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Motiver les troupes: tout un art

La carotte et le bâton. Le résumé peut paraître trivial, et pourtant... Pour booster les résultats de l'entreprise, il n'existe pas de meilleur moyen que d'inciter les équipes à se dépasser. Dans cette visée, les opérations de motivation fournissent des méthodes aux résultats incontestables.

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Vendre plus, vendre mieux, susciter sans cesse le goût de la performance et de la réussite sans pour autant épuiser les équipes, savoir reconnaître et récompenser le mérite sans transformer les collaborateurs en mercenaires avides de primes ou de cadeaux, la motivation est un exercice périlleux. Les opérations d'incentive passent pour des mécaniques incontournables quand il s'agit d'animer les équipes marketing ou les services commerciaux, mais elles demeurent une affaire de spécialistes. Entre l'organisation d'événements, la sélection de dotations attractives et la gestion du facteur humain, l'exercice relève parfois du travail d'équilibriste. Toutefois, les chiffres publiés par Omyagué en attestent, 85,8 % des dirigeants interrogés déclarent observer une hausse significative du chiffre d'affaires à l'occasion de challenges.

Couramment utilisée avec les équipes commerciales, la méthode est moins répandue dans les directions marketing. Hormis quelques spécificités, liées notamment à la formulation de l'opération et à la définition des objectifs à atteindre, la mécanique reste pourtant identique. Redynamisation d'un article en fin de vie, positionnement face à l'arrivée d'un concurrent ou à un phénomène de cannibalisation entre deux références d'une même gamme, il est possible de transformer en challenge la réponse que des équipes marketing doivent apporter aux difficultés rencontrées par les commerciaux sur le terrain. L'idée consiste alors à mobiliser les troupes autour de la problématique en proposant un nouvel argumentaire ou un nouveau positionnement.

Des challenges, oui, mais pour quoi faire?

Quel type d'entreprise peut avoir intérêt à s'engager sur la voie de l'incentive et surtout, quels sont les leviers susceptibles d'être actionnés? Si l'on s'en réfère à l'opinion de Yolande Large, directrice générale de La Compagnie des Cadeaux, qui a créé la plateforme en ligne Direct-Stim.com et des opérations de stimulation clés en main, tout peut donner matière à incentive, « de la vente de nouveaux produits jusqu'aux efforts pour réaliser des économies sur les photocopies. Nous recommandons parfois à nos clients de créer plusieurs grilles de motivation, en s'appuyant sur leur connaissance de leurs équipes. On ne fixe pas les mêmes objectifs et l'on ne récompense pas de la même façon un programme d'économie et un programme de conquête de nouveaux prospects ». Ainsi, il n'existe pas un outil de motivation type, mais des outils qui s'emploieront tantôt avec des commerciaux, tantôt avec des administratifs ou des membres du service marketing.

En revanche, il existe une constante: la mécanique de la motivation. « L'incentive est la mécanique de la reconnaissance et du mérite, explique Philippe Villetelle, directeur associé d'Incentive Office, agence spécialisée dans la conception, la gestion et l'animation d'opérations de motivation. Il convient donc de fixer des objectifs clairs et, lorsque ces derniers sont atteints, il faut non seulement récompenser le lauréat, mais aussi le faire savoir aux autres... » En effet, dans la mécanique de l'incentive, au-delà de la récompense, il existe une forte dimension humaine, qui implique à la fois psychologie et communication.

L'élaboration et le déploiement d'une opération de motivation doivent mobiliser différents services de l'entreprise. Denis Conaut, de KalideaPulse, préconise de « se placer dans une démarche de projet d'entreprise, car il va falloir réunir autour d 'une même table la direction marketing et la direction commerciale qui, ensemble, vont fixer les objectifs à atteindre ». Les ressources humaines doivent également être impliquées, car elles ont souvent les moyens de contribuer à la communication et d'informer sur la fiscalité des dotations. Enfin, la direction des systèmes d'information (DSI) sera mise aussi dans la boucle. « Le responsable des services informatiques, précise Denis Conaut, doit permettre une remontée des résultats commerciaux des participants à l'opération afin qu'ils soient actualisés en temps réel via un web service. » Un interfaçage, simple et rapide, qui suppose un travail en bonne intelligence.

Yolande Large (La Compagnie des Cadeaux)

Yolande Large (La Compagnie des Cadeaux)

Denis Conaut (KalideaPulse)

Denis Conaut (KalideaPulse)

Grégoire Bas (Prévoir)

Grégoire Bas (Prévoir)

Philippe Villetelle (Incentive Office)

Philippe Villetelle (Incentive Office)

Au-delà de l'aspect pratique, il faut se positionner d'un point de vue stratégique. L'opération de motivation doit... motiver. Une tautologie, certes, mais parfois problématique au moment de la conception. «L'opération d'incentive doit présenter un ratio de gagnants satisfaisant, estime Philippe Villetelle. Offrir une dotation à 30 % de la population visée est généralement efficace. En deçà, l'effet de déception est trop important! » Le choix de la dotation est également crucial. « Il faut sélectionner les cadeaux et le budget que l'on y consacre en fonction des objectifs que l'on fixe à ses collaborateurs, explique Yolande Large (La Compagnie des Cadeaux). Il faut que la dotation soit proportionnée. » Selon l'étude réalisée par Omyagué, spécialiste du cadeau d'affaire, les champagnes, vins et spiritueux arrivent toujours en tête des présents offerts aux clients et collaborateurs selon 17,8 % des sondés (54,9 % pour le champagne; 34,6 % pour les vins et 10,5 % pour les alcools), suivis des produits gastronomiques, à hauteur de 16,4 % (46,7 % de sucré; 31,8 % de salé et 21,5 % de coffrets sucrés et salés accompagnés d'alcools), puis des accessoires de mode, maroquinerie, bagages (15,9 %). « Les dotations connotées high-tech sont toujours très efficaces. Il convient cependant d 'être prudent, car le taux d'équipement des collaborateurs peut représenter un frein à l'incentive. Si votre collaborateur possède déjà un iPad, il se battra probablement moins pour en gagner un nouveau! » remarque Philippe Villetelle.

Le groupe Prévoir anime son réseau au quotidien

Responsable marketing opérationnel pour le groupe Prévoir, Grégoire Bas anime un réseau de 900 commerciaux constamment en déplacement chez les clients. « Nos commerciaux doivent produire des contrats, c'est leur fonction première, mais ce ne sont pas des mercenaires, car ils sont tenus par une obligation de conseil », souligne Grégoire Bas. Pour animer ce réseau, il a mis sur pied un classement par catégorie de vendeurs. « Nous avons créé trois types de challenges. Il y a un classement mensuel, très valorisant, surtout fondé sur la reconnaissance du réseau, un challenge sur la régularité, appelé Top 12 et, enfin, un challenge événementiel qui est lié à certains produits ou à l'actualité. »
Pour gérer ces opérations, Grégoire Bas a créé une équipe d'animation spécifique qui se charge, notamment, de la communication. « La dotation est une problématique clé, car entre la fiscalité fluctuante et l'appétence pour certains cadeaux plus que d'autres, ou le goût de certains (surtout en période de crise) pour les espèces sonnantes et trébuchantes, il faut réaliser des arbitrages complexes », alerte Grégoire Bas. Prudent, il rappelle: « Trop de challenge tue le challenge. Il faut motiver tout en évitant de décevoir. Au-delà de la performance pure, nous encourageons surtout la régularité. »

Une question de rythme et d'animation...

Le goût prononcé des Français pour les voyages fait des dotations liées au tourisme un outil de motivation de premier ordre. Il faut cependant veiller à ce que ces séjours ne perturbent pas l'organisation des équipes et la productivité. « Aujourd'hui, les voyages sont plutôt de courte durée, à cheval sur un week-end, pour ne pas désorganiser l'activité de l'entreprise. Et la tendance est au voyage de groupe où le conjoint n'est pas invité. Cela renforce les liens entre les équipes tout en valorisant les plus performants. » L'évolution de la consommation des voyages est directement liée au contexte économique. «Il est indéniable que la crise a conduit le management à revoir la dotation de l'incentive, notamment des opérations associées au voyage, car il ne faut surtout pas nuire à la productivité des services en éloignant trop longuement les collaborateurs les plus performants », confirme Philippe de Villetelle.

Pierrick Briand (groupe Rhinos):

Pierrick Briand (groupe Rhinos):

« Pour un défi commercial et si vous animez une équipe réduite, il vaut mieux multiplier les opérations courtes, souligne Yolande Large, alors que s 'il s 'agit de motiver vos collaborateurs à économiser les fournitures, par exemple, il est préférable de s 'inscrire dans une démarche au long cours. » Cependant, plus un challenge est long, plus il est difficile d'entretenir l'intérêt des équipes. Site internet dédié, communication par voie d'affichage ou encore par courrier électronique pour pouvoir toucher l'ensemble des collaborateurs concernés, c'est aux managers de faire vivre le dispositif. « Si vous souhaitez véritablement obtenir des résultats, il faut être en mesure d'animer, d'événementialiser, de théâtraliser l'opération », explique Denis Conaut, président et fondateur de Kalidea Pulse. L'entreprise, qui compte parmi ses clients des références telles que Total, Fiat, AG2R, Orange ou Coca-Cola, s'est fait une spécialité de l'animation des réseaux B to B. La recommandation de Denis Conaut pour satisfaire à cette exigence d'animation: « Définir deux à trois objectifs-clés fonctionnant comme des rendez-vous ponctuels qui vont susciter l'intérêt des collaborateurs, accélérer le processus. » En fonction des profils concernés, la mécanique de l'opération et, surtout, les moyens de communications utilisés doivent être adaptés. Pour Denis Conaut, la création d'un site web dédié est un prérequis essentiel, «mais il faut compléter l'arsenal en misant sur le SMS et l'e-mail si la population concernée est fortement connectée et plus souvent sur le terrain que dans les locaux de l'entreprise ». Les récents réseaux sociaux d'entreprises (RSE) peuvent également être exploités pour faire vivre les opérations. En revanche, si la population est moins connectée, on misera sur un affichage dans des salles de repos, par exemple, ou dans des lieux de convivialité dans l'entreprise. Motiver reste un travail d'alchimiste. La concentration des énergies doit être bien réelle pour obtenir les résultats escomptés.

Moët Hennessy en mode turbo...

Mobiliser les collaborateurs autour de la notion de performance ultime, c'est le concept élaboré par Moët Hennessy Diageo. L'opération mise sur pied par cette société spécialisée dans les vins et les spiritueux a mobilisé plus de 100 collaborateurs autour de la thématique de la Formule 1, symbole de performance s'il en est! Au mois d'avril, Moët Hennessy Diageo a ainsi organisé une opération d'incentive thématique pour 120 commerciaux. Cette joint-venture est le fruit d'une alliance entre Moët Hennessy, entreprise du groupe LVMH, et Diageo, également spécialiste des spiritueux. Pour parvenir à motiver les troupes à vendre davantage et valoriser la marque Johnnie Walker, célèbre marque de whisky, propriété de Moët Hennessy, tout en surfant sur un partenariat avec l'écurie automobile McLaren Mercedes, un séminaire de trois jours a été mis en place. Organisée dans un château de la région Champagne-Ardenne, l'opération s'est articulée autour d'une course par équipe sur des simulateurs de Formule 1. Les commerciaux ont également été soumis à des tests de réflexes, à l'image de ce qui est pratiqué par les professionnels de ces courses automobiles. Par ailleurs, une dégustation d'alcools de la marque Johnnie Walker et un déjeuner buffet ont aussi été proposés.
L'opération a été conçue et organisée par Sponsorship 360, cabinet de conseil en communication spécialisé dans les partenariats sportifs et la communication événementielle.

Comment mettre au point une opération d'incentive pertinente?

Pierrick Briand, président du groupe Rhinos, est spécialiste des opérations de motivation. Pour lui, « Lorsque l'on souhaite s'inscrire dans une dynamique de motivation des équipes commerciales ou de marketing, il est capital de prendre en compte chaque typologie de profil », expose Pierrick Briand. Dans tous les cas, la clé du succès de l'opération, c'est le rythme. « Il est possible de s'engager dans un challenge qui s'étale tout au long de l'année, mais il est capital de savoir animer ponctuellement l'opération, un peu comme une piqûre de rappel. » Rappelant qu'une opération d'incentive doit s'inscrire dans le plan d'action commerciale de l'entreprise, Pierrick Briand souligne que dans le cadre d'un réseau national, il est essentiel de prendre en compte les disparités régionales.
« Ce qui fait d'un challenge un vrai outil de motivation, c'est la capacité à pouvoir attirer tout le monde sans jamais lâcher le réseau », détaille Pierrick Briand, en rappelant que dans toute opération « on repère 10 à 15 % d'avions de chasse, des bêtes à concours qui vont tout faire pour gagner, et 10 à 15 % qui n'obtiendront pas de résultat ». Le reste constitue le ventre mou, qu'il est capital de savoir faire réagir pour que l'opération soit couronnée de succès.

José Roda

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