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« Il faut réenchanter l'achat quotidien »

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Pour Sophie Romet, directrice générale de Dragon Rouge, l'innovation produit est l'un des moyens de répondre à la désaffection du marketing, avec la valorisation de la marque et sa relation au consommateur.

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Marketing Magazine : Pour vous, la crise que nous connaissons est-elle purement conjoncturelle ou plus profonde ?

Sophie Romet : Je crois sincèrement que c'est notre façon de faire du marketing qui est remise en cause : le marketing de masse est mort. Et ceci à tous les ­niveaux : du modèle traditionnel de la grande distribution à la réflexion sur le positionnement (comment expliquer que la plupart des briefs se font encore en termes de cibles par âge, sexe, CSP, alors qu'on sait que ces modes de segmentation sont inopérants ?). Il faut réenchanter l'achat quotidien.

Qu'est-ce que cela implique pour les marques ?

SR : Nous devons aller vers un marketing plus “ethnographique”, en fonction des attitudes et des modes de vie, donc revenir aux fondamentaux du marketing : la compréhension des consommateurs. Cela passe nécessairement par une remise en cause des modèles d'études existants afin de dépasser le déclaratif théorique et de privilégier l'observation du ­consommateur.

L'innovation peut-elle être encore une réponse ?

SR : L'innovation reste le moteur de la croissance d'une marque, à condition qu'il s'agisse d'innovation véritable. Malheureusement, beaucoup de lancements récents, faute de véritable idée forte, ont décrédibilisé la notion même d'innovation. Lorsque nous avons décidé de développer notre propre méthode d'innovation, nous nous sommes rendu compte que nous devions apporter une réponse nouvelle à trois étapes clés, qui peuvent être autant d'écueils à l'innovation : la détermination des insights d'abord (d'où l'idée d'observer l'expérience du consommateur, depuis son passage en linéaire jusqu'à son domicile, avec notre partenaire In Process ) ; la création des idées ensuite (un brainstorming et des concepts ne suffisent pas, il faut rendre les idées immédiatement tangibles, et donc intégrer le design très en amont pour les incarner) ; la validation de l'innovation enfin, pour ne pas censurer les idées auprès de consommateurs souvent viscéralement hostiles à la nouveauté !

Les marques ont-elles d'autres moyens de résister à la crise ?

SR : Il faut à tout prix que les marques sortent du système dans ­lequel elles sont progressivement prises en tenailles - entre la pro­position hard discount sur des achats devenus de moins en moins impliquants, et celle de la MDD qui ­traite souvent très bien, voire mieux, le cœur de marché. L'innovation produit est l'un des deux moyens d'y répondre, à parité (et non en contra­diction) avec la valorisation de la marque et sa relation au consommateur. Là aussi, le design a un rôle clé à jouer, surtout dans une période où les ressources se font rares. Il y a bien sûr le packaging, porte-drapeau de la marque en linéaire, synthèse de ses valeurs, créateur de complicité au quotidien ; mais aussi l'ensemble des signes identitaires de la marque, qui permettent de créer un lien avec le consommateur à tous ses points de rencontre. Le ROI du design est imbattable !

Cette dimension du design est-elle aujourd'hui reconnue ?

SR : Je crois qu'elle l'est, en théorie, que ce soit par les services marketing ou les directions générales, malheureusement pas assez dans les faits - nous sommes soumis à une pression financière énorme de la part des services achats. Par ailleurs, rares encore sont les ­partenariats par marque, pourtant le seul vrai moyen d'apporter de la valeur stratégiquement et créa­tivement à la fois. Cette attitude a de redoutables effets pervers car, à force de tirer les prix à la baisse, on y sacrifie “mécaniquement” non seulement du temps à passer sur un projet, mais aussi du savoir-faire et de l'expérience. Le risque, c'est que de nombreuses créations finissent par se ressembler, donc ne pas apporter cette valeur différenciante dont les marques ont tant besoin aujourd'hui. Sans compter qu'il faut oser avoir de l'audace, et ce contexte n'y pousse pas ! Qui sait encore créer une bouteille en ­forme de quille, une vache avec des boucles d'oreille ? Qui oserait les valider ? Chez Dragon Rouge, parce que nous sommes des entrepreneurs indépendants, nous avons pu faire le choix jusqu'à présent de maintenir nos méthodes de travail, nos phases de recherche larges, de préserver nos savoir-faire intégrés, mais que dire des petites struc­tures, plus fragiles, ou de celles qui appartiennent à de grands groupes de communication, contraintes à des obligations de retour à l'actionnaire beaucoup plus élevées ?

 
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Ava Eschwège

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