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Les “Petits Brun” fondent-ils dans la tasse ou dans la bouche ?

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En touchant à leur “sensorialité”, les marques prennent le risque de se voir abandonnées par leurs consommateurs fidèles et nostalgiques sans pour autant en conquérir les plus jeunes.

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Chacun a sa “petite madeleine de Proust”. Moi, c'était les Petits LU trempés dans une tasse de thé le dimanche après-midi. Allez savoir pourquoi car, généralement, je n'aime pas le thé et que je n'ai pas souvenance que ce fût un quelconque rite familial. Chez moi, on carburait plutôt au café. Vous trempez le petit gâteau dans la tasse de thé, il n'en rentre au début qu'un coin car, c'est bien connu, les gâteaux carrés ne sont pas faits pour les tasses rondes ! Puis vous portez le “petit-beurre” à la bouche; il a commencé à fondre grâce au thé et termine en onctuosité dans le gosier. Mais, complément lactosé et blé moins ferme obligent, à partir d'un certain jour, les Petits LU ne tinrent plus le choc et fondirent dans la tasse en milliers de particules pas “très ragoûtantes”. Il était impossible d'en récupérer même un petit bout dans la bouche… Exit de ma vie, ce rite du dimanche après-midi. Jusqu'à ce que je retrouve chez l'épicier du coin, un paquet de Petits Brun. Ceux-là n'avaient pas changé, ni le goût, ni le paquet bleu argenté et, qui plus est… le paquet coûtait 50 % de moins que les Petits LU. Ils appartenaient aussi au Groupe Danone. Ils tenaient bien dans la tasse et fondaient dans la bouche. Je ne tarissais pas d'éloges sur le Groupe Danone qui avait su conserver dans son portefeuille de marques, avec les Petits Brun, une de ses marques intacte de goût, de qualité et de simplicité. Las, ce beau schéma d'architecture de marque, qui faisait le délice de mes dimanches et de mes étudiants, s'est évanoui en début d'année. Désormais Petits LU et Petits Brun fondent dans la tasse et ne parviennent jamais à la bouche… Après maintes recherches, je suis désormais devenu un consommateur des galettes Bonne Maman, plus “marketées”, moins sages en goût et en prix mais qui ne fondent pas dans la tasse !

Prix sages et produits simples


La morale de cette histoire de madeleines mal digérée ? Nous savons tous que la sensorialité est le premier des fondamentaux de toute marque. Changer de couleur, c'est changer de peau, changer d'odeur ou de goût, c'est carrément abandonner sa personnalité. Je me souviens d'une marque dont nous avions, à force de volonté et d'intelligence, redressé les ventes et dont les efforts furent anéantis en moins de six mois parce que le labo avait changé un des aspects du goût, lié à l'utilisation d'un ingrédient, sans en prévenir le marketing ! Abandonner sa part sensorielle, c'est se condamner à abandonner ses clients fidèles et souvent nostalgiques. Pourquoi avoir modifié la consistance des Petits Brun, cette marque vieillotte qui n'intéressait que quelques nostalgiques du “Petit beurre carré qui n'entrait jamais dans les tasses rondes” ? Sommes-nous nombreux à avoir conservé cette pratique désuète du “Petit Beurre dans la tasse de thé” ? Ou cette pratique est-elle devenue marginale et digne d'abandon ? Par ailleurs, parallèlement à la perte de consistance, le prix des Petits Brun augmentait fortement. Mon raisonnement devant mes étudiants, sur la bonne gestion d'un portefeuille de marques équilibré entre les prix sages et les premium, s'estompait. Consommateurs et marketeurs s'étaient jusque-là entendus sur un travail à trois niveaux : des prix sages et des produits simples, le cœur du marché fondé sur des bons produits et des prix satisfaisants pour le porte-monnaie et des premium, supérieurs en qualité et en prix. En abandonnant ses prix sages et ses produits simples, un groupe se contraint à placer ses marques core market en situation défensive, perpétuellement en promotion face aux MDD et au hard discount, avec des marques premium de plus en plus chères et de plus en plus éloignées des préoccupations quotidiennes de leurs consommateurs. g.lewi@bec-institute.com

 
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Georges Lewi

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