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MD et grande conso : les fiançailles perdurent !

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Marketing direct et grande consommation : le mariage s'annonce-t-il ? Certes, la preuve est faite que le marketing direct s'avère être un puissant outil pour convaincre le consommateur et le fidéliser. Pourtant, les fabricants de produits de grande consommation doivent concilier les contraintes fortes de leur marché pour tirer profit du marketing relationnel.

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«La première prise de conscience des fabricants de produits de grande consommation a eu lieu avec le développement des marques de distributeurs dans les rayons. Les industriels ont pris vraiment conscience que la distribution était toute puissante et qu'ils devaient se doter de moyens d'influence directe sur leurs clients. » Ainsi que le souligne Philippe Delière, CEO de l'agence Wunderman, les acteurs du marché de la grande consommation s'intéressent depuis longtemps déjà aux techniques de marketing direct. Pourtant, en dehors de quelques grandes marques, ils n'ont pas réputation d'être innovateurs en termes de MD. En fait, entre eux et le marketing direct, c'est une tendre guerre ! Ils rêvent de mieux connaître leurs clients finaux, de les fidéliser, ils savent, et ont désormais les preuves, que le marketing direct est un moyen pertinent pour y arriver. MarketingScan avait publié, fin 2002, une étude, réalisée en France et en Allemagne, sur l'efficacité des opérations de marketing direct (voir Marketing Direct n° 68). Six opérations de MD sur dix avaient obtenu des résultats encourageants : entre l'échantillon testé et un groupe contrôle, le gain de part de marché s'élevait élevé à plus de 10 %. Pourtant, la spécificité des industriels de la grande consommation les freine pour exploiter réellement les techniques de marketing relationnel. Le premier frein vient, bien sûr, du mode de diffusion de leurs produits. L'écran de la distribution brouille les pistes de la connaissance client. Les fabricants ne maîtrisant pas l'acte d'achat, la recherche de données sur leur cible se complique. Second écueil : l'importance de leur clientèle. Leurs bases de données peuvent recueillir des centaines de milliers et même souvent, dans les grands groupes, des millions de contacts. Autant dire que mettre en œuvre un programme personnalisé demande une certaine puissance financière ! Et, troisième travers : le prix des produits, le plus souvent faible, laisse à ces industriels une marge de manœuvre marketing plutôt étroite ou du moins qui exige d'être précisément mesurée. Enfin, les marchés de masse de la grande consommation ont à disposition de nombreux outils pour toucher leurs clientèles. « Pour eux, le marketing direct n'est pas au centre de leur stratégie, contrairement à d'autres marchés, comme la VPC par exemple. C'est un moyen parmi d'autres, dont la publicité télévisée », souligne Stéphane Merger, directeur marketing et communication de Claritas. Pourtant, le marché de la grande consommation « n'est pas un secteur forcément en retard, note Diane de Legge, directrice conseil chez Uniteam. Mais, c'est vrai que l'on note une relative incompatibilité avec les techniques de marketing direct pures. » En fait, ce sont surtout les grands groupes qui se sont emparés du marketing direct. Les Procter, Unilever, Nestlé, Danone, Henkel ou Nivea ont développé depuis longtemps leurs programmes et fait leur apprentissage. « Seuls les grands groupes se posent vraiment des questions et font avancer leur réflexion stratégique, note Anne Guivarch, directrice générale adjointe de Draft-Worldwide. Mais le reste du marché demeure timide et peu convaincu. Par rapport à la connaissance client et à la segmentation de bases, le marché manque de maturité. »

Les atouts relationnels


Le marketing direct a cependant toutes les chances de s'immiscer plus encore dans les plans de conquête et de fidélisation des consommateurs. En effet, l'offre en produits de grande consommation s'est beaucoup diversifiée. La pure innovation produit s'est logiquement érodée : il devient rare de mettre sur le marché une nouvelle saveur ou un produit d'entretien révolutionnaire ! En revanche, des produits, même simples, sont de plus en plus déclinés en fonction de cibles précises. « Dans la lessive, par exemple, on trouve différents formats, des poudres et liquides, des doses préétablies… L'offre elle-même est de plus en plus segmentée », remarque Stéphane Merger. Les produits de grande consommation ont aussi pris sens, comme les alicaments, particulièrement évocateurs pour la cible senior. Enfin, le consommateur lui-même a beaucoup évolué. Plus informé, plus exigeant, il est bien mieux armé pour faire la différence entre les offres, il sait ce qu'est un produit bio, il a suivi les crises alimentaires, il s'intéresse parfois aux questions sociales liées aux produits, comme leurs modes de fabrication. En un mot, il est plus lucide face aux marques. Une évolution de comportement à laquelle le marketing direct peut donner une réponse en établissant une relation de proximité avec son client. « Les produits ne faisaient plus la différence seuls. Et, pour moi, le marketing direct est le meilleur moyen de passer un message à un consommateur. Tout simplement », souligne Diane de Legge.

Financer le MD ? La fin d'un casse tête


Dès que l'on aborde le thème du marketing direct en grande consommation surgit la question du financement des campagnes. En raison de marges parfois très faibles, est-il possible de concevoir des programmes relationnels, du moins financièrement rentables ou au moins à l'équilibre, à court ou moyen terme ? « On décide quelqu'un en magasin, mais on le convainc chez lui !, lance Diane de Legge. Les opérations de marketing direct sont idéales pour donner de l'information au consommateur et pour lui donner des raisons d'acheter le produit. Mais, c'est vrai qu'il s'agit d'une démarche coûteuse. Et les annonceurs disent parfois que ce rôle est déjà rempli par la publicité. » A priori, une marque de sel a peu d'intérêt à développer un programme personnalisé. Car elle ne répond à aucun des arguments qui justifie un budget marketing direct. « Si la fréquence d'achat est importante ou encore si le prix de l'achat est élevé, on peut s'intéresser aux techniques de MD », note Pierre Désangles, directeur général de Rapp Collins. En fonction des valeurs véhiculées par le produit, la création d'un programme s'avère aussi pertinente. « Certains produits nécessitent un discours adapté. C'est le cas, par exemple, des problématiques santé et paramédical. Ou encore du baby marketing », remarque Anne Guivarch. Enfin, la position de la marque dans le cercle concurrentiel compte beaucoup. Une nouvelle marque de couches, par exemple, réunira tous les arguments : un prix et une fréquence d'achat élevés, un besoin de réassurance de la part du consommateur, et un univers concurrentiel important avec une position de challenger. Pourtant, rares sont les programmes relationnels existants qui sont liés à un seul produit. « Seuls les programmes transversaux trouvent aujourd'hui leur seuil de rentabilité », confirme Sylvie Lebuhotel, co-fondatrice de la nouvelle agence Passage Privé. D'ailleurs les références, en termes de programmes relationnels issus d'industriels de la grande consommation, sont toujours les mêmes : “Pour tout vous dire”, le programme transversal d'Unilever, Le Bingo des marques ou Danoé, de Danone, les programmes de Nestlé, Procter & Gamble, Nivea… En dehors des grandes marques, des programmes rassemblant des marques variées, comme au sein de “La boîte rose”, boîte de naissance remise en maternité et gérée par la société Family Services, s'apparentent à de vrais programmes relationnels complets, suivant l'évolution du client dans le temps.

La pierre angulaire


Ces programmes, aujourd'hui développés par les grands groupes, s'appuient sur des bases de données propriétaires qui peuvent rassembler plusieurs millions d'adresses. Dès la constitution de leur base, les fabricants de produits de grande consommation ont dû faire face à un obstacle particulier. Ne maîtrisant pas les processus d'achat, « la qualification est circonscrite à l'information donnée par le client lui-même. On est dans une situation d'opt-in obligatoire et absolu », souligne Philippe Delière. Si bien que le seul moyen d'amorcer la machine et de recueillir de l'information, a été de louer et d'acheter des fichiers. La constitution de ces immenses entrepôts de données s'est faite au départ grâce à l'agrégation de fichiers issus très souvent des mégabases comme celles de Claritas ou de Consodata. « Leur objectif, au début, était d'acheter de la donnée au kilomètre, confirme Stéphane Merger. Maintenant, ils cherchent à identifier leurs meilleurs clients et, surtout, à enrichir qualitativement les données de ce cœur de cible. » Une fois cette pierre angulaire posée, les premières campagnes de marketing direct et les locations spécifiques de données ont permis progressivement de qualifier la base. D'ailleurs, la grande consommation est friande de l'achat de questions dans le cadre des grandes enquêtes lancées annuellement par les prestataires de mégabases. Chez Claritas, par exemple, le questionnaire est adressé annuellement à 15 millions d'exemplaires. Il est possible, pour un industriel, d'acheter l'une des questions, en négociant une priorité de consultation des réponses ou même l'exclusivité des résultats. La moitié de la grande enquête, version Consodata, est pour sa part composée de questions venant de demandes d'annonceurs. Aujourd'hui, la baisse des coûts logiciels rend la constitution mais aussi l'exploitation d'une base moins onéreuse. Les techniques d'analyse statistique, ou encore de géomarketing, ont permis des croisements plus complexes des données, et même d'associer aux données clients des comportements d'achat terrain. « Les industriels sont particulièrement demandeurs d'informations sur les zones de chalandises réelles, observées. Nous sommes capables de dire quel est le pourcentage de consommateurs qui fréquentent tel magasin, qui connaît tel type de produit et telles marques », explique Stéphane Merger.

Applications multiples


L'introduction de ce type de données est vitale pour faire le lien, par exemple, entre une campagne ponctuelle de mailing adressé et une opération promotionnelle en magasin. D'ailleurs, en grande consommation, le marketing direct est un moyen supplémentaire utilisé pour répondre à une préoccupation clé des fabricants : dialoguer avec les distributeurs. « La démarche marketing direct est de plus en plus utilisée comme un levier vis-à-vis de la distribution », estime Diane de Legge. Les autres objectifs visés par les programmes relationnels s'avèrent multiples. Fidéliser le consommateur en fait bien sûr parti. Mais cette démarche est désormais systématiquement associée à une vraie segmentation, afin de déterminer « quels sont les consommateurs les plus intéressants, mais aussi quels sont ceux qui s'avèrent réactifs à des opérations de marketing direct, précise Arnaud Caplier, Dg de Consodata. Car le principe des 20 à 30 % de clients qui assurent 80 % du chiffre d'affaires s'applique particulièrement bien en grande consommation. » D'ailleurs, nombre de programmes relationnels visent uniquement cette part de population, la plus pertinente et intéressante à qualifier avec précision. Enfin, parallèlement au développement des programmes transversaux, « le cross selling est un enjeu important, remarque Philippe Delière. L'objectif étant que le consommateur reste fidèle à plusieurs marques. » Les marques les plus matures en matière de marketing relationnel, ont pris vraiment conscience que travailler la proximité avec le consommateur pouvait constituer un vrai atout. « Certaines marques se sont rendu compte qu'une plate-forme relationnelle pouvait représenter un avantage concurrentiel en soi », note Sylvie Lebuhotel. Ces diverses perceptions du marketing direct n'empêchent pas qu'il soit approché d'abord comme un média complémentaire. « En entretien de marque, le marketing direct peut être autonome. En revanche, je ne pense pas que cela soit indiqué pour un lancement de produit », estime Pierre Désangles.

E-révolution


Isa ou mailing adressé, e-mailing et consumers, la grande consommation ne manque pas de supports pour communiquer avec ses cibles. D'après l'étude qu'avait menée MarketingScan, le couponning, adressé ou non, arrivait en tête en termes d'efficacité, en sachant cependant qu'il était comparé aux seuls consumers magazines et échantillons. « Dans tous les cas, les programmes se caractérisent par la mixité des médias employés, estime Philippe Delière. Le premier est le papier, en mailing adressé ou non adressé, bien que dans ce dernier cas on se situe surtout dans une stratégie de promotion des ventes. Les deux autres médias sont bien sûr le Web, via l'e-mailing, et le téléphone, en réactif uniquement. » Cependant, dans les faits, d'après Sylvie Lebuhotel, « les programmes sont en majorité conçus sur support papier, même s'ils sont en amont prévus pour du multisupport. C'est d'ailleurs ce qui les rend complexes et coûteux, car il faut s'assurer de l'unicité du discours à chaque point de contact avec le client. » Si le papier règne encore en roi, la grande consommation s'est vite emparée du Web. Car les industriels y ont enfin trouvé le moyen de dialoguer en permanence et en direct avec leurs consommateurs. Le média s'est avéré formidable pour présenter les produits, et créer une interactivité bien moins coûteuse qu'un envoi en nombre de mailings papier. Les programmes relationnels se sont aussitôt déclinés en ligne comme, par exemple, celui d'Unilever (www.pourtoutvousdire.com), et les marques n'ont pas hésité à créer des sites traitant de problématiques spécifiques ou s'adressant à des cibles précises (Les filles de Procter & Gamble : www.lesfilles.tm.fr). Pour le recueil de données, les sites internet s'imposent particulièrement. « Le Web a changé la donne car il autorise la qualification séquentielle, estime Philippe Delière. Quand vous envoyez un questionnaire papier, soit le consommateur va répondre à vos questions et le renvoyer, soit il va le jeter. Avec le Web, il peut revenir cinq fois sur le site, et il est possible de lui poser les questions progressivement. Cela adapte l'effort du consommateur. » L'animation de la cible version on line, par jeux concours, création de forums et de communautés de clients, envoi de conseils personnalisés ou de recettes, gagne également beaucoup en souplesse. Les sites des marques sont devenus des laboratoires du comportement client. Et des expériences d'envois de coupons via e-mails à des clients identifiés, qui doivent les imprimer puis se rendre en magasin, commencent à voir le jour. D'après l'institut d'études Médiamétrie, en novembre 2003, plus de 21 millions de personnes ont surfé sur le Web, quels que soient leur mode et lieu de connexion. La cible internaute devenant de plus en plus large, les industriels devraient, dans les mois à venir, investir de plus en plus le média on line. D'ailleurs, les demandes concernant des fichiers d'adresses e-mails se développent. « Nous enregistrons une forte attente sur l'e-mailing, précise Arnaud Caplier. Pour enrichir les bases en données e-mails, et pour développer des stratégies de conquête par mail. C'est vrai que le coût au contact est plus faible, la mesure de la performance plus aisée et la segmentation facilitée. » Contrairement à son étiquette de frileux envers le marketing direct, le marché de la grande consommation a bien su s'emparer du marketing relationnel. En tout cas, au sein des grands groupes qui disposent d'une puissance financière suffisante et d'une diversité dans leur gamme de produits assez large pour jouer sur des stratégies de cross selling et de rentabilisation des campagnes.

A quand le mariage ?


Certains experts estiment qu'un cap a été passé. « Auparavant, on ne pouvait aborder la question du marketing direct sans aussitôt parler de rentabilité du programme, relate Sylvie Lebuhotel. Aujourd'hui, ce n'est plus vrai, car les acteurs comprennent mieux les enjeux du marketing direct, ses limites, ses points forts et faibles. Ils ont fait leur apprentissage. » Cette vision optimiste n'est pas partagée unanimement. Mais les agences de marketing opérationnel reconnaissent que la relation avec les fabricants de la grande consommation a évolué. Aujourd'hui, les marques se sont dotées d'équipes aguerries au marketing direct et disposant de compétences assez proches de celles des agences. « Nous avons plus un rôle de conseil stratégique, et d'innovation, sur les nouveaux médias à utiliser comme, par exemple, la téléphonie mobile ou la télévision interactive, remarque Philippe Delière. En même temps, nous gardons notre rôle de mise en œuvre des programmes, qui font appel désormais à des compétences plus pointues, en termes de création de contenus, pour des consumers magazines, par exemple. » Pour les petites marques, le marketing relationnel sera certainement difficile à investir, sauf à trouver le moyen de mutualiser les coûts avec d'autres industriels. Quant aux groupes, il leur reste à inventer de nouveaux modes de contacts avec leurs clients, peut-être plus originaux et encore mieux adaptés à la cible visée. Car les ressorts et les problématiques développés dans les programmes relationnels manquent d'originalité. A l'heure du mariage, la question, en arrière plan, de savoir si le marketing direct est bien adapté à la grande consommation ne se posera plus… Mais la date des noces n'est pas encore fixée !

 
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Laure Deschamps

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