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« Se recentrer sur les fondamentaux »

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Dans un marché difficile, le VADiste d'origine allemande a su redresser la barre et redevenir rentable. A la tête de l'enseigne depuis 2005, Tarek Ghandour a imposé ses idées pour que Quelle et son catalogue reviennent aux basiques qui avaient assuré leur succès dans les années 1980. Cet ancien du groupe Danone livre son témoignage sur ce repositionnement atypique réussi.

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Marketing Direct Quel regard portez-vous sur la situation actuelle du marché de la vente à distance?

Tarek Ghandour: Le marché actuel de la VAD est clairement décomposé en deux sous-ensembles très différents avec d'un côté la VPC traditionnelle et de l'autre les pure-players. Durant les trois dernières années, tandis que la première accusait un recul de 8 à 10%, les seconds enregistraient des records de croissance de l'ordre de 40% par an. Cela veut donc dire que ce n'est pas le concept de la vente à distance qui est en cause mais plutôt la manière dont on l'utilise. La VPC est née à l'époque où l'offre commerciale de proximité était insuffisante, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. Il est donc impératif de réinventer le modèle des enseignes de VAD et de leur appliquer les recettes qui font le succès des sites marchands: profondeur et actualisation rapide de l'offre et une spécialisation qui permet d'émerger sur le marché.

Votre expérience passée chez Danone et PPR a-t-elle influencé vos prises de décision chez Quelle?

A la base, je suis un homme de marketing. Mon premier métier c'est de piloter des marques en grande consommation, comme je l'ai fait avec Evian et Blédina, chez Danone, pendant quinze ans. Je me suis donc peu à peu spécialisé dans la gestion des marques anciennes en léger déclin avec pour mission de les relancer. Ma méthode est identique il s'agit de revenir aux racines historiques de la marque afin de comprendre ce qui avait pu assurer son succès. En parallèle, j'essaie d'identifier le lien entre la marque et les clients et de l'actualiser. Mon second métier consiste à réduire les coûts.

«Miser sur Internet, c'est aller dans le sens de l'histoire, ni plus ni moins.»

Effectivement, lorsque vous avez pris les rênes de Quelle, en 2005, l'une de vos premières actions a été de mener un travail de restructuration en profondeur. Comment vous-y êtes vous pris?

J'ai joué la transparence. Dès le début, j'ai publié et communiqué les résultats de l'entreprise. Ensuite, nous avons dû tracer une perspective claire. Lorsque nous avons annoncé le plan de réduction d'effectif, qui concernait près de 360 personnes, dès la fin 2005, nous avons pris le temps de l'expliquer aux équipes, de leur exposer les enjeux d'une telle décision. Pour ma part, il s'agissait de mon second plan social en tant que dirigeant après celui de la Maison de Valérie, et les deux se sont conclus sans une seule heure de grève.

@ Bruno Delessard

En 2005, lorsque vous êtes arrivé à la direction de Quelle, la situation de l'entreprise était critique. Comment l'expliquez-vous?

Quelle est une marque qui a plus de quarante ans. Elle a connu plusieurs phases dans son développement. L'enseigne a vécu un essor formidable dans les années 1980 et le début des années 1990, où elle a su se positionner comme une marque de prêt-à-porter assez sexy, voire légèrement provocante, s'adressant aux femmes de 30 à 40 ans. Puis, en 1995, la direction du groupe Karstadt, auquel appartenait Quelle, a souhaité mener une stratégie offensive en tentant de copier le modèle des grands vépécistes généralistes tels que la Redoute. Ils ont donc entrepris de diversifier largement l'offre, et le catalogue est passé en quelques années de 400 à 900 pages. Mais les clientes ne se sont pas retrouvées dans ce positionnement et ont donc peu à peu délaissé l'enseigne. Du coup, la direction a mené une politique de promotion excessive qui a eu raison de la rentabilité de l'entreprise. En 2005, quand je suis arrivé, Quelle avait essuyé environ 40 millions d'euros de pertes.

PARCOURS

Tarek Ghandour sort diplômé d'HEC en 1982. Il rejoint alors le groupe Danone au sein duquel il évoluera pendant quinze ans. Il est d'abord directeur marketing pour la marque d'eau minérale Evian puis directeur commercial de Blédina, dont il assure le relancement. En 1999, il rejoint le groupe PPR, et notamment l'enseigne La Maison de Valérie, où il exercera la fonction de P-dg pendant environ cinq ans, avant de quitter le groupe et de prendre, en 2005, les rênes de la direction de Quelle France.

Aujourd'hui, vous avez retrouvé l'équilibre financier. Quelles sont les mesures que vous avez dû prendre pour y parvenir?

Tout d'abord, j'ai pris le temps de comprendre la situation. Pour cela, j'ai dans un premier temps reçu tous les cadres commerciaux de l'entreprise pour qu'ils m'exposent leur vision des faits. Puis, chose rare dans la VPC, je les ai envoyés sur le terrain à la rencontre de nos clientes afin que nous puissions identifier leurs attentes. De ce brainstorming, nous avons acquis la conviction que le salut passait par le retour aux fondamentaux de la marque. Depuis 2005, nous avons donc entrepris de repositionner l'enseigne sur plusieurs plans. Cela s'est notamment traduit par une réduction du nombre de pages du catalogue. Il y a deux ans, ce dernier en comptait encore 850. La prochaine édition n'en comporte plus que 650. L'offre a été réduite à son périmètre d'origine qui ne compte que trois catégories de produits: le prêt-à-porter et la lingerie, dans un style qui nous est propre c'est-à-dire sexy et glamour, et la petite décoration.

Votre nouvelle offre s'adresse à une clientèle différente, quels moyens allez-vous mettre en oeuvre pour la conquérir?

Nous avons beaucoup misé sur le bouche à oreille, via une vaste campagne de communication dans les médias. Mais nous sommes avant tout des VADistes, le marketing direct garde donc une place de choix dans notre mix marketing. Nous avons segmenté notre base de données en critères RFM et nous avons dédié une «business unit» à chacun des segments identifiés, qui est en charge de la réalisation des différentes campagnes papier et e-mailing. Nous choisissons les canaux en fonction du cycle de vie de la cliente. Sur six mois, cette dernière peut donc recevoir un mini catalogue suivi d'une ou deux relances par mailing puis d'un e-mail.

«Nous choisissons les canaux en fonction du cycle de vie de la cliente.»

Internet représente près du tiers de votre chiffre d'affaires. C'est une priorité?

Notre problématique n'est en rien différente de celle de l'ensemble des VADistes qui voient tous leur chiffre d'affaires décoller de manière fulgurante sur le Web. Mais je ne peux pas me réjouir du fait d'avoir une croissance de plus de 200% sur Internet puisqu'il s'agit d'un phénomène purement mécanique: les clientes délaissent les modes de commande traditionnels et optent pour des moyens plus rapides et pratiques. Dans le même temps, les autres canaux perdent de l'argent. Mais le Web représente l'avenir de la VAD. Nous y portons donc une attention toute particulière et nous travaillons sur trois axes: l'actualisation des produits, la profondeur de la gamme proposée, l'offre de services et de conseils. Miser sur Internet, c'est aller dans le sens de l'histoire, ni plus ni moins.

Que vous a apporté le fait d'avoir choisi Adrexo pour la livraison de vos colis et mailings adressés, plutôt que l'opérateur historique?

Il s'agit avant tout d'une question de coût. Pour la livraison des colis à domicile, nous faisions, jusqu'à fin 2007, appel à Distrihome, filiale d'Adrexo, et à La Poste. Depuis le premier janvier dernier, nous ne passons plus que par Distrihome car, pour une qualité de service équivalente, la prestation nous coûte en moyenne 30% moins cher. En ce qui concerne la livraison en point relais, nous avons choisi de nous désengager de notre contrat avec Kiala et d'en confier la gestion également à Adrexo. Là encore, pour une qualité qui est sensiblement identique, nous économisons de 10 à 15% des coûts de livraison. Alors pourquoi se priver? En revanche, la partie mailing est encore en phase de test mais nous ne voyons pas de raison pour qu'à terme Adrexo gère également l'adressé pour notre compte.

Vous avez également fermé toutes les filiales exports déficitaires. Pourtant, vous venez de vous lancer sur le marché russe, pourquoi?

Le marché russe est en très fort développement et l'équipement commercial y est encore assez faible. Il y a donc un potentiel énorme pour des VADistes comme nous dans ce grand pays. Nous y avons lancé notre premier catalogue en novembre dernier, en association avec notre ancien actionnaire, Karstadt, qui réalise un chiffre d'affaires de 100 millions d'euros via son propre catalogue Quelle Allemagne. Les deux catalogues coexisteront car les offres et les cibles sont différentes.

La version germanique a une approche beaucoup plus généraliste pour une clientèle un peu plus âgée.

EN CHIFFRES

Catalogue allemand créé dans les années 1920, importé en France en 1965.
3 millions de clients.
35% des ventes générées par Internet.
40 millions d'euros de pertes en 2005.
Chiffre d'affaires prévisionnel 2007: 264 millions d'euros.

Vous avez, en outre, lancé en 2004 une offre de crédit à la consommation. S'agit-il pour vous d'un axe de développement aussi important que votre activité de vente à distance?

Il s'agissait d'une attente forte de nos clients. Cette offre de crédit à la consommation, mise au point dans le cadre d'une joint-venture avec Cofinoga, a dégagé en 2007 un encours de 400 millions d'euros. Un chiffre d'affaires qui a doublé en à peine deux ans! Si on le compare à nos résultats en vente à distance, c'est-à-dire environ 260 millions d'euros, on pourrait dire que c'est une activité qui est presque plus importante dans notre stratégie d'entreprise. C'est en tout cas en partie grâce au formidable développement de cette activité que nous sommes sortis du rouge.

Votre récent rachat par la société financière allemande, Aurelius, aura-t-il une influence sur votre stratégie dans les prochains mois?

Il est encore trop tôt pour le dire. Le closing n'a eu lieu qu'en juillet dernier et, pour l'heure, les responsables d'Aurelius sont dans une phase d'observation. Mais cela ne devrait pas modifier notablement nos principaux axes de développement et nos projets en cours de réalisation, même si l'on ne peut nier qu'il y aura forcément un impact induit par ce changement de propriétaire.

Pour conclure, pouvez-vous nous exposer vos objectifs d'ici à 2010?

A ce stade, il est important d'attendre que notre principal actionnaire nous dévoile ses plans. Nous avons encore beaucoup de travail qui découle directement de notre récent repositionnement. Nous allons donc continuer à porter nos efforts sur le Web, avec des projets d'importance à court terme sur l'activité crédit et sur notre implantation en Russie, dont nous attendons beaucoup. Le travail accompli est déjà énorme. Nous avons réussi à redresser la barre en dégageant un résultat positif dans un contexte où le marché global de la VAD est en déficit. C'est très encourageant pour la suite.

 
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Isabelle SALLARD

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