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La mondialisation à la question

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Professeur d'économie à Paris X-Dauphine, au Centre de Géopolitique de l'Energie et des Matières Premières (CGEMP), consultant à la Banque Mondiale, Charles-Albert Michalet signe un ouvrage limpide et lumineux sur la mondialisation. Il y balaie les idées préconçues et les fantasmes de ses partisans comme de ses adversaires. Et il nous alerte sur les risques à venir.

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Pourquoi un titre aussi austère ?


J'ai voulu être strictement informatif. Mon effort a surtout porté sur la lisibilité et l'accessibilité pour le grand public. J'ai voulu rompre avec la façon dont écrivent habituellement les économistes et définir ce qu'est la mondialisation, comme le titre l'indique.

La mondialisation est un catalogue d'idées reçues ? Lesquelles ?


Le débat sur la mondialisation est omniprésent. Ses partisans et ses adversaires oscillent entre horreur économique et bonheur de l'humanité qui arrêterait la marche de l'histoire. Surtout, les deux parties sont finalement conservatrices. Elles se raccrochent aux schémas traditionnels qui ont constitué, depuis le début du XXe siècle, la base de la théorie économique des échanges internationaux. Elles relèvent soit d'un passéisme nostalgique, soit d'un rationalisme naïf.

Quels sont ces schémas ?


La mondialisation est confondue, de façon quasi unanime, avec l'extension planétaire de l'économie de marché, avec le triomphe de la "marchandisation". En réalité, il s'agit d'un phénomène complexe, multidimensionnel et multilinéaire. Tout le monde s'accorde à faire de la mondialisation le rouleau compresseur du nivellement et de l'homogénéisation. Soit on en dénonce les méfaits au nom de la perte de diversité des cultures, des langues, des coutumes. Soit on s'en félicite pour voir appliquer les principes universels de la Science du calcul économique rationnel.

Quelles sont les configurations de la mondialisation ?


J'en distingue trois : la configura-tion internationale, la configuration multinationale, la configuration globale. Dans la première, la mondialisation a pour dimension dominante les échanges de biens et services entre pays. Sa logique de régulation est fondée sur le principe de la spécialisation internationale. C'est l'existence de ces différenciations nationales qui vont déterminer la spécialisation des pays. La dimension prédominante de la seconde est celle de la mobilité des biens et des services. Sa caractéristique est celle des investissements directs des firmes à l'étranger. Sa logique est celle de la compétitivité qui exacerbe la concurrence, de nature oligopolistique, entre les firmes multinationales. La dernière est caractérisée par la prédominance de la dimension financière. Sa logique est mesurée par le rendement des capitaux investis. La configuration globale achève la déconstruction de l'Etat-nation, ébauchée par la configuration multinationale. Elle réduit à leur plus simple expression l'autorité de l'Etat et la consistance du territoire national sur lequel elle est sensée s'exercer.

Peut-on éviter la mondialisation ?


La mondialisation est inéluctable. Elle est indissociable du fonctionnement du capitalisme lui-même. La globalisation engendre de nouvelles différenciations de l'espace mondial.

Lesquelles ?


Deux orientations s'esquissent depuis les année 90. La première correspond à la constitution d'ensembles régionaux. La seconde repose sur la formation d'espaces infranationaux transfrontières ayant une logique de district industriel. Les grands acteurs privés multinationaux dans la finance et l'industrie ont considérablement affaibli le pouvoir traditionnel de l'Etat-nation. Ce glissement de pouvoir va se traduire par un effacement progressif des territoires nationaux. Nous n'allons pas pour autant assister à l'établissement d'un espace lisse et homogène. Le redécoupage est déjà en marche.

Quels risques majeurs voyez-vous se profiler ?


La désindustrialisation des économies de la Triade s'accélérera. Il est à prévoir que le mouvement de délocalisation s'accentue. Il aggravera la situation des sédentaires non qualifiés des économies du Nord qui ne trouveront plus d'emploi dans des entreprises sans usines. Mais le risque le plus important est à chercher dans la sphère du politique. Le dépérissement de l'Etat-nation entraîne avec lui la perte de contrôle des frontières, et notamment sur les mouvements de population. Ceux-ci vont s'amplifier et ajouter une quatrième dimension au phénomène de la mondialisation.

Justement, la mondialisation semble surtout faire l'objet de projections où prédomine la pensée opératoire. Et les populations ?


L'affaiblissement de l'autorité des instances politiques va aggraver les tensions sociales. Car l'intégration des populations nouvellement arrivées sera encore plus difficile. La notion de citoyen sera remplacée par celle de résident. L'effacement de la notion de communauté nationale va entraîner des chocs brutaux entre groupes rivaux. Les replis identitaires fondés sur des caractéristiques ethniques, raciales, religieuses, sexuelles, régionales vont s'intensifier. La carence de l'Etat-nation à dispenser des valeurs communes renforcera la ségrégation, l'exclusion sociale et la violence. Je considère que ce n'est pas la transformation d'une crise financière en crise économique qui constitue le scénario le plus probable. Le risque se situe plutôt aux marges de l'économique, dans le domaine des valeurs et de l'éthique.

 
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