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« Le grand problème actuel est de gérer le temps du client »

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Les besoins du consommateur semblent tout à la fois satisfaits et saturés, puisque ce dernier boude même les hypermarchés. Pour Georges Chétochine, le redressement de la machine économique dépend de la capacité des enseignes à répondre, non pas aux besoins, mais aux frustrations du chaland.

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Dans votre dernier livre, Le Blues du consommateur, vous vous êtes fixé comme mission de connaître et décoder les comportements de “l'homo-cliens” versus “l'homo-consomatio”. Sont-ils vraiment différents  ?

Il faut en effet bien distinguer le consommateur en dehors du point de vente, que j'appelle “l'homo-consomatio” et “l'homo-cliens”, le consommateur qui est entré dans le point de vente. L'homo-consomatio n'a aucune frustration, il est bien décidé à acheter sans se préoccuper des contraintes, du prix et de l'environnement du magasin. Mais voilà, dès que ce consommateur atterrit dans le point de vente, il devient un homo-cliens stressé et saisi par le manque de temps. Pendant que l'homo-consommatio se réjouit, rêve et se comporte comme une cigale, l'homo-cliens, lui, supporte la face cachée des nouvelles contraintes qu'apporte cette société de marketing. Il n'admet plus qu'on lui fasse perdre son temps. Il ne veut plus faire la queue. Il veut de la satis­faction immédiate. Tout se passe comme si tout ce qui plaît à l'homo-consomatio se transformait en contrainte temps pour l'homo-cliens. La première tâche qu'un distributeur doit peaufiner est le marketing d'entrée. C'est-à-dire l'offre, le prix, bref de l'exceptionnel et tout ce qui fait venir le consommateur dans le point de vente.

Ces consommateurs ne sont-ils pas perdus face à l'hyperchoix qu'offrent les enseignes ?

Pendant ses achats, le consommateur est en effet victime de ces linéaires au merchandising compliqué où il ne trouve pas tout de suite ses produits. Il est, d'autre part, victime de la façon dont sont organisés les linéaires. Il est évident qu'avec 243 yaourts, le point de vente ennuie le chaland. C'est la raison pour laquelle le hard discount décolle. Le tout est de diminuer le choix, évidemment pour les produits que j'appellerais “de corvée”, et d'augmenter le nombre de références pour les produits “plaisir” (CD, textile, décoration, etc.).

Comment les consommateurs vont-ils, selon vous, réagir face aux vastes plans de développement des MDD et à la réduction plus ou moins drastique des marques nationales ?

Dans l'alimentaire, ce que le consommateur souhaite, c'est du prix. Peu importe si le produit est une MDD ou une marque nationale. Tandis que dans le point de vente plaisir, la MDD est une autre paire de manches. Il n'y a qu'à se pencher sur Décathlon ou Zara. Les références y sont toutes des MDD et le consommateur les plébiscite.

Pensez-vous qu'il y a une inadéquation profonde entre l'offre et les attentes des clients ? Comment restaurer l'attractivité de cette offre en linéaire ?

Dans n'importe quel point de vente, le consommateur veut avant tout de la clarté et de la simplicité. Il ne veut surtout plus attendre aux caisses. Le marketing du point de vente n'est pas un mot vain. Il doit faciliter la vie de l'homo-cliens, lui faire gagner du temps et lui éviter des frustrations. Il faut réellement travailler sur le “marketing d'atterrissage”. C'est-à-dire un marketing adapté au shopper et donc beaucoup plus concret. Si je fais un marketing de point de vente, c'est un marketing qui doit être cohérent avec mon marketing d'entrée. Il suffit de faire des offres plus complètes dans les zones où il y a du plaisir et faire tout pour que les courses aillent vite dans les zones où ne sont proposés que des produits “de corvée”.

Certaines enseignes, à commencer par Carrefour, promettent pour 2006 des innovations dans la présentation sur le lieu de vente. Quels sont, selon vous, les changements que devrait prendre en compte la distribution pour répondre aux nouvelles attentes du consommateur ?

L'hyper doit impérativement installer des coins plaisir au sein de son offre. Des “shops in the shop”, comme cela se fait aux Etats-Unis. Le grand problème actuel est de gérer le temps du client. Sur les produits où l'on ne gagne pas beaucoup ­d'argent, le consommateur doit aller vite et ne doit pas avoir l'impression de perdre son temps. A l'inverse, les enseignes doivent investir dans les rayons où le distributeur gagne de l'argent en installant des mobiliers attractifs, des sols haut de gamme, des lumières recherchées… Le meilleur merchandising est issu d'une réflexion marketing qui facilite la vie et qui la rend agréable. Le non alimentaire n'est plus un moteur. Le consommateur devrait entrer dans le magasin par l'achat plaisir. N'oublions pas que le monde change, que le consommateur, malgré ce que peuvent dire certains, n'est pas ­insatisfait de cette civilisation du produit et de la marque mais qu'il se lasse de l'hyper. Aux enseignes, donc, d'apporter de la valeur à leurs prestations.

 
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Ava Eschwège

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