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Quelles sont les fonction des marques aujourd'hui ?

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Compte tenu des évolutions actuelles au sein de l'univers des marques, et à l'occasion de l'enquête sur la création de noms de ce numéro (voir p. 50), Danielle Rapoport, psychosociologue, directrice de DRC - Recherche, Etudes et Marques, donne ici sa vision des fonctions actuelles des marques.

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«Il faut noter d'abord un double mouvement. Les marques ont considérablement augmenté en nombre depuis une quinzaine d'années, marques de produits, de sociétés, marques labels, appellations produits... autant de "signes" qui s'ajoutent à la masse d'autres modalités de discours auxquels le consommateur est aujourd'hui soumis sans savoir toujours en faire le tri. Les fonctions génériques des marques sont, par principe, d'identifier l'objet qu'elles représentent, de "formater" des concepts spécifiques et d'organiser de véritables univers de référence, de garantir leur permanence dans le temps, et de donner de la valeur immatérielle ajoutée... Elles tentent aujourd'hui de se rapprocher des consommateurs pour les rassurer, les fidéliser en affirmant leur singularité tout en leur donnant un sentiment d'appartenance. Mais, dans leur pléthore actuelle, ne risquent-elles pas de susciter une baisse d'intérêt et de crédibilité ? Certaines appellations de produits, notamment quand elles sont soutenues par une communication forte, semblent mises au même niveau que les grandes marques. Si, de plus, ces nouveaux produits n'apportent pas d'innovation de rupture, si le nom nouveau ne joue pas sa fonction de différenciation et d'ajout de valeur immatérielle, à quoi servent ces nouvelles dénominations, si ce n'est qu'à embrouiller le paysage sémantique déjà bien chargé de la consommation... Quel est donc le statut de ces "petites appellations" qui sentent la fugacité, l'éphémère et l'opportunisme marketing ? Ne vont-elles pas lasser un consommateur en recherche de plus de vérité et de simplicité ?

Marques "englobantes" et marques "enveloppantes"


Dans un même temps, les concentrations/fusions/extensions de marques, qui signent aussi bien des produits apéritifs que de l'eau minérale, des yaourts allégés et d'autres plus gourmands, posent la question de savoir comment les consommateurs vont recevoir ces marques "englobantes". Seront-elles associées aux fantasmes négatifs à la "mondialisation" ou, au contraire, tranquilles et puissantes, s'approprieront-elles des territoires nouveaux par le seul fait de leur légitimité, de leur permanence et de la confiance qui leur est accordée... ? Ces stratégies permettent de créer de nouveaux univers de consommation, inscrits dans des modes de vie - le "raffinement-soin de soi-tendance" - plutôt que d'édicter les propriétés liées à l'appellation des produits. Là encore, jusqu'où peuvent-elles aller pour garder leur fonction essentielle de mise en confiance des consommateurs par cette alchimie de sens, de rêve et de mise en lien ? Les consommateurs cherchent de plus en plus à être séduits et surpris. C'est à travers une image de rareté et d'innovation réelle, pour une vraie valeur immatérielle ajoutée, que des marques de produits et d'enseignes bien conçus pourront créer un mode de relation à leurs consommateurs plus personnel et plus complice. Ces marques "enveloppantes" s'installent un jour dans la vie des gens et les enchantent pour un temps. Elles ont su leur parler, les comprendre, être proches toujours, mais jamais intrusives, leur prouver qu'ils sont uniques, les faire rêver, jouer avec leur désir, etc. Elles semblent éviter la massification parce que, par un marke-ting très fin, elles semblent "vous" être destinées. C'est d'ailleurs par le bouche à oreille qu'elles se sont fait connaître... jusqu'à ce qu'un jour elles deviennent banales. Ces marques sont précieuses parce qu'elles disent la différence et la singularité, l'envie d'être unique et de choisir de partager ou pas ce plaisir. Ce sont des "marques-compagnes", quasi "sur mesure"... et paradoxalement mises en défaut par leur succès même.

Marques "pro-urbaines"


Dans le même registre, et plus à l'échelle de la ville, des marques "pro-urbaines" se développent pour créer des aires de ressourcement et de détente à l'intérieur même de ces espaces de stress et de tension. Plus que des lieux de vie, ces marques (d'enseigne le plus souvent) sont de véritables "traités de savoir-vivre urbain" et affichent l'urbanité comme nouvel état naturel humain. Très fortes et durables, elles devront, pour le rester, faire évoluer sans cesse le méta-concept qui leur est propre. Elles aident à mieux aimer et s'approprier la ville : "Monop'" ou l'envie dans la ville, "Nature & Découvertes" ou le point de nature récréative, "Muji" ou la simplicité branchée, "Citadium" ou le corps exalté, "Résonances" ou le passé revisité, "Imagin'R" ou la mobilité des jeunes... Ces marques expriment des modes d'être et des univers auxquels il est bon de s'identifier, parce que les traits négatifs de la ville y sont occultés et les solutions toutes offertes... aux consommateurs qui en ont les clefs... et les moyens. Les marques, de façon générale, sont aujourd'hui soumises à la question par les consommateurs eux-mêmes. Par leurs comportements, ceux-ci leur demandent d'être fiables, belles, crédibles, de se faire "aimer", de durer assez longtemps pour tracer des repères tout en ayant l'audace de vraies innovations. Quelles conséquences pour nos métiers de "chercheurs de noms" ? J'aurais envie de dire, sans jouer la carte très "tendance" de la simplicité, qu'une dose d'humilité devrait parcourir aujourd'hui cette profession, couplée à l'audace et chapeautée par l'anticipation prospective pour tenter d'entrevoir les valeurs de demain. »

 
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Anika Michalowska

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