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Comment distribuer mieux ?

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Leurs qualités sont irremplaçables. Leurs performances, exceptionnelles. Néanmoins, les prospectus font l'objet d'interrogations. Symboles, selon leurs détracteurs, d'une distribution dispendieuse et pollueuse, ils sont montrés du doigt. Les enseignes, elles, s'interrogent. Pas question de s'en passer, bien sûr, mais peut-on mieux les utiliser ?

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Très prochainement, un décret devrait frapper les prospectus. Objectif : obliger ceux qui les émettent à contribuer à leur collecte, leur valorisation et leur élimination. Cette "écotaxe" est révélatrice à double titre. D'une part, elle témoigne une nouvelle fois de la défiance dont la grande distribution fait l'objet. Un problème se pose ? Taxer les grandes surfaces est bien souvent la solution privilégiée, sans trop regarder à la pertinence de l'impôt en question.

Christian Bachelier (Système U)

: "L'imprimé sans adresse crée l'événement et génère du trafic. A cet égard, il n'est pas comparable."




D'autre part, cette taxe désigne clairement le prospectus comme objet du délit. C'est vrai qu'ils en consomment, des arbres, les prospectus. Plus que l'ensemble de la presse. C'est vrai que les habitants de certaines zones, qui dépassent très largement la moyenne des 10 kg de prospectus reçus chaque année, peuvent être excédés par cet amoncellement de "prix hyper doux", de "foires aux caissettes", et autres "eurofolies", au milieu desquels ils ont parfois du mal à retrouver leur courrier. Mais est-ce cette vision un peu parisianiste qu'il faut retenir de la publicité non adressée ? Au vu de l'accueil que lui réservent les consommateurs, il semble au contraire que les qualités des prospectus prennent largement le pas sur ses défauts. « Nombreuses sont les consommatrices qui, lorsqu'elles ne reçoivent pas leur catalogue, appellent le magasin pour s'en plaindre, affirme Philippe Thomas, directeur commercial d'Adrexo. C'est un document très attendu. Les courses du samedi sont un événement important, et toute la littérature qui s'y rapporte est importante. » Analyse voisine pour Jean-Pierre Leterrier, président d'Arbalet, société spécialisée dans la pige des prospectus. « Les critiques viennent d'une petite minorité de consommateurs, ou de publicitaires qui aimeraient sans doute voir la grande distribution à la télévision. Mais l'ISA dispose d'énormément d'atouts. C'est une "vitrine déportée" du magasin. Vitrine qui, en outre, expose toutes les bonnes affaires. » Les consommateurs ne s'y trompent pas. Ils sont 86 % à lire les prospectus, 72 % à les aimer. Et, pour ce qui est de l'incitativité, 73,9 % affirment avoir procédé à un achat suite à la réception d'un prospectus (source : Médiapost). Le distributeur, de son côté, a l'habitude de dire de l'ISA que, s'il ne sait pas bien ce qu'il lui rapporte, il voit parfaitement ce qu'il en coûte de l'oublier. Soit 10 à 20 % de fréquentation, pour reprendre un chiffre communément admis. Ainsi, l'ISA a un impact évident et direct sur la fréquentation du magasin. « Avant tout autre considération, l'ISA est un média très efficace, insiste Christian Bachelier, directeur de la communication de Système U. Il crée l'événement et génère du trafic. A cet égard, il n'est pas comparable. » Enfin, les industriels aussi l'apprécient. Pour eux, la publicité non adressée est un moyen d'émerger dans l'offre de plus en plus large des enseignes. Une présence sur un prospectus, et les ventes s'envolent. Des industriels qui financent partiellement l'outil. Ce qui fait dire au passage à Philippe Ingold, expert en stratégie promotionnelle : « Le problème, lorsque l'on évoque les catalogues, c'est que l'on n'est pas dans un raisonnement économique. Les dépliants étant partiellement financés par les marques, les enseignes peuvent être enclines à en diffuser davantage. » Autant d'appréciations et d'analyses qui toutes arrivent au même résultat : la publicité non adressée se porte bien. La grande distribution diffuse chaque année près de 8 milliards de tracts, dont environ 75 % pour les grandes surfaces alimentaires. Celles-ci proposant par ailleurs, quelque 7 400 opérations qui intègrent des tracts. Si l'ISA a connu une forte croissance dans les années 90, le marché s'est stabilisé. « Il y a toutefois des nuances, affirme Alain Guinberteau, président de A3 Distri, société également spécialisée dans la pige des prospectus. Du fait de la concentration des enseignes depuis quelques années, il y a moins de prospectus locaux et régionaux, au profit des opérations nationales. Et si les boîtes à lettres contiennent moins de prospectus des enseignes de grandes surfaces alimentaires, les grandes surfaces spécialisées et les "category killers" développent de plus en plus une offre régulière. » Il n'empêche. Si tout va bien pour l'ISA, les interrogations à son sujet sont permanentes. Compte tenu des coûts, qui, bien que partagés restent très élevés, les catalogues offrent-ils le retour sur investissement que les distributeurs sont en droit d'attendre ? Les diffusions massives dans le cadre de grandes opérations publi-promotionnelles ne tiennent-elles pas du gaspillage ? Ne faut-il pas s'interroger sur le nombre d'opérations, qui se succèdent désormais à un rythme tel qu'elles en perdent leur sens ? De très nombreuses petites enseignes se sont mises au prospectus, et indirectement, concurrencent les grandes enseignes dans les boîtes aux lettres en réduisant leur visibilité. La perception par les consommateurs n'en souffre-t-elle pas trop ? Et puis il y a cette fameuse taxe, qui met en jeu des sommes considérables, quoi que difficiles à évaluer pour l'instant. Et qui, selon Alain Guinberteau, « pourrait bien transformer les enseignes en éboueurs, avec le développement de bacs de récupération sur les parkings ». Puisque l'on évoque les pouvoirs publics, un mot également de la loi sur les nouvelles régulations économiques, qui interdit la mention de tout prix de vente sur les prospectus de fruits et légumes. Nous n'irons pas jusqu'à évoquer la conscience écologique des distributeurs, mais de nombreux éléments conduisent les enseignes à s'interroger : serait-il possible de procéder autrement ? Pourrait-on, par exemple, remplacer massivement l'ISA par d'autres outils ? Cette première hypothèse est à balayer d'un revers de main. L'écart d'efficacité entre l'ISA et les autres médias permet difficilement de l'envisager. Et il est clair que seuls des facteurs exogènes de type réglementaires pourraient venir à bout de l'ISA. Deuxième hypothèse : réfléchir à des outils de complément qui pourraient s'attribuer une petite part du gâteau détenu par les prospectus. « Si arbitrage il y a, et les enseignes réfléchissent effectivement à des arbitrages, c'est uniquement à la marge, prévient Sandra Mourgue, chef de service marketing chez Mediapost. L'ISA est appelé à rester le média numéro un des magasins. » Qu'en est-il des consumers et autres cartes de fidélité adressées ? Atout numéro de l'adressé, son formidable taux de retour, qui atteint voire dépasse les 50 % chez certains distributeurs (Casino, Mr Bricolage...). Rien à voir avec les 5 % de retour estimés pour le prospectus. Par ailleurs, 30 % des clients les plus fidèles d'une enseigne génèrent 70 % de son chiffre d'affaires ! Dès lors, on comprend pourquoi plusieurs enseignes ont développé une réflexion visant à privilégier davantage la fidélisation par rapport au trafic. Et donc, le mailing adressé par rapport au prospectus. Rares sont pourtant celles qui peuvent crier victoire. Casino peut-être. L'enseigne affirme avoir réduit de 15 à 20 % le nombre de ses prospectus, il y a trois ans, lors du lancement de sa carte de fidélité. Depuis, la diffusion de prospectus, optimisée via le géomarketing, reste stable. Cela dit, si les expériences de substitution ne sont guère concluantes, la complémentarité entre ISA et adressé fait mouche. « La distribution d'imprimés sans adresse peut, par exemple, s'accompagner d'un mailing réalisé via notre nouvel outil : le fichier des nouveaux emménagés, explique Sandra Mourgue. Il s'agit d'une cible qui n'a pas encore ses habitudes et donc très intéressante.

Jean Pierre Leterrier (Arbalet)

: "L'ISA est une "vitrine déportée du magasin. Vitrine qui, en outre, expose toutes les bonnes affaires."





La surpression et le mixage des supports s'avèrent ici très efficaces. » De même, les enseignes qui proposent une carte de fidélité peuvent intégrer au tract des points à valoir sur la carte. « C'est un double avantage pour le porteur, constate Christian Bachelier. D'un côté, la promo, de l'autre, les points de sa carte. Les résultats sont très bons. » Pourtant, en raison de leur coût, les outils adressés auront bien du mal à avoir un impact comparable à celui de la publicité non adressée. Et si l'on pointe du doigt la banalisation des prospectus, les cartes de fidélisation ont encore des progrès à faire dans ce domaine. Elles permettent certes aux enseignes de se distinguer... mais surtout par rapport à leurs concurrents qui n'en proposent pas ! Il leur reste à mieux exploiter les bases de données clients pour marquer leur différence. D'autres outils, dits de proximité, offrent d'intéressantes perspectives. La PQR, l'affichage local, le cinéma... sont autant de médias qui peuvent se révéler très complémentaires avec l'ISA. « Et même, dans certains cas, menaçants pour l'ISA, estime Bertrand Mancel-Bize, directeur de Mailbox, société spécialisée dans le contrôle de la distribution d'ISA. Ne serait-ce que parce que certaines zones ne sont pas très perméables à l'ISA, avec, par exemple, des immeubles difficiles d'accès. Dans un tel cas, l'arbitrage avec des médias locaux est envisageable. » A ces médias vient désormais s'ajouter le petit dernier : l'e-mailing. « L'association tracts/e-mailing peut se révéler très efficace, estime Franck Ladegaillerie, directeur général de Caddi, société également spécialisée dans le contrôle terrain. Le tract sature une zone et le mail est utilisé en renfort de l'opération. » Par exemple, pour alerter les clients ou souligner les temps forts de la promo. Plus globalement, le Web peut devenir un excellent relais pour le prospectus. On connaît déjà la promo sur Internet, à quand les "cataweb" ?

Des efforts de rationalisation


Mais c'est surtout vers une utilisation plus rationnelle et plus efficace de la publicité non adressée que se tournent les enseignes. Pour elles, l'objectif principal n'est pas de distribuer moins, mais de distribuer mieux. C'est-à-dire, d'une part, de cibler avec plus de précision, et d'autre part, d'optimiser les ISA, de les rendre plus attractifs et plus opérationnels. Le challenge est ambitieux... Nul ne peut contester l'évolution des prospectus au cours de ces dernières années. « Le contenu a beaucoup changé, estime Franck Ladegaillerie. Les produits sont plus qualitatifs. Les enseignes ont cherché à développer une relation à la marque en proposant autre chose qu'une simple liste de produits et de prix. C'est une évidence sur les catalogues de grandes enseignes type Leroy Merlin, Carrefour ou Auchan. » Il est vrai que, depuis plusieurs années, les catalogues mettent volontiers en avant des produits saisonniers, occasionnels, du bazar, du textile... Mais point trop n'en faut. Ces produits, s'ils sont source de différenciation, intéressent un nombre moins important de clients, génèrent moins de chiffre d'affaires, et doivent donc nécessairement être équilibrés par d'autres. Les thématiques ont-elles aussi évolué ? Thématiques à double sens. Il y a celles, un peu prétexte, qui rythment l'année promotionnelle dans les grandes surfaces : rentrée des classes, St-Valentin, Nouvel An chinois, Halloween... Et puis il y a les opérations thématiques sur un rayon ou sur un univers : tracts bijoux, par exemple. Toujours au chapitre des changements, les partenariats ont explosé. La petite photo 2 x 2 avec prix promo n'étant pas suffisamment valorisante pour l'industriel, ces dernières années ont été marquées pas le développement exponentiel des opérations de trade marketing dans les tracts. Bons de réduction, bons de réduction différés, offres de remboursement, bons d'achat, cadeaux, jeux... tous les systèmes, des plus simples aux plus sophistiqués, sont ici mis en oeuvre... Enfin, les enseignes utilisent de plus en plus les tracts comme vecteur d'image. Chaque enseigne étant présente au même moment, avec des prix identiques et une offre qui ne l'est pas moins, pourquoi ne pas essayer de mettre en avant ce que l'enseigne a de vraiment différent : ses "valeurs". « Mais attention, prévient Christian Bachelier. L'objectif n'est en aucun cas "d'embringuer" le consommateur dans des discours complexes qu'il ne comprend pas. Le prospectus doit garder son utilité première de vitrine à domicile du magasin. Il faut d'abord répondre aux besoins. L'image se construit ensuite par l'environnement créé autour de cette base. » Tous ces efforts ont-ils permis de mettre à mal l'extrême banalisation qui est reprochée aux prospectus ? La réponse est non ! « Les actions de trade marketing sont souvent difficilement compréhensibles par le consommateur, estime Philippe Ingold. Les approches thématiques donnent une impression d'inachevé. De belles idées sont souvent suivies d'un entassement de produits de grande consommation. On commence avec l'arrivée du printemps, on finit avec les couches-culottes... » Ce qui ne signifie pas que les belles opérations n'existent pas... En général, elles ont lieu aux temps forts de l'année pour la distribution : Noël, Foire aux vins, rentrée... Les tracts jouets de Noël de certaines enseignes (Cora par exemple), qui s'étalent sur plusieurs centaines de pages, sont dignes des catalogues de VPC. Des jouets et seulement des jouets, c'est logique et cohérent. Mais il est vrai que le caractère à la fois particulier et porteur de l'événement facilite les choses. « Sans doute la solution passe-t-elle par une réponse plus précise à la question de base : à quoi servent les catalogues ?, poursuit Philippe Ingold. L'enseigne souhaite se différencier. La marque attend une meilleure visibilité, mais pour vraiment atteindre ces objectifs, il faudrait aller plus loin en matière de "thématisation" des outils. Il faudrait définir des outils marketing précis intéressants à la fois pour les distributeurs et pour les marques. » La cohérence, ce peut être tout simplement un dépliant thématique de recettes avec en promo (ou en partenariat), les seules marques et références nécessaires à la réalisation des recettes en question. Il faudrait alors inverser la logique du système. Non pas partir de marques qui sont prêtes à s'afficher sur tract, mais d'une idée, d'une thématique. Puis choisir des produits cohérents par rapport à cette idée.

Ciblage et distribution


Il n'est toutefois pas sûr que, pour les distributeurs, le problème numéro un soit celui du contenu des ISA. La partie aval du circuit, ciblage, distribution, contrôle, est encore plus importante à leurs yeux. Si beaucoup de progrès ont été faits en matière de ciblage, les grandes surfaces alimentaires continuent de privilégier la stratégie du rouleau compresseur. « Pour les GSA, les ciblages comportementaux sont plutôt en mode veille, estime Bertrand Mancel-Bize. Elles ne souhaitent pas perdre la puissance de leurs opérations et restent pour l'instant dans une logique "toutes boîtes". Par opposition, les GSS sont beaucoup plus concernées par le géociblage. » Il faut dire que dans les zones où chassent deux enseignes concurrentes, perdre sa puissance, c'est perdre du trafic, dans la mesure où le critère de fréquentation est la visibilité par rapport à un concurrent direct. Ailleurs, les choses sont plus ouvertes. « Nous essayons d'aller vers plus de précision, affirme Christian Bachelier. De sortir des schémas classiques qui consistent à toujours utiliser le même type de ciblage pour des thèmes différents. Il faut parfois investir un peu plus sur certaines opérations, un peu moins sur d'autres, avoir des stratégies de diffusion différenciées liées aux implantations, aux performances terrain et aux objectifs. L'analyse de sa zone de chalandise permet, par exemple, de détecter les bons clients et les zones de conquête. Dès lors, on peut privilégier ces dernières au lieu "d'arroser" massivement, ce qui coûte très cher, ou de diffuser de façon trop parcimonieuse, ce qui n'est pas efficace. » Analyser des zones de chalandise... Tel est donc le premier obstacle que doivent franchir les distributeurs. Sinon le plus important, du moins le préalable à toute démarche visant à optimiser sa diffusion. « Il est temps de trouver des approches plus efficaces, plus fines et de mieux connaître la dynamique de ces zones », estime pour sa part Philipe Thomas. Ce micro-marketing de la zone de chalandise a fait des progrès considérables, sous l'impulsion de sociétés telles qu'Iri-Sécodip, Claritas ou Consodata. Du coup, la théorie des zones primaires, secondaires ou tertiaires paraît un peu dépassée. De nouvelles notions comme la "zone d'emprise" d'une enseigne, la "zone de clientèle" ou la "zone de proximité" ont pris le relais. La zone d'emprise, c'est en résumé la totalité du champ d'action d'une enseigne. Donc, sa zone de communication, donc de diffusion de tracts. Ainsi, dès que l'on définit une zone d'emprise, on peut voir apparaître des zones de concurrence au sein même de l'enseigne. « Cela permet d'optimiser très fortement l'allocation et l'utilisation des ISA, explique Philippe Thomas. Des enseignes ont mis en place des études pour bien définir leur zone d'emprise. »

Zones d'emprise, de conquête et de proximité


Autre notion, un peu moins usitée, celle de zone de clientèle. Elle regroupe l'ensemble des clients non plus de l'enseigne, mais d'un magasin donné. Son utilité ? Définir la communication en matière de tracts sur les opérations locales à l'initiative du magasin, et ainsi, déterminer des zones où l'on peut distribuer des ISA en plus des opérations nationales. Enfin, la zone de proximité regroupe les clients qui viennent le plus fréquemment dans un magasin. Dans un rayon de 5 minutes, un Carrefour fidélisera 70 % de sa clientèle qui considère l'hyper comme un magasin de proximité. On peut dès lors s'interroger sur l'opportunité de diffuser des tracts sur une zone déjà conquise. Pourtant, l'ISA sera bel et bien utilisé, non pas dans une logique de conquête, mais d'augmentation du panier moyen. Plus étonnant encore : tout ce qui touche aux notions de zones de bascule. Prenons deux hypers distants de 10 kilomètres, avec des zones d'habitation dont les consommateurs pourront êtres attirés indifféremment par l'un ou par l'autre. Les habitants de ces zones auront une plus grande tendance à l'infidélité : des rayons qui changent, des prospectus qui plaisent moins, des offres moins alléchantes ? Ils iront immédiatement voir en face. « Il s'agit là de zones très convoitées, sur lesquelles les enseignes peuvent doubler, voire tripler la fréquence des opérations d'ISA, explique Philippe Thomas. S'il y a un surcroît de pression à exercer en matière d'ISA, c'est là qu'il faudra le faire. » Ainsi a-t-on vu se développer certaines zones dans lesquelles la pression en matière de catalogues est devenue quasi insupportable. Et dans lesquels seuls survivent les gros catalogues des enseignes d'hypers, tant ils étouffent la concurrence. « Je ne pense pas que les grandes surfaces négligent le ciblage, résume Philippe Thomas. Aujourd'hui, la grande distribution commence à spécialiser ses ISA sur des thèmes ou sur des zones données. » Mais comment faire du géomarketing lorsque les zones prédéfinies évoluent constamment ? Tout simplement en ayant une connaissance très précise du terrain. Ce que permettent les nouvelles bases de données cartographiques, réalisées grâce au recensement permanent des distributeurs. Bien connaître ses clients, à des coûts les plus bas possibles, tel est l'enjeu. « On entre dans une période de marketing de proximité, dans laquelle les bases de données locales et personnalisées vont se développer très fortement, insiste Philippe Thomas. Elles vont permettre au commerce local d'avoir des stratégies de communication équivalente à celles mises en place par les grandes enseignes nationales. » Et aux magasins d'une enseigne de gagner de l'autonomie par rapport à leur siège ? « Plus exactement, de gagner de l'efficacité, répond Philippe Thomas. Un patron de magasin aura à sa disposition les outils lui permettant de gagner de la part de marché. Il devra dès lors avoir une large initiative. Les enseignes gagnantes sont celles qui vont développer des outils leur permettant d'avoir une stratégie nationale et locale. » Et, par la même occasion, de réconcilier sièges et points de vente autour des prospectus ? Car il faut bien avouer que pour l'instant, il y a souvent discorde. Les prospectus donnent lieu à une incessante guéguerre entre sièges des enseignes et patrons de magasins. Alors que les sièges ont plutôt tendance à freiner l'utilisation de l'ISA, les directeurs de magasins, qui entretiennent un lien quasi affectif avec l'ISA, ne veulent pas en entendre parler.

Distribution et contrôle


Développement de cahiers des charges, mise en place de méthodologies... La distribution proprement dite connaît, elle aussi, des évolutions régulières. 1 000 boîtes à lettres peuvent générer entre 4 500 et 7 600 euros de chiffre d'affaires par semaine ! D'où l'intérêt d'être performant à ce niveau. Alors qu'un chef de produits, depuis le siège parisien d'une grande marque de grande consommation, sera beaucoup plus sensible aux mécanismes et aux processus de ciblage mis en place, le patron d'hyper, lui, s'intéressera d'abord à la logistique de distribution, au respect des délais et à la qualité de la "mise en boîte". C'est pour vérifier la qualité de cette distribution qu'une activité de contrôle a vu le jour depuis quatre à cinq ans. Elle est développée par des sociétés telles que Caddi, Mailbox ou Anaïs. « Compte tenu du poids du facteur humain dans la distribution d'ISA, il est essentiel de mettre en place des "points de contact" et de mesurer régulièrement l'évolution de la qualité de distribution », considère FranckLadegaillerie, dont Caddi, la société, est leader sur ce marché encore jeune. Aujourd'hui, 60 à 70 % des grands clients du prospectus utilisent le contrôle, ou l'ont déjà testé. Il est probable que dans un avenir proche, tous s'y convertiront. « Nous estimons améliorer de 20 % la pénétration des documents sur une zone par nos interventions, affirme Bertrand Mancel-Bize, pour la société Mailbox. Donc, une amélioration de 20 % des rendements induits par l'opération. » A côté du contrôle de distribution proprement dit, les spécialistes du contrôle se sont lancés dans le conseil et l'accompagnement des clients. En amont, ils proposent, par exemple, la réalisation de cahiers des charges, la validation de méthodologies de ciblages, la mise en place d'audits de quantités sur telle ou telle zone... Et en aval, la réalisation de post-tests et d'études qualitatives sur les résultats d'une opération. « Très peu d'enseignes mesurent l'efficacité de leurs campagnes, sinon en fin de semaine, avec l'affluence des clients, affirme Bertrand Mancel-Bize. Mais, si le chiffre d'affaires permet effectivement de dire si une campagne d'ISA a été performante ou non, il n'explique pas pourquoi. L'enseigne passe ainsi à côté d'informations précieuses. Sur toutes les études que nous avons réalisées, rares sont celles qui n'ont pas d'implication en termes d'organisation, de contenu ou de format. » Plus globalement, ces sociétés de contrôle se positionnent un peu comme un "contre-pouvoir" à la puissance des distributeurs. « Je pense que c'est une attente des émetteurs d'ISA, car en participant à la définition des zones de distribution et des quantités à distribuer, et en effectuant cette distribution, les distributeurs sont un peu juges et parties, estime Bertrand Mancel-Bize. Contre-pouvoir, nous le sommes plus encore avec la fusion Mediapost/Delta Diffusion. Cet événement constitue un vrai sujet de préoccupation pour tous nos clients, qui craignent à la fois une réduction de leur marge de négociation avec les deux leaders, Mediapost et Adrexo, une augmentation des tarifs proposés, et des problèmes de qualité, leurs prospectus risquant d'être couplés avec de multiples autres pendant la distribution. En réaction, il y a donc une tendance actuelle des grandes enseignes de distribution à rechercher en local des sociétés de taille intermédiaire pouvant intervenir sur un ou plusieurs sites de magasins. » Beaucoup d'outils, beaucoup de solutions permettent d'offrir de meilleures garanties aux enseignes en matière de distribution d'ISA. Reste que l'on ne change pas une formule qui gagne. Ou alors, très lentement, par petites touches. Gageons que si ces solutions sont source de performance pour la distribution, cette dernière saura voir où est son intérêt.

« Le contrôle pour optimiser "en temps réel" » Franck Ladegaillerie, directeur général de Caddi


« Caddi a été créé il y a cinq ans. C'est l'un des pionniers du contrôle terrain. Chaque année, nous contrôlons 2 000 à 2 500 opérations pour des enseignes comme Carrefour, Auchan ou Leroy Merlin, GSA ou GSS. En général, nous contrôlons les grandes opérations nationales, fortement génératrices de trafic. Selon nos derniers chiffres, 82,7 % des prospectus sont bien distribués. Soit un point de mieux que l'indice Caddi 2000-2001. Nous divisons ensuite les distributions défectueuses en plusieurs catégories : distribution hors des délais convenus, distribution ne répondant pas au cahier des charges (documents couplés à d'autre, laissés chez un concierge... alors que le cahier des charges stipulait le contraire) et non distribution. Mais le contrôle ne vise pas seulement à mesurer. Il a aussi pour objectif d'optimiser les opérations "en temps réel". En effet, nos équipes remontent jour après jour les problèmes et les communiquent aux entrepôts des distributeurs qui peuvent ainsi rectifier le tir. »

« Il reste encore beaucoup à faire » Philippe Ingold, consultant en stratégie promotionnelle


« Les enseignes n'ont pas totalement abandonné l'idée de stratégies de trafic, par rapport à des stratégies de fidélisation et "d'optimisation de clientèle." Les discours des enseignes portent en général sur la relation client, mais chassez le naturel, il revient au galon... Il est très difficile de résister à la tentation d'une distribution massive. Les enseignes s'en voudraient de passer à côté de clients potentiels, même s'ils ne doivent être qu'occasionnels. C'est-à-dire a priori moins intéressants économiquement que les clients fidèles. Je pense qu'il y a un gaspillage assez important à vouloir arroser toutes les zones de chalandise de façon massive. Au niveau du catalogue proprement dit, si les évolutions ont été nombreuses au cours de ces dernières années, il reste encore beaucoup à faire. Des outils marketing permettant à la fois à l'enseigne de se différencier et à la marque d'avoir une meilleure visibilité restent à inventer. »

« Le média de trafic par excellence » Valérie Tetard, responsable marketing d'Optic 2000


« Nous donnons la possibilité à notre réseau d'opticiens de relayer localement la publicité nationale. Les outils mis à leur disposition sont nombreux : kits pour vitrine, prospectus, affiches, presse, cinéma et radio. S'agissant des prospectus, nous avons constaté une progression très forte, multipliée par quatre, au cours des trois/quatre dernières années. Tout simplement parce que le média est très efficace. Dans l'année, nous avons trois grandes périodes de communication nationale. Nous mettons en place des opérations de trafic, avec une offre forte. Par exemple, deux paires de lunettes titane pour le prix d'une. Le prospectus relaie l'offre en question en la développant, en expliquant ses modalités et en valorisant les services de l'enseigne. Ce n'est donc pas un "catalogue d'offres". Les clients viennent chez les opticiens avec le prospectus. Cette démarche plaît beaucoup aux opticiens. A leurs yeux, elle fait du prospectus le média de trafic par excellence. Le ciblage respecte la zone de chalandise attribuée à chaque opticien. A l'intérieur de cette zone, c'est une distribution "toutes boîtes" qui est privilégiée. Nous avons proposé aux opticiens de cibler davantage leurs prospectus, mais cette possibilité n'est pas utilisée. Il faut dire que tout le monde est concerné par les lunettes... »

« Une vraie réflexion autour de la notion de zone de chalandise » Sandra Mourgue, chef de service marketing chez Médiapost.


« La tendance du marché est positive, avec une progression du prospectus d'environ 2 %, alors que l'on attendait plutôt des chiffres à la baisse. C'est un marché mûr, mais qui progresse encore, et qui récemment, a peut-être tiré profit du ralentissement sur les médias classiques. On observe une évolution qualitative certaine des catalogues. Dans les grandes surfaces spécialisées, ils se rapprochent parfois des consumers magazines. En grande distribution en revanche, on reste majoritairement dans une logique de tracts prix promo. Seuls quelques temps forts dans l'année donnent lieu à des catalogues thématiques plus élaborés. En matière de ciblage, les GSS se distinguent là encore des GSA, finalement assez peu utilisatrices. Ce sont surtout les GSS de jardinerie, bricolage, sport... qui utilisent le ciblage. Il n'empêche qu'il y a aujourd'hui une vraie réflexion autour de la notion de zone de chalandise, certaines enseignes se dotant même de systèmes d'information géomarketing. L'enjeu, c'est une meilleure définition de la zone et un mixage de différents outils. Mailings adressés, ISA, e-mailing... tous ces supports viennent en "surpression" les uns des autres. Et en aucun cas en substitution. »

« Capitaliser sur les systèmes informatiques » Philippe Thomas, directeur commercial d'Adrexo


« En matière de distribution, notre choix a été de capitaliser sur les systèmes informatiques, ce qui permet d'avoir des procédures de travail à la fois rigoureuses et constantes. Ainsi, lorsqu'ils partent sur le terrain, nos distributeurs ont une feuille de route, avec toutes les particularités de la distribution, adresses délicates, etc. Nous portons aussi beaucoup d'intérêt au management des collaborateurs. Chaque matin, le responsable rencontre tous les distributeurs, soit une centaine par unité de distribution. Chaque fois que les volumes à distribuer deviennent importants, nous scindons la zone en deux, avec un responsable supplémentaire. Cette approche nous permet d'excellentes performances en matière de distribution, et surtout, de respect des délais. Une qualité essentielle pour la distribution. 95 % de nos clients nous restent fidèles l'année suivante. »

 
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Jean-françois Cristofari

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