« Améliorer le patrimoine »
Dans un secteur de la publicité extérieure qui a subi de nombreux changements capitalistiques en 1999, la reprise en main d'Avenir par le groupe JCDecaux a préservé une grande marque dans le giron national. Jean-Charles Decaux, P-dg d'Avenir, revient sur la réorganisation du groupe et les innovations qu'il entend impulser en 2000.
Quelles ont été vos priorités depuis la prise en main d'Avenir ?
La première priorité a été de mobiliser l'ensemble de nos
équipes sur un projet commun, dynamique et nouveau. Ce projet est notamment
passé par une nouvelle organisation. Concrètement, deux directions générales
adjointes ont été mises en place chez Avenir. La première est en charge du
patrimoine et s'occupe de la politique de développement et de rationalisation
du parc de dispositifs que nous avons installés sur le territoire français.
Cette direction générale adjointe a été confiée à Jean-Marie Decaux. Elle a
pour but de développer la marque Avenir sur l'ensemble du territoire. La
deuxième direction générale adjointe est en charge du commerce et du marketing.
Confiée à Jean-Pierre Serrus, elle a pour objectif de mobiliser nos 140
collaborateurs en charge de ces domaines. Les autres directions du groupe ont
été mutualisées et sont au service de l'ensemble des marques du groupe JCDecaux
Communication Extérieure, à savoir JCDecaux pour le mobilier urbain, Avenir
pour l'affichage grand format, AP Système pour l'affichage aéroport, Claude
Publicité pour la publicité lumineuse. Il s'agit d'une réorganisation en
profondeur de l'ensemble de l'activité du groupe.
Quelles sont les principales différences entre le métier du mobilier urbain et celui de l'affichage grand format ?
En premier lieu, la différence vient du
format. Après cette différence de la taille, intervient celle de l'implantation
géographique. JCDecaux a créé le mobilier urbain, il y a 40 ans, pour pouvoir
pénétrer le coeur des villes avec un vrai discours de qualité en associant un
service public et une publicité maîtrisée et contrôlée. L'autre grande
différence intervient au niveau du mode de commercialisation. L'affichage grand
format traditionnel a un type de clientèle qui est aujourd'hui assez différent
de la clientèle du mobilier urbain. Ce qui rend l'acquisition du groupe Avenir
intéressant pour le groupe JCDecaux, c'est la complémentarité des clientèles.
La grande distribution ou les marques automobiles annoncent peu sur le mobilier
urbain, en revanche, elles sont très présentes sur le 4 x 3. A l'inverse, le
luxe, par exemple, est très présent chez JCDecaux et l'est moins chez Avenir.
C'est là où nous souhaitons véritablement organiser auprès de nos clients et
des agences médias un discours complémentaire. Il existe des différences entre
ces deux métiers, mais nous souhaitons faire accepter l'affichage traditionnel
aussi bien qu'a pu être accepté le mobilier urbain. L'affichage traditionnel
est souvent, pas toujours à juste titre d'ailleurs, contesté mais nous pensons
pouvoir transformer ce métier. C'est notre ambition.
Quels sont les prochains axes de développement et d'innovation pour Avenir ?
Avenir est le premier afficheur européen. C'est la marque de référence en
Europe pour l'affichage grand format. Sur cette constatation, nous voulons
baser notre développement futur. Il passe par plusieurs axes. Le premier est un
développement en croissance organique qui sous-entend une réorganisation et une
rationalisation des réseaux. Par exemple, le réseau Ravir est passé de 850
faces à 2 300 faces, le réseau Empir est passé de 3 200 faces à 5 000 faces.
Ensuite, l'innovation vient de l'introduction des vitrines d'Avenir. Les
vitrines d'Avenir étant un concept de faces de 12 m2 affichées sous verre,
éclairées par transparence et installées dans les plus grandes villes de France
pour améliorer la qualité de nos réseaux et l'environnement des cités. Nous
continuons donc un travail sur la qualité de nos produits. Aujourd'hui, nous
travaillons avec les plus grands designers au monde et Avenir va profiter de
l'expérience de JCDecaux pour pouvoir développer des gammes de produits à haute
valeur ajoutée en termes d'esthétique et de technicité. Aujourd'hui, nous avons
mis en place l'éclairage de 2 000 dispositifs supplémentaires. 100 % de nos
réseaux Ravir et Privilège sont éclairés. Le développement d'Avenir est aussi
lié à la création d'une cellule Avenir Evénementielle qui a pour but de gérer
tous les dispositifs événementiels à l'échelon national. L'objectif est de
pouvoir répondre à des créations spécifiques pour nos clients. Je crois qu'il
s'agira d'un axe de développement important pour la renommée de notre marque.
Avenir a aussi été le premier à créer Avenir.fr, un réseau spécialement dédié
aux internautes, en septembre 1999. C'est une vraie réponse à la communication
des start up et des acteurs du Net. Cette initiative a été suivie de près par
un certain nombre de nos confrères. Nous voulons réaliser dans les trois
prochaines années entre 15 et 20 % de notre chiffre d'affaires avec des marques
issues des nouvelles technologies, qu'elles soient de l'Internet ou de la
téléphonie portable. La marque Avenir se veut un mass média mais aussi, via la
campagne "le média qui parle à tout le monde en particulier", une marque de
proximité. Nous voulons offrir de la souplesse et de la flexibilité à nos
clients.
La dédensification est-elle toujours à l'ordre du jour ?
Il y a une volonté très marquée du groupe pour dédensifier et,
par là même, améliorer le patrimoine. Avenir aura un vrai discours qualitatif
auprès des municipalités et se veut une marque citoyenne. Cela veut parfois
dire dédensifier sur un même lieu, réduire les surfaces dans un certain nombre
de villes et améliorer la qualité esthétique des supports. Les dispositifs
d'Avenir doivent être en adéquation avec le paysage dans lequel ils se
situent.
Quels sont vos objectifs 2000 ?
Outre
l'amélioration des réseaux au niveau de l'éclairage, de la qualité des faces et
des dispositifs, l'objectif est d'obtenir un taux de croissance organique de 10
% du chiffre d'affaires et de continuer à être la marque référence de
l'affichage grand format français et Européen.
Qu'est-ce qui explique la bonne santé du média affichage ?
La conjoncture est
plutôt très bonne pour les investissements publicitaires en général. Il y a
aussi un effet structurel. L'effort fait par la profession pour rendre le média
affichage plus crédible en termes d'études et de positionnement marketing est
favorable. La communication extérieure profite d'une nouvelle donne comme la
fragmentation de l'audience en télévision. L'affichage restera un mass média
très important. Le rachat d'Havas Média Communication par JCDecaux et le rachat
de Dauphin par l'Américain Clear Channel vont aussi contribuer à dynamiser un
secteur en pleine mutation.
Etes-vous intéressé par le rachat d'autres sociétés en France ou en Europe ?
La politique du groupe
JCDecaux est très dynamique et agressive sur la croissance interne et externe.
Nous étudierons les dossiers qui seront sur le marché mais nous serons très
sélectifs.
Peut-on attendre un développement des synergies entre les marques du groupe JCDecaux au niveau des études, du marketing ou de la commercialisation ?
Il y a un comité stratégique commercial et
marketing qui a pour but de confronter et de faire travailler ensemble nos
équipes commerciales, aussi bien sur les dossiers de présentation pour nos
clients que sur des opérations très ponctuelles de partenariat entre les
différentes sociétés. Nous avons souhaité conserver des équipes commerciales
dédiées pour une plus grande émulation mais également parce que les modes de
commercialisation sont différents d'une société à une autre.
Les campagnes multi-format se dévelop- pent-elles ?
Nous proposons des
campagnes croisées aéroport, publicité lumineuse, mobilier urbain et affichage
grand format à un certain nombre de nos clients. C'est quelque chose que nous
encourageons et qui a un vrai sens commercial et marketing. On souhaite
véritablement développer ce genre de produits couplés entre nos différentes
marques.
Le mouvement de concentration qui s'opère actuellement dans l'affichage est-il amené à se poursuivre ?
C'est un processus
dans lequel nous sommes partie prenante. Aujourd'hui, le processus de
consolidation européen est déjà très avancé. Il reste peu d'acteurs, ils sont
souvent étrangers, américains en particulier. On se serait tout de même
félicité qu'il reste d'autres groupes européens dans notre secteur d'activité.
Désormais, le groupe JCDecaux est leader mondial de la communication
extérieure, avec un chiffre d'affaires de 9 milliards de francs.
Comment se déroule la concurrence avec le groupe Clearchannel ?
Elle est totale. Ce sont deux modèles qui se confrontent. D'un
côté, on trouve un modèle industriel et de société pionnière qui a toujours
privilégié la créativité et la qualité de ses produits. Alors qu'en face, il y
a des concurrents puissants, principalement financiers, qui ont procédé par
rachats successifs d'entreprises alors que le groupe Decaux, mis à part
l'acquisition d'Havas Média Communication, s'est toujours développé avec ses
concepts.
Croyez-vous au développement de campagnes d'affichage internationales ?
Nous avons des premiers clients qui nous
achètent des campagnes internationales, comme la marque espagnole de
prêt-à-porter Mango ou la marque Ford. Les processus de décision tendent à se
concentrer et dans 5 à 6 ans, il y aura dans chaque marque, un décisionnaire.
Comme nous sommes présents dans tous les pays européens, nous en profiterons.
La mise en place de packages publicitaires avec d'autres médias peut-elle être intéressante ?
Nous y sommes attentifs. Nous
pensons cependant que le média affichage a un vrai positionnement et qu'il
n'est pas toujours bon de le cannibaliser. La mise en place de packages doit
correspondre à une vraie réalité économique et stratégique pour les marques.