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Les marketeurs aussi ont droit au conseil 3/3

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Consultants, sémiologues, cabinets d'études, bureaux de style, gourous et experts en tout genres... Pas facile pour les entreprises de s'y retrouver dans cette industrie de la matière grise. Pas aisé non plus, pour tous ces conseillers, de forcer la porte du marketing qui s'enferme dans son donjon avec les clés de la stratégie. Pourtant, sous la pression des marchés, les marketeurs ont de moins en moins de temps à lui consacrer.

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"Pratique" mieux que "praticité"


Le marketeur est un homme comme les autres et il n'est pas à l'abri de la surinformation. « Il y a dix ans, les demandes étaient assez basiques. C'était surtout ce qu'on pourrait appeler des diagnostics, poursuit Georges Lewi. Aujourd'hui, les grandes entreprises se rendent bien compte qu'une étude ne donne pas une stratégie, elles viennent chercher une méthodo.» Et aussi du concret. « Dans le cadre des réunions du High Co Institute, au sein duquel nous avons rassemblé une vingtaine de responsables de grandes marques, nous interdisons les mots abstraits et nous privilégions les adjectifs. Les mots conceptuels sont des mots lisses que l'on peut utiliser avec des sens différents. Pourquoi parler de "praticité", "d'éphémère"..., quand on peut tout simplement dire que Bic c'est "pratique", "jetable", "pas cher". Globalement il faut être capable de parler comme les vrais gens, pas comme les gens de bureau de marketing. » Cette difficulté à regarder les choses simplement a également provoqué des dérives. « S'il semble évident que la marque est un vecteur de la stratégie, certaines entreprises l'ont tellement survalorisée que c'est finalement celle-ci qui détermine la stratégie ! », explique Laurent Dupuis. Il est étonnant et dommageable que les humoristes ne fassent pas plus de sketchs sur le jargon du marketing. En plus de favoriser l'autodérision, cela permettrait peut-être de renouveler tout un tas de vieilles notions, rassurantes pour les entreprises mais totalement obsolètes pour analyser les marchés.

Combiner analytique et sensible


« Segmentation, typologies, besoins consommateurs,... », Chantal Brégeault et Marc Bourgery, qui ont tous deux quitté le monde de la pub, pour créer la société de conseil Kitsuccess, s'insurgent contre cette obsolescence du vocabulaire de la profession. « Nous militons plus simplement pour "l'instinct informé" », expliquent les deux consultants. Une autre manière de dire que l'entreprise doit avancer en mettant en parallèle l'analytique et le sensible. Elle est très demandeuse d'informations, d'études et de tendances. Elle fait venir des spécialistes du conte pour stimuler la créativité (une expérience menée notamment chez Yves Rocher). Elle est donc très demandeuse de transversalité de la part de l'extérieur. Mais qu'en est-il à l'intérieur ? De nouveaux outils voient peu à peu le jour. Kitsuccess a développé un observatoire des aspirations qui en permanence analyse et met en parallèle tous les succès mondiaux du cinéma, le lancement de produits, en passant pas la littérature. Thierry Truant, directeur associé de Answers, a créé le concept d'innovation positionnelle (soit le juste geste innovant). Georges Lewi, celui de positionnement "actentionnel" (pour étudier la marque dans l'action). Mais au-delà des outils, il semble que ce soit surtout à l'intérieur de l'entreprise que le partage de l'information doive évoluer. De nombreuses données ne sont jamais associées. Chez High Co dont le credo est de créer du lien, Georges Lewi a mis en évidence que communication et stratégie sont deux paramètres que l'on ne croise jamais.

Le changement fait peur


Polémarque, et son tout nouveau Innovascope, s'est aperçu de son côté de gros décalages entre la politique d'innovation et la façon dont les entreprises communiquent sur le sujet. Certaines en parlant plus qu'elles n'en font et inversement. Mais les deux données essentielles au succès de l'entreprise qui restent à mettre en relation sont, comme l'explique Thierry Truant, « la stratégie et l'innovation ». Premier écueil, la fonction de responsable de l'innovation n'existait quasiment pas en France en 2000. Aujourd'hui, selon Innovascope, sur un échantillon de 140 entreprises, on en compte 3. Lorsqu'elle existe, là plus qu'ailleurs, l'intervention de conseillers externes jouant le rôle médiateur est essentiel. Car la mise en oeuvre de ce lien se heurte à des enjeux internes qui masquent souvent la façon de raisonner rationnellement. « Les gens sont rassurés par les conventions, changer de méthode fait peur », constate Adeline Attia. Cette frilosité face aux changements, corroborée par l'idée que le marketing repose sur des recettes toutes faites et des outils infaillibles, ne milite certainement pas pour l'art et la prise de risque... Rappelons cette boutade : « un bon décideur prend six bonnes décisions sur dix, quand un mauvais n'en prend que quatre ».

Gérer l'incertitude


Thierry Truant milite, lui, pour la logique floue et la culture de l'échec. Oui, selon les chiffres du cabinet américain Booz Allen, 70 % des produits lancés meurent au bout de deux ans, un chiffre qui atteint 90 % dans l'alimentaire. Mais, selon le consultant, « ce taux d'échec est naturel. Il n'est pas dû à un manque de talent, mais au nombre infini de variables à considérer. Travailler en innovation avec une entreprise, c'est être sur le registre du solfège et de la composition, la probabilité de faire un tube est de toute façon faible. » Bien sûr, il est possible de mettre en oeuvre des outils d'aide à la décision pour éviter que des projets floppent. Mais, poursuit le consultant, « ce qui importe, c'est d'avoir les procédures humaines et mécaniques qui permettent de pouvoir se dire rapidement, ce cheval-là n'est pas le bon, ce qui réduit le nombre de flops. Cela destresserait les entreprises d'apprendre la culture de l'échec. Car le destin d'un nouveau produit, c'est l'échec, on ne peut jamais avoir la garantie qu'un nouveau produit marche et on ne peut passer toute sa vie professionnelle dans l'esprit : le monde est difficile, mes concurrents sont méchants et mes collaborateurs mauvais. » Par les temps qui courent, considérer l'incertitude comme une nouvelle norme et apprendre à la gérer de façon positive semble plutôt sage. « On la réduit en étant généraliste de l'ensemble des facteurs qui entrent en compte », note Thierry Truant. Un ensemble qui ne doit pas oublier des facteurs essentiels comme le management humain en interne. L'innovation génère des problèmes dans l'entreprise car elle repositionne le pouvoir. S'il y a dans l'innovation une part d'intuition et de talent pur, l'expérience joue également un grand rôle. « C'est comme un Maquignon face à un cheval, il voit tout de suite si c'est le bon ou non. Il faut se faire l'oeil aux innovations. C'est en voyant beaucoup que l'oeil se fait, explique Thierry Truant. Pour provoquer, je dis que l'innovation doit devenir une routine dans l'entreprise. Pas une routine ennuyeuse et huilée, mais tous les matins il doit se passer quelque chose. Et cet état d'esprit doit intégrer l'humilité et la possibilité d'erreur, mais il est fondamental parce que l'innovation apporte de l'énergie en interne et stimule celle du consommateur.» L'essentiel étant de rester en mouvement et en contact avec le réel. « Le meilleur conseil que l'on puisse donner à un marketeur, c'est : ne passez pas quatorze heures dans votre bureau, allez au supermarché, musardez, lisez, regardez le monde qui vous entoure. On n'y est pas encore, mais ça vient... », avance Patrick Fleury,

 
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Valérie Mitteaux

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