ConnectWorld, agence interactive du groupe Havas Advertising.


1999 Cofonde Duke avec Christine Santarelli.


2003-2008 Présidence de la délégation interactive de l'AACC.


2008 Départ de Christine Santarelli. Réorganisation de Duke.

 
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AVA ESCHWEGE

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