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Avec le sport, la beauté dure plus longtemps

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Professeur d'éducation physique durant dix ans, Georges Vigarello, agrégé de philosophie et historien, anime à l'Ecole des Hautes Etudes, un séminaire sur l'histoire des pratiques corporelles et des enjeux des apparences. Il publie, en avril prochain, un ouvrage* sur les pratiques actuelles des jeux et des sports, des jeux anciens aux jeux sportifs et sur les normes qui permettent d'entretenir un certain mythe de la beauté.

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Comment évolue la notion de beauté ?


L'idéal serait d'avoir tout maintenant. C'est une course effrénée à la jouissance de la beauté. Les femmes d'âge moyen fréquentent beaucoup plus les salles de gym et de remise en forme. Et les normes de beauté sont en train de changer et de se déplacer. Les femmes ont davantage envie de jouir de la beauté, des activités de la mise en mouvement. Même si, par exemple, celles qui s'engagent dans la post-maternité conservent encore comme idéal, au travers des médias, que la vieillesse ne les marque pas, de rester comme avant. On voit apparaître une esthétique différente où les rides s'harmonisent avec un type de beauté représentatif de la présence, de la personnalité, du rayonnement. Je dirais que dans nos sociétés du présent et de l'instant, la beauté dure plus longtemps.

Comment expliquez-vous le paradoxe actuel entre quête du plaisir et sensations extrêmes ?


Depuis ces 20 ou 30 dernières années, le rapport au présent dans la relation immédiate au désir s'est substitué à l'ascétisme, la prévoyance, la contrition, la souffrance, l'économie de soi. La notion de plaisir est aujourd'hui devenue omniprésente. L'investissement sur le corps s'est modifié grâce, notamment, aux nouvelles possibilités biologiques et à l'allongement de la durée de vie. Les ailleurs sont tombés. Le corps racine est le dernier lieu de l'identification. Il est également l'enjeu des problèmes de santé, de la montée de la violence et des interrogations sur le stress et la dépression. Les individus se sont recentrés sur leur corps et l'expérimentent jusqu'aux sports de l'extrême. Comme il n'y a plus d'au-delà, le désenchantement du monde atteint aussi la sphère corporelle. Certains s'affrontent au vertige et recherchent des sensations qui vont jusqu'à les rendre étrangers à eux-mêmes.

Le sport-business représente-t-il une tentation de s'approprier tout le domaine du sport ?


Oui, si l'on oppose les quelque 5 000 sportifs de haut niveau aux 14 millions de pratiquants. C'est également l'univers du dopage, de la violence, du corps-machine.

Les critères de la beauté sont-ils en train de se déplacer ?


Oui, surtout pour les femmes. Les corps sont plus denses et plus déliés. Ces dernières décennies ont mis l'accent sur la fluidité, la tonicité, la dynamique des tensions. L'immobilité et le retrait ne sont plus des gages de séduction. Nous assistons à un glissement de sensibilité avec des pratiques émergentes qui se moquent de la performance et privilégient la sensation, l'esthétique, la beauté du geste.

Quel est le rôle social du sport ?


Il a contribué à la mise en place de la société capitaliste. Il représente un espace idéalisé considéré comme le modèle que pourrait se donner une société démocratique où les vertus manquent. Mais cet espace exemplaire révèle surtout le fantasme d'un monde très simpliste de ce que nous voudrions être. *A paraître aux éditions du Seuil

 
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