DossierDu social marketing au social research
Écoute, veille, source d'insights... Les réseaux sociaux et leur avalanche de données bouleversent le monde des études. Pour autant, si le social media a une fonction d'innovation marketing indéniable, il reste un outil d'études limité. Issu de Marketing Magazine n° 169 - Septembre 2013.

Sommaire
1 Les médias sociaux, des terrains d'études
Après les acteurs du Web et du mobile, c'est au tour des études de s'intéresser à la puissance des réseaux sociaux. Les chiffres parlent d'eux-mêmes pour illustrer l'ampleur du phénomène (cf encadré). Plus de 1 milliard d'inscrits pour Facebook, plus de 500 millions d'utilisateurs pour Twitter... D'après le troisième Baromètre annuel des Réseaux Sociaux de Médiamétrie, plus de 80 % des internautes sont inscrits à un réseau social, soit 32 millions de Français, un chiffre en progression de 2 millions par rapport à 2012. Le nouveau canal de diffusion est colossal ! Aussi, " est-il indispensable, dans un premier temps, de savoir ce qui se passe sur les réseaux sociaux. Après, il faut les intégrer dans les stratégies digitales ", expliquent Nathalie Perrio-Combeaux et Patrick Van Bloeme, directeurs associés et CEO de Harris Interactive France et UK, (précurseurs dans les études auprès des fans, dès 2009).
Les réseaux sociaux fourmillent d'informations sur les consommateurs : ils ont, tout d'abord, un rôle de social media ou social marketing : les entreprises ont depuis longtemps compris l'intérêt d'étudier les commentaires des internautes. Les instances professionnelles des études s'intéressent, elles aussi, de très près au sujet.
2 Des études en quelques clics avec les médias sociaux
Esomar a publié, en juillet 2011, un "Guideline on Social Media Research". " Nous menons une réflexion à ce sujet au sein de la commission études. Ce thème sera abordé lors de la Journée nationale des études 2013 ", précise Claudie Voland-Rivet, directrice marketing et innovation de l'UDA. Pour le Syntec Études de Marché & Opinion, qui a créé un groupe de travail sur les réseaux sociaux, "aujourd'hui, le Web n'est pas seulement un média, mais aussi un terrain d'étude, un miroir des opinions et des tendances, un lieu d'expression in vivo des perceptions et des usages" (source : site de Syntec).
Consulter le "Guideline on Social Media Research" d'Esomar (en anglais)
Également, " Le consommateur aime se raconter et l'annonceur connaître la "vraie vie" ", résume Valérie-Anne Paglia, dg d'Ipsos UU (Understand Unlimited), la division quali du groupe. " Le développement des réseaux sociaux dans les études correspond à un besoin croisé de la part des consommateurs et des entreprises, poursuit- elle. Les personnes veulent se raconter, parfois même avec un certain voyeurisme. De plus, pour le consommateur, il n'y a plus de frontière entre vie réelle et vie virtuelle. Il est dans sa cuisine et devant l'écran. C'est très naturel pour lui. " C'est là qu'intervient le second rôle des médias sociaux dans les études : au-delà de l'écoute et de la veille, les interactions avec le Web social sont source d'insights.
Pour beaucoup de professionnels, l'utilisation des réseaux sociaux doit dépasser le social media (animation de la fan page, achat média sponsorisé...) pour exploiter les leviers marketing. Réticents au départ, les réseaux sociaux ont ouvert une petite partie de leur boîte noire ! Viadeo a été le premier à proposer (dès 2009) des ciblages. LinkedIn offre la possibilité de diffuser des sondages. Facebook propose des ciblages d'audience mixant, par exemple, les données (anonymes) de ses utilisateurs et celles des fans de la page Facebook. Twitter développe des services tels Twittpoll ou GoPollGo pour adresser un questionnaire aux followers d'une marque. Avec Nielsen, Twitter a également lancé, en test, Twitter Surveys pour cibler non seulement les followers mais aussi l'ensemble des utilisateurs. Google Docs permet de faire un questionnaire que l'on peut ensuite insérer sur le blog de la marque...
Facebook : 1,1 milliard (mai 2013), dont 26 millions en France (Nielsen, juillet 2012)
YouTube : 1 milliard (mars 2013), dont 26 millions de vidéonautes uniques en France (Médiamétrie, mai 2013)
Twitter : 200 millions (décembre 2012), dont 5,5 millions de VU en France (ComScore, février 2013)
Google+ : 135 millions (décembre 2012), dont 5,5 millions de VU en France (ComScore, juillet 2012)
LinkedIn : 170 millions (mars 2013), dont 4,9 millions en France (Quantcast, juin 2013)
Tumblr : 188 millions, dont 4,3 millions en France (Quantcast, juin 2013)
Viadeo : 50 millions de membres (en mars 2013), dont 7 millions en France et 4 millions de VU en France (Médiamétrie, juillet 2013)
Instagram : 130 millions (juin 2013), dont 1,5 million de VU en France (Médiamétrie, juillet 2013)
Pinterest : 20 millions, dont 157 000 en France (Semiocast, juillet 2013)
(1) Sources : Alexi Tauzin, le blog d'un community manager
Slideshare : Baromètre annuel des Réseaux Sociaux - 3ème vague (Médiamétrie)
[Médiamétrie] Baromètre annuel des Réseaux Sociaux - 3ème vague (24.06.13) from Ad6 Media
Avec leur nombre croissant d'utilisateurs, les réseaux sociaux représentent de réelles opportunités pour les études.
3 Réseaux sociaux : un bon outil complémentaire pour les instituts
Quelle valeur ajoutée ont les instituts sur le sujet ? A priori, les marques peuvent réaliser des enquêtes toutes seules : le web monitoring est, à première vue, à la portée de tous. Autre concurrence pour les instituts : celle des sociétés spécialisées dans la veille social media, comme Apicube, OWI Technologies, Le Sphinx, Statosphère, Net- Conversations, Scan-Research, Trendy Buzz, Bringr.Net... mais aussi celle des agences digitales, des access panélistes... " En tant qu'institut, nous devons apporter une expertise différente car le secteur est concurrentiel entre les spécialistes en logiciels, les agences web, les sociétés de veille... Nous sommes ainsi cousins de Kantar Media, qui surveille les réseaux sociaux !, déclare Stéphane Marcel, managing director innovation & consumer understanding de TNS Sofres. La philosophie de TNS Sofres est de mixer ressources et outils. Nous procédons en trois étapes : en amont, nous décidons où regarder. Nous sélectionnons ensuite les échantillons et, ensuite, nous analysons ", précise-t-il.
Les instituts utilisent déjà les réseaux sociaux en complément de leurs études, soit seuls, soit en partenariat avec des sociétés de veille. " L'Ifop a été un des premiers, avec Harris Interactive, à construire des enquêtes d'opinion on line, mais aussi en bimode de recueil téléphone /on line et à se développer en réseaux sociaux, développe Stéphane Truchi, président du directoire de l'Ifop. Notre expérience en Asie, très en avance sur le sujet, nous a aidés. Nous avons créé plusieurs outils de veille en web social, open data et analyse de contenus, notamment avec le planning stratégique... La force de notre métier est d'interroger les gens. Penser qu'avec les réseaux sociaux, on n'a plus besoin d'interroger les gens, relève du fantasme. Les données du Web social enrichissent notre métier, mais ne le remplacent pas. D'ailleurs, nous avons peu de demande d'études sur le Web social de la part de nos clients. "
De plus, outre leurs problèmes de confidentialité, les réseaux sociaux ne sont pas représentatifs de l'ensemble de la population : les utilisateurs sont typés jeunes et de CSP+. Autre difficulté, relevée par Patrick Van Bloeme et Nathalie Perrio-Combeaux, " interroger les consommateurs sur les réseaux sociaux, c'est un fantasme des professionnels des études. Il n'est pas facile d'interpeller les consommateurs sur Facebook. Nous ne sommes pas leur ami ! "
Vidéo : conférence sur le Social Media Research (Semo)
Les instituts sont plus ou moins en avance dans le social research. Harris Interactive a lancé, début 2012, FanObserver, solution qui permet d'écouter des communautés de fans au travers d'un court questionnaire mis en avant sur le mur de leur page Facebook. " FanObserver donne le profil, les usages et le degré de satisfaction. On peut demander aussi à l'interviewé s'il achète. Les avantages sont la spontanéité et l'espace de discussion qui permet de remonter de nombreux insights ", note Nathalie Perrio- Combeaux. Sur le même principe, l'institut a lancé, en mars 2013, M-Observer, solution d'études qui permet de mesurer l'impact des solutions mobiles des marques et de connaître leurs utilisateurs. Harris Interactive réalise également des enquêtes ad hoc sur des communautés d'internautes. En 2012, l'institut a ainsi mis des questionnaires en ligne sur le compte Twitter du Monde pour connaître ses lecteurs sur le Web. Plusieurs milliers ont répondu. Compte tenu de leur capital followers, les marques médias sont des clients parfaits pour ce type d'étude.
" Les médias, dont la presse, utilisent les réseaux sociaux pour conserver un lien avec des lecteurs qui s'éloignent du papier ", note Philippe Guilbert, directeur général de Toluna, leader en France et dans le monde des panels et technologies d'enquêtes on line. Toluna a ainsi travaillé sur une communauté de lecteurs pour La Voix du Nord, baptisée panel Médianord, qui compte 115 000 fans. " L'utilisation des réseaux sociaux est dans l'ADN de Toluna, née avec le digital. Le constat, c'est que les gens sont plus souvent connectés sur Facebook ou sur YouTube que sur leur boîte mail ", insiste Philippe Guilbert. La société gère une communauté de près de 4 millions de personnes : plus de 10 000 fans pour la version française, près de 85 000 fans pour la version anglaise... Toluna est aussi présente sur Facebook : la première phase consiste à recruter des fans, la seconde à interagir avec eux et la troisième à les transformer en clients. En s'appuyant sur sa communauté de fans, Toluna développe PanelPortal qui propose aux marques une plateforme d'études. " Ainsi, explique Philippe Guilbert, PanelPortal propose aux marques qui ont des fan pages de mieux connaître et de valoriser leurs fans grâce à des outils de profiling et d'études. Les données personnelles obligatoires sur Facebook sont limitées (civilités, sexe, âge). Nous les enrichissons : adresses, hobbies, consommation, médias... "
Les premiers sondages sur Twitter, limités compte tenu du petit nombre de mots, ont démarré avec les sondages politiques. TNS Sofres et Semiocast se sont associés en 2012 à TF1 News et Métro pour lancer le Twittoscope, premier baromètre de l'opinion politique. Objectif : identifier les personnalités politiques françaises dont on parle le plus sur Twitter et analyser la façon dont elles sont perçues. BVA, Harris Interactive... ont également utilisé Twitter pour des sondages politiques mais, fait remarquer Patrick Van Bloeme, " il n'est pas simple d'intégrer un lien pour un questionnaire sur un tweet ".
Slideshare : la solution M-Observer
Solution M-Observer from Jean-Laurent Bouveret
Les instituts de sondage et d'études utilisent les réseaux sociaux comme outil complémentaire. En effet, les médias sociaux ne peuvent pas remplacer les outils traditionnels.
4 Social research : des approches internationales
Le social research est logiquement international. En juin dernier, GfK a ainsi créé un centre d'expertise dédié au Social Media Intelligence (SMI). Le rachat de la société autrichienne Sensemetric est à l'origine de ce lancement. Cette entreprise a développé une plateforme digitale de crowdsourcing permettant de conduire des analyses SMI dans les pays où les médias sociaux occupent une place importante. " Notre volonté est d'uniformiser notre expertise social media. En combinant les technologies Sensemetric innovantes de collecte, d'indexation et d'analyses des conversations en ligne à d'autres données issues des études menées par GfK, le groupe est maintenant en mesure de relier l'activité sur les médias sociaux au business des marques ", explique Frédérique Bonhomme, digital director, consumer experiences GfK ISL.
Les points forts de la plateforme sont sa flexibilité, avec la gestion des différents pays, ainsi que la précision de ses analyses des sentiments : polarité des commentaires (neutre, positif, négatif), classement (ironie, sympathie)... SMI propose du monitoring, des études, des analyses de fan pages... Pour Frédérique Bonhomme, " la force de SMI réside dans son utilisation de manière couplée à nos autres sources de données. Cela nous permet de voir le lien entre l'activité sur les réseaux sociaux et l'image de la marque, mais aussi de vérifier si les actions de communication génèrent du buzz en ligne, et de qualifier ce buzz. "
MetrixLab développe également, au niveau international, des outils pour optimiser les fan pages. L'institut adapte son mode d'interview aux supports mobiles et tablettes avec une interrogation personnalisée pour les fans : questionnaires plus courts et en responsive design...
De son côté Ipsos UU a intégré, depuis début 2013, l'activité SMX (Social Media Exchange), entité présente dans cinq pays (États-Unis, Chine, Allemagne, Grande-Bretagne et France), spécialisée dans les études social media. " C'était logique d'associer la plateforme technologique sociomédia de SMX au quali, car les méthodes reposent sur la même éthique et peuvent profiter des mêmes interfaces ", note Valérie-Anne Paglia. SMX développe différents niveaux de communautés : les communautés courtes (entre sept et 14 jours) réalisées en complément d'études quali classiques ; les communautés à moyen terme (de deux semaines à cinq mois) animées de façon hebdomadaire pour faire un tour d'horizon sur un sujet ; et les communautés plus longues (dédiées ou en multisouscription) qui durent de six mois à un an et qui permettent de comprendre les usages de façon globale.
Alors quel avenir pour les études sur et par les réseaux sociaux ? Les possibilités de généraliser les données récoltées et de les mixer avec d'autres outils vont progresser. Actuellement, les études via les réseaux sociaux appartiennent plus au domaine du social marketing que du social research. Les instituts et sociétés spécialisées ont un grand rôle à jouer pour professionnaliser cette nouvelle approche. " La technique ne suffit pas. Il faut accompagner ", conclut Philippe Guilbert.
Les acteurs du social research développent des outils à l'international pour relier les actions des marques aux activités sur les réseaux sociaux.
5 Because, le panel 100 % Facebook
InCitu est vraisemblablement l'institut le plus en avance en social research. " L'institut qui rajeunit les études ", dit en riant sa fondatrice, Charlotte Taupin (ex GfK, Ipsos...). Laquelle précise qu'" il existe une frontière entre les moins et les plus de 35 ans. Les jeunes, nés avec les réseaux sociaux, ne se reconnaissent pas du tout dans les études classiques on line. Pages de marques, sites, messages... l'univers social media se suffit à lui-même. "
C'est la raison pour laquelle Charlotte Taupin a créé, en 2011, Because, un panel 100 % Facebook. Because est pour l'instant un (petit) panel de 15-35 ans 100 % Facebook, qui compte 2 500 membres (l'objectif est d'atteindre 20 000). " Nous les recrutons viralement, grâce à nos sondages et par les fans. Le parti prix de Because est d'être un panel solidaire : les cadeaux sont des dons à des associations. Cela correspond à cette cible très généreuse, même si elle n'a pas beaucoup de moyens ", insiste Charlotte Taupin. Because permet de faire des études comportementales et sociétales, quali / quanti. Exemple : des posts tests de communications digitales (qui permettent d'interroger directement la cible sans déperdition) mais aussi des études d'usages et attitudes. France Télévisions a ainsi utilisé Because pour cibler les jeunes papas avant le lancement de son émission sur France 4 Panique pas, papa. " Il est possible de cibler les plus âgés. L'échantillon est alors non représentatif au niveau national, mais représentatif des membres de Facebook de plus de 35 ans, soit 40 % de la population ", ajoute Charlotte Taupin. Les prochains développements concerneront Twitter, Pinterest... InCitu s'intéresse aussi au B to B (LinkedIn, Viadeo...). Quant au déclin annoncé de Facebook, " nous ne le ressentons pas, répond Charlotte Taupin. D'après nos chiffres, 84,4 % des jeunes sont sur Facebook. Et ce pourcentage va encore progresser ".
Le panel Because, qui compte uniquement des utilisateurs de Facebook, permet de réaliser des études comportementales et sociétales.
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