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Motivation Retour à la proximité

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A l'heure où les managers se demandent s'ils doivent limiter le phénomène global de démotivation, les salariés réclament plus de responsabilisation, ce qui explique, entre autres, le développement d'approches comme l'actionnariat salarié.

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Le marché de la motivation se calque sur la conjoncture économique. Il y a quinze ans, elle était florissante. Ensuite, elle a suivi une baisse d'activité du fait du mauvais climat général. Aujourd'hui, les embauches redémarrent, ainsi que les briefs des entreprises », affirme Jean-Louis Muller, directeur à la Cegos. Une constante malgré tout : le marché de la motivation reste largement dominé par des réalisations internes. Les entreprises seraient 70 % à gérer elles-mêmes leurs opérations d'incentive. Côté prestataires, le marché rassemble, auprès des grands groupes de communication, des agences plus ou moins spécialisées : agences adossées à des groupes de communication à dominante publicitaire, agences spécialisées dans l'événementiel ou ancrées dans l'univers du marketing opérationnel, agences conjuguant conseils et supports de récompense, agences de voyages, agences conseils stricto sensu, agences émettrices de chèques cadeaux… Le marché compte une quinzaine d'acteurs significatifs qui se partagent en deux grandes familles : prestataires issus du monde de la récompense (chèque, voyage, cadeau) ayant élargi leur prestation par le conseil, ou structures nées du conseil et soustraitant ou ayant développé une prestation récompense. Les montages complexes, dits “à tiroir”, sont devenus monnaie courante. La conjugaison de divers supports et technologies, ainsi que d'attributs de fidélisation (cartes, clubs, outils d'aide à la vente, mailings…), a contraint un certain nombre d'acteurs à opter pour une diversification de prestations intégrées, soit par le développement de nouvelles activités, soit par la croissance externe. A l'image d'Accentiv', filiale d'Accor Services, qui, forte d'un taux de progression de l'ordre de 30 % par an depuis cinq années, a racheté, en février dernier, l'agence Stimula. Créée en 1988, cette dernière emploie une quarantaine de personnes et possède son propre chèque cadeau, le Chèque Cadeau Bienvenue. La nouvelle entité issue de cette acquisition revendique la première place du marché de l'incentive à destination des entreprises en France. Sur ce marché de la dotation où le ticket d'entrée reste prohibitif, la solvabilité constitue un élément déterminant pour la crédibilité des acteurs. D'où la floraison d'intervenants agissant dans le giron d'enseignes ou groupes de distribution et de services à forte puissance financière (Kadéos chez PPR, Accentiv' chez Accor, Cadhoc chez Chèque Déjeuner, Décathlon Pro, La Redoute Entreprises…).

Les entreprises versent moins dans l'ostentatoire

Séminaires, conventions, soirées, challenges, remise de chèques cadeaux… Rien de bien neuf dans les techniques actionnées. « Par-delà ces mouvements dans la demande, l'offre reste grosso modo la même, les recettes n'ont pas évolué », constate Jean-Louis Muller. En matière de récompenses, le voyage conserve la préférence des entreprises dès lors qu'elles décident d'investir significativement dans leur politique de motivation. La Croatie, Dubaï ou l'Inde sont de plus en plus prisées. L'exotisme conserve sa puissance d'attractivité, même si les valeurs éthiques continuent de gagner du terrain dans les options retenues : actes citoyens ou caritatifs, aide aux populations locales, visites d'écoles et d'orphelinats… De manière générale,les entreprises versent moins dans l'ostentatoire. Il faut dire que les budgets souffrent d'une conjoncture difficile. Or, la motivation coûte cher. Entre 1 500 et 3 000 euros en moyenne par personne. Les plus grosses opérations peuvent réclamer des budgets de plusieurs millions d'euros. Avec une enveloppe de 25 000 à 60 000 euros, l'entreprise pourra difficilement couvrir davantage que le coût de la dotation, qui se limitera en l'occurrence en grande partie à du cadeau - les agences de motivation réalisent 70 % de leurs revenus avec la marge faite sur la dotation. A partir de 100 000 euros, on peut commencer à envisager des programmes sur trois à six mois. Le montant des dotations variera en fonction des objectifs, du nombre de participants et du nombre de bénéficiaires, ainsi que du ratio animation/dotation. Quant à la mesure des effets d 'une opération de motivation, elle nécessiter a un budget variant entre 5 et 12 000 euros. « Nous avons un budget training, dans lequel je pioche pour soutenir les actions d'incentive. La motivation ne se planifie pas, ni en termes de temps, ni en termes financiers. L'essentiel, c'est de toucher les collaborateurs au plus près de leurs valeurs », soutient Gérard Dahan, directeur marketing Europe continentale d'Ariba, éditeur de solutions de maîtrise des dépenses d'entreprise. Plus que jamais, les managers doivent montrer à leurs équipes qu'ils cherchent à les associer au développement de l'entreprise. « Tout collaborateur doit avoir une vision en termes d'objectifs d'entreprise sur les trois années à venir. Les séminaires réguliers, les réunions au sein de nos différentes filiales, les multiples groupes projets répondent avant tout à cet impératif », explique Hubert Bro, directeur marketing de Canon France.

L'actionnariat salarié s'installe en force

Sur ce marché sans réelles nouveautés, une tendance récente se fait néanmoins jour, qui reflète bien le périmètre de références et de valeurs dans lequel doivent évoluer les leviers de motivation, en phase avec le quotidien des collaborateurs dans leur relation de proximité à l'entreprise. Il s'agit de l'actionnariat salarié. Si, outre-Atlantique, les grandes firmes ont depuis longtemps franchi le pas (en tout cas dans le tertiaire), on voit leurs homologues françaises lever peu à peu les réticences : Air France, France Télécom, Darty, ou des entreprises de moindre taille, à l'image de la Cegos qui a opté pour un LMBO, rachat de l'entreprise par ses managers. L'actionnariat ou l'intéressement salarié repose sur un acte volontaire et choisi de chacun. Libre aux intéressés d'opter pour un fonds commun de placement sur lequel ils bloqueront la somme attitrée - et non imposable - pour une période de cinq ans, ou pour une jouissance immédiate - mais imposée. « On est encore loin des “golden primes” pratiquées dans les pays anglo-saxons par certaines entreprises de la finance, où les traders peuvent toucher des sommes allant jusqu'à 100 000 euros, remarque Jean-louis Muller. Mais l'idée est là et les initiatives commencent à voir le jour, même si en France, comme en Italie et en Espagne, la logique de l'honneur prime sur la règle financière. » La société de conseil Talentys a ainsi récemment accompagné Valéo dans la mise en oeuvre d'un programme de distribution d'actions. Une opération systématisée à l'ensemble des 68 000 collaborateurs du groupe, qui se sont ainsi vu proposer d'échanger en titres jusqu'à 10 % de leur salaire annuel brut. « Le taux de souscription est monté à 65 % », révèle Arnaud Bailleul, directeur associé de Talentys. Une initiative de ce type, qui devrait bientôt être déclinée chez Alsthom, agit sur deux leviers ma j eur s de mot iva t ion. Pr imo, son caractère “universel” au mieux rappelle, du moins pointe, la dimension collégiale de l'entreprise et de l'intérêt général. Deuxio, elle p e rme t d e déployer une vaste campagne de market ing direct personnalisé, toujours valorisante, notamment pour des salariés travaillant en site de production, cibles souvent négligées des communications institutionnelles internes. « Mais attention, précise Arnaud Bailleul, une politique d'actionnariat salarial de cette ampleur nécessite, du fait d'un cadre légal contraignant, de six mois à un an de préparation. »

Les grandes tendances

Sophistication constante des opérations liées à l'évolution du marketing relationnel et la “professionnalisation” des campagnes d'incentive (CRM, data mining…) ; Importance croissante de la technologie (Web, SMS…) dans toutes les opérations. On peut désormais parler de campagnes d'incentive “multicanal” ; Démocratisation des techniques d'incentive : de plus en plus de PME utilisent l'incentive dans leur mix commercial ; Mise en place de programmes d'incentive internationaux ; Explosion de l'offre de récompenses à travers laquelle les entreprises devront apprendre à faire le tri ; Dématérialisation de la communication et des récompenses.

Questions à Patrick d'Auvigny (Accentiv') « La motivation se démocratise »

Avec le rachat de Stimula début 2006, Accentiv' se hisse à la première place du marché français de la motivation. Son directeur commercial et marketing analyse les tendances du secteur. Comment évolue la demande des entreprises en matière de motivation? Nous constatons d'un côté une sophistication croissante des opérations de motivation qui sont de plus en plus souvent multicanal (intégration systématique d'un site internet dédié à l'opération, campagne de relance SMS…). 70 % de nos opérations en cours intègrent désormais un volet internet. La sophistication se décline également sur les ciblages, notamment dans les opérations où le nombre de clients (population de revendeurs ou d'artisans par exemple) est élevé. Le data mining est une technique de plus en plus utilisée dans la mise en oeuvre de nos programmes, notamment pour établir la segmentation clients, identifier leur “valeur” (poids en CA, potentiels de progression) et adapter les mécanismes à mettre en place, doser différemment les investissements en communication ou le type de récompense. La tendance est également au retour des campagnes aux thématiques originales et percutantes, plus aptes à faire passer les messages et à aider à la différenciation concurrentielle. La motivation reste-t-elle l'apanage des grandes entreprises ? Le nombre d'entreprises ayant recours aux techniques de stimulation augmente chaque année. La motivation se démocratise et de nombreuses PME nous sollicitent pour mettre en place des programmes de stimulation “à points” ou tout simplement nous acheter des récompenses : chèques cadeaux, cadeaux et voyages. Aujourd'hui, les multinationales veulent mettre en place des programmes de stimulation à l'échelle mondiale. Accentiv' lance en fin d'année une plate-forme de récompenses internationales qui permettra aux annonceurs de gérer un programme d'incentive dans une centaine de pays simultanément. Qu'en est-il des dispositifs de mesure d'efficacité des actions de motivation ? Les résultats sont de plus en plus faciles à mesurer, notamment dès lors qu'une segmentation initiale a été réalisée et que les indices de performance ont été déterminés dès le lancement de l'opération : progression de CA ou de marge sur un segment de clientèle particulier… Et s'il est parfois difficile de juger de l'impact immédiat sur les ventes, en général les progressions sont significatives (de 10 à 25 %). Notre expérience dans d'autres pays, notamment dans des pays vierges de techniques marketing sophistiquées (Inde, Chine…), nous démontre que l'incentive est une arme commerciale très efficace. Une étude internationale est en cours sur ce sujet. Nous réalisons par ailleurs des études de satisfaction par téléphone ou on line auprès des participants. Le principe est de juger la perception des outils d'animation (courrier, journaux d'entreprise…), des récompenses et des services apportés par l'agence. Les résultats de satisfaction élevés (en général de 85 % à 95 %) démontrent l'intérêt des participants. Des entreprises, comme la vôtre, ont des axes majeurs de développement. Quels sont-ils ? Accentiv' met en oeuvre une politique d'innovation et de croissance externe pour devenir le leader sur tous les compartiments des métiers de l'incentive. Innovation par les produits : nous avons par exemple lancé en 2006 un nouveau concept simple de récompenses, “Delicard”, qui permet à une entreprise d'offrir sous la forme de cartes cadeaux thématiques des séries de six cadeaux au choix dans une gamme de prix déterminée. Innovation par les services et par le Web : sous la marque Webcentiv, Accentiv' propose une palette complète de solutions technologiques pour permettre à ses clients de monter une campagne, de la plus simple à la plus complexe. Les commerciaux peuvent accéder en ligne à un programme d'incentive au niveau mondial. Nous avons réalisé des investissements technologiques pour prendre une avance significative dans ce domaine, avec des applications disponibles en mode ASP, faciles à implémenter dans les systèmes d'information de nos clients. Innovation dans la dématérialisation des récompenses : Accentiv' lance actuellement au Royaume-Uni une carte cadeaux avec un objectif de déploiement en France et en Europe en 2007.

Le marché

L'année 2004 a marqué le retour à la croissance sur le marché de l'événementiel, où se répertorient l'ensemble des activités liées à la motivation : stimulation, incentives, conventions, séminaires… C'est la conclusion de la dernière enquête menée par l'Association nationale des agences en communication événementielle (Anaé), dont les 68 agences adhérentes ont vu leur chiffre d'affaires progresser de 9 % (à 559 millions d'euros), leur marge brute de 13 % (à 156 ME) et leur résultat net de 8 % (à 18,5 ME). Parmi les types d'opérations constitutives du marché, l'incentive pèse à hauteur de 25 %. Et ce ratio monte à 45 % si l'on y ajoute les conventions. Par ailleurs, un tiers des dirigeants d'agences affirment enregistrer une progression de leur activité.

Questions à Didier Pitelet (Publicis Consultants RH) « Vingt ans que le management tourne en rond… »

Promoteur du marketing social, le viceprésident de Publicis Consultants RH pointe l'impéritie des dirigeants en matière de motivation.Où donc est l'enjeu pour les entreprises : motiver ou bien limiter la démotivation ? Dans la société d'aujourd'hui, jamais l'individu n'a pris autant de recul par rapport au monde professionnel. Attention : cela ne signifie pas qu'il n'aime pas l'entreprise. Mais il n'est plus dupe. En matière de motivation, le problème c'est que les entreprises ne raisonnent qu'au temps présent. Alors que les individus, eux, ont une mémoire. Or, depuis une bonne vingtaine d'années, nous avons subi un mouvement permanent de yoyo social, avec seulement six années de relatif répit, entre 1987 et 1990 et entre 1997 et 2000. Ajoutons à cela des paramètres générationnels. Les jeunes âgés de 20 à 25 ans ont parfaitement intégré qu'ils évoluent dans une société naturellement conflictuelle et l'idée d'éventuels affrontements ne les effraie pas. Quant aux 30-35 ans, ils en veulent à la terre entière parce qu'ils ont pris le chaos en pleine face. Résultat, près des deux tiers des salariés vont au boulot par routine. Les outils éprouvés jusque-là servent-ils encore à quelque chose ? Les études montrent que plus de 40 % des managers trentenaires ne croient pas en l'entreprise et que 75 % des jeunes de 25 ans considèrent les valeurs d'entreprise comme du parfait pipeau. La motivation se limite à des solutions techniques, voire cosmétiques. Face à ce constat, autant dire que les séminaires de motivation ne servent à rien. Le management s'est jusqu'alors montré incapable de mettre en mouvement des modèles de référence et de fonctionnement, incompétent dans la communication de ses décisions et de sa façon d'agir, inapte à s'imposer le sens du temps, le temps des hommes et de la compréhension. La vraie question, ce serait donc celle du management… Sans aucun doute. La motivation est rendue délicate par l'obsession des dirigeants d'agir dans une double limite : une feuille de route rentabilité imposée par les actionnaires, une feuille de route opportunisme dictée par les calculs de chacun sur sa propre carrière. Entre ces deux axes, difficile de donner aux salariés un sentiment de confiance et la moindre conviction d'utilité. Un constat significatif : l'émotionnel est entré en force dans l'entreprise et les dirigeants sont incapables de le comprendre. Et cela fait vingt ans que le management tourne ainsi en rond. Après ce constat, on peut continuer à financer des séminaires, des conventions, des incentives… Tant que les dirigeants n'auront pas relevé le défi du sens et de la compréhension. Il y a devant nous un vrai chantier.

 
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Muriel Jaouen

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