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Multicanal et tourisme, la nécessaire adaptation

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Alors que les pure players du voyage en ligne vantent des performances record sur le seul canal on line, la résistance des voyagistes traditionnels s'organise, étape par étape. Une adaptation qui passe nécessairement par le multicanal et la très progressive organisation de sa mise en place.

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Développer le marché, accroître le chiffre d'affaires, recruter et fidéliser de nouveaux clients… Depuis l'arrivée d'Internet, le multicanal nous promet tout. Un nouvel Eldorado pour la distribution tant B to C que B to B où les parts de marché se gagneraient à mesure que se ramifieraient les canaux de vente et que se multiplieraient les occasions de contacts avec un client lui-même devenu, lui aussi, multicanal. Bref, force est de le constater, aujourd'hui, on ne jure plus que par le multicanal structuré autour d'un Internet devenu pivot central dans les stratégies de vente et ce, quel que soit le secteur concerné. Les experts sont formels?: l'avenir du commerce sera multicanal ou ne sera pas?! Et que ceux qui n'auront pas su prendre ce virage ne s'étonnent pas de voir leur clientèle et leurs opportunités business se réduire soudain comme peau de chagrin. On ne résiste pas au multicanal qui s'impose. Et il s'impose très tôt sur le secteur du tourisme où l'intégration d'Internet à l'existant a introduit de nouvelles règles dans l'exercice de la distribution traditionnelle, passée d'un modèle mono ou bicanal à des systèmes tentaculaires et autrement plus sophistiqués que par le passé. Pourtant, si les promesses du multicanal apparaissent alléchantes, à la lueur des résultats de Voyages-sncf ou de la foudroyante percée d'Expedia, sa mise en place n'en demeure pas moins complexe. En particulier chez les acteurs traditionnels du marché du voyage où l'économie de l'offre repose sur la maîtrise des coûts d'un réseau physique d'agences souvent doublé de centres d'appels.

La techno avant tout

Or, dans un tel contexte, intégrer un canal supplémentaire pour diversifier la distribution n'est jamais neutre. « Nous avons été obligés de nous doter d'un service, marketing et communication, spécialisé dans les techniques du Web », explique Christian Vanroy, consultant chez Plus Voyages, l'agence de voyages éditrice des sites Promovols et Promosejours. Que l'on soit pure player ou voyagiste traditionnel, l'impact du multicanal se mesure avant tout en termes d'investissements car, avant de pouvoir générer des économies de structure sur Internet, il faut fournir de gros efforts en technologies. « Les acteurs les plus en vue de ce marché sont arrivés sur Internet à grand renfort de budgets de communication, mais la quasi-totalité d'entre eux ne disposaient initialement d'aucune technologie de back-office pour gérer leurs offres sur le Web, encore moins pour jouer les synergies avec d'autres canaux », se souvient Frédéric Pillout, responsable du développement Internet de GoVoyages. En effet, n'est pas multicanal qui veut. Premier écueil auquel ont dû se frotter les voyagistes désireux de s'aventurer sur cette voie, la structuration de l'offre en ligne qui s'articule autour d'outils de recherche et des systèmes de réservation complexes qu'il a fallu, à leur tour, interconnecter avec les GDS. Tour operator de vingt ans d'âge, mais aussi SSII spécialiste des technologies web, GoVoyages revendique la fourniture et la mise en place des back-offices de nombreux sites de voyages devenus des ténors du marché. Ce qui explique, en partie, le retard pris par les acteurs traditionnels exploitant déjà plusieurs canaux tels les catalogues, les centres d'appels et les agences, par rapport aux pure players arrivés sur Internet sans autre souci que l'absence de notoriété.

Traces de cannibalisme

Mais l'écueil technologique n'est que la première étape d'un parcours semé d'embûches. Chez Nouvelles Frontières, le voyagiste du n° 1 européen du tourisme off line, l'allemand TUI, les problèmes posés par une offre multimarque couplée à une distribution en multicanal sont d'une toute autre nature. Internet y est perçu comme une menace par le réseau des franchisés qui travaillent en exclusivité avec Nouvelles Frontière et qui peinent à distribuer certains produits clés. A fortiori depuis l'entrée en vigueur de la politique de décommissionnement voulue par les compagnies aériennes. « La tarification des vols est spécifique sur Internet où, pour être compétitif, il est impossible de répercuter les frais inhérents à l'émission de billets telle qu'elle est pratiquée dans le réseau, tout simplement parce que les frais d'émission dont pâtissent nos agences n'existent pas en ligne », explique Sébastien Bouillet, directeur du département multimédia de Nouvelles Frontières. Or, les vols secs, chez NF, c'est 60 % du CA. C'est dire à quel point la question est sensible… Surtout à ce stade d'avancement dans la logique multicanal du TO. Arrivé en ligne en 1995 avec une première vitrine - catalogue, Nouvelles Frontières a basculé en e-commerce, pour les seuls vols, en 1997. Et ce n'est qu'en 2000 qu'ont été ajoutées les offres de produits packagés et de séjours.

De la filialisation à l'intégration

Pour contenir l'impact inévitable de ce nouveau canal sur le réseau d'agences, Nouvelles Frontières a, dans un premier, temps filialisé ses activités e-commerce via NF Online. Filiale aujourd'hui rapatriée au sein du groupe où la distribution, tous canaux confondus, est gérée par une même direction. « Nos clients doivent pouvoir utiliser le canal qu'ils désirent au moment et pour la fonction de leur choix. Partant de quoi, il serait absurde de différencier les offres en fonction des canaux », indique Sébastien Bouillet. D'où le parti pris du groupe de définir une stratégie globale unique, soutenue par des campagnes de communication uniques reflétant avant tout l'enseigne et ses valeurs. Ce qui n'empêche par le groupe de développer des offres spécifiques au canal on line. Dernière illustration?: le lancement en mars dernier du site Ultravacances. Vocation de ce site, proposant des offres limitées à très bas prix?: renforcer la présence de Nouvelles Frontière sur le territoire du Net, en particulier sur le segment du discount. Avec un objectif malin à la clé?: contribuer au remplissage des avions et des hôtels commercialisés par le groupe, via des offres de dernière minute, à durée de vie très éphémère, et écouler les stocks d'invendus. Certes, cela ne résout pas l'épineuse problématique des franchisés, mais c'est déjà un pas de plus vers la diversification.

Un système à trois vitesses

Chez BestWestern, la mise en place du e-commerce n'apporte, en apparence, que des bienfaits. Et pour cause, la chaîne hôtelière exploite une offre monolithique de 4 000 hôtels dans le monde. La simplicité de ce positionnement sur une marque unique a facilité les étapes d'intégration d'Internet à la stratégie multicanal préexistante. Historiquement, la distribution reposait sur les call centers et les GDS qui référencent les produits BestWestern auprès de 80 000 agences de voyages mondiales. C'est en 1996 que le Web fait son apparition chez BestWestern avec la possibilité de réserver en ligne. Les technologies de réservation évoluant, le site bascule en mode transactionnel dès 1999. Neuf ans plus tard, il représente le canal de vente prioritaire pour la chaîne hôtelière. « L'enjeu actuel est de convaincre un maximum de clients de finaliser leur réservation en ligne », affirme Alexandre More, directeur marketing de BestWestern. D'où les nombreux efforts, en termes de simplification, fournis par le site. Pour autant, pas question de renoncer aux autres canaux, même si leurs performances s'affaiblissent à mesure que se développe le recours au on line.

Le nécessaire maintien de tous les canaux

Tandis que le Web enregistre 30 % de croissance entre 2004 et 2005, les call centers accusent une baisse de 15 % par an, bien que 36 % des réservations passent encore par ce canal. Tel est l'impact d'Internet sur les autres canaux chez BestWestern, Autant dire un moindre mal pour la chaîne hôtelière qui s'est délestée d'un de ses deux call centers européens. Quant aux GDS, si leurs performances stagnent, leur contribution aux réservations reste importante, autour de 40 % par an contre 27 % actuellement traitées par le site, Mais les GDS restent coûteux pour l'hôtelier qui, du coup, multiplie les efforts de développement en ligne. Une nouvelle version du site de réservation sera prochainement inaugurée afin de clarifier l'offre et faciliter la concrétisation des visites. « Le multicanal n'est pas une option mais une nécessité. Ce système à trois vitesses nous permet d'adapter notre communication aux différentes populations de visiteurs, les internautes, les non internautes et ceux qui préfèrent payer par téléphone », estime Alexandre More.

MD et multicanal, le couple efficace

Incontournable, le multicanal?? C'est ce que semble penser une majorité d'acteurs nés sur le créneau de la distribution traditionnelle. Ainsi chez Vacances Bleues, chaîne hôtelière VADiste, 35 ans de bouteille dans le marketing direct. Initialement, la distribution reposait sur un catalogue papier diffusé en MD et par centre d'appels, le tout centralisé via une base de données qui recense 80 000 foyers qualifiés, jusqu'ici segmentés suivant des critères socio- conso. Or, les méthodes ont évolué avec l'arrivée d'Internet et les technologies de ciblage et de tracking en ligne. Depuis, exit les vieilles recettes, place à la segmentation comportementale?! « Cela nous permet de mieux communiquer avec nos clients selon qu'il s'agisse de saisonniers, de clients fidèles ou d'opportunistes », avance Marianne Young, responsable marketing chez Vacances Bleues. Le premier pas vers le multicanal est posé en 2001. Au départ, un simple site vitrine permettant les seules réservations. Le basculement en mode transactionnel s'opère en 2004 à mesure que se clarifient les enjeux du commerce électronique. A présent, le voyagiste prépare même une refonte de son portail et une nouvelle offre en ligne qui se déclinera sur plusieurs sites.

Rajeunir la cible senior

Historiquement, Vacances Bleues se focalisait sur les seniors, Depuis, l'offre s'est considérablement élargi à d'autres populations. Le multicanal n'est pas étranger à cette évolution. Aujourd'hui, 15 % des clients de la base sont des familles et, parallèlement, les prestations proposées se sont diversifiées vers les produits et activités permettant de faire le lien parents / enfants que Vacances Bleues associe à son offre d'hôtels. Les bienfaits de cette petite révolution?? Pour la responsable marketing, Internet est avant tout un formidable canal de recrutement, comme en témoigne la part de nouveaux clients de la chaîne, dont 50 % proviennent du Web. Pour autant, pas d'excès d'emballement. « Nous ne pourrons jamais nous passer du catalogue qui reste notre canal identitaire, même si l'impact d'Internet va nous obliger à en revoir la périodicité », prophétise Marianne Young. Pour atteindre ses objectifs de doubler le chiffre d'affaires on line à l'horizon 2006, soit générer 2 % de chiffre d'affaires via Internet, il faudra miser avant tout sur les technologies. Le nouveau site, réalisé, comme le catalogue papier, par Euro RSCG 4 D, accueillera également de nouvelles offres telles que l'immobilier, créneau sur lequel Vacances Bleues souhaite à présent se positionner. A venir, aussi, l'ouverture d'agences, via un partenariat, au sein des enseignes Leclerc qui renforcera son réseau actuel de cinq agences. Bref, si le multicanal ne s'improvise pas, à tout le moins permet-il de résister à la concurrence par adaptation aux nouvelles exigences du marché. Un secteur où, nous dit-on, les parts de marché ne sont plus à prendre ailleurs que chez les concurrents.

Entretien Christian Vanroy (Plus Voyages) :

« Le multicanal est le seul moyen de survivre sur le marché du tourisme » Confrontée aux vagues de concentration qui s'opèrent sur le marché du voyage, l'agence Plus Voyages ne baisse pas les bras et bascule en mode multicanal.

Quels sont les principaux enjeux du multicanal pour votre secteur?

Le multicanal n'est pas une mode mais une nécessité pour les acteurs traditionnels du tourisme. Dans le contexte de marché actuel, c'est le seul moyen de survivre car il ne faut pas se leurrer, le tourisme sur Internet ne fabrique pas de nouveaux clients. Contrairement à ce que revendiquent les pure players du voyage, les taux de croissance annuels supérieurs à 40 % ne proviennent pas du développement mais de la migration des canaux traditionnels vers Internet. Pour s'en convaincre, il n'y a qu'à considérer l'atonie de la croissance actuelle du marché global du tourisme qui doit se situer autour de 3 %. Résultat?: les agences classiques ont la vie dure mais ce sera bientôt le tour des producteurs d'être confrontés à la difficulté de distribuer

Quelle est la nouvelle configuration de Plus Voyages?

Au socle historique, une agence traditionnelle dotée d'un centre d'appels, nous avons ajouté deux offres en ligne sous les marques Promovols et Promosejours qui nous permettent de distribuer des offres complémentaires en accentuant notre présence sur le Web.

Quels enseignements tirez-vous de cette expérience?

Le centre d'appels est mieux exploité en distribution que par le passé. Nous n'attendons plus le client en agence mais nous nous positionnons là où il se trouve. En fait, le multicanal, c'est une continuelle remise en question. Chez Plus Voyages, il a fallu savoir rester commerçant sans tomber dans le mercantilisme, ne pas abuser des produits d'appel qui ne sont pas une finalité en soi mais un appât pour attirer de nouveaux clients. Enfin, il ne faut pas multiplier les discours sur Internet, mais afficher une identité différente tout en gardant ses principes, son image d'origine?; rester dans une logique métier et faire en sorte que le client soit rentable dès la deuxième vente.

Pour réussir en multicanal, quelles sont les règles?

Tout l'enjeu du multicanal consiste à maîtriser ce vaste empiècement de canaux et de technologies afin de maintenir les marges tout en réduisant les coûts. Une illustration?: quand les coûts d'acquisition client atteignent les niveaux actuels, il faut pouvoir réagir en mettant l'accent sur les opérations de fidélisation. Côté offre, il faut en revanche tenir compte des spécificités de chaque canal.

Quels sont les développements à venir?

Nous allons nous lancer dans la production. A ce titre, nous venons d'inaugurer une offre méditerranéenne et nous poursuivrons en créant des labels pour que le client retrouve les mêmes produits d'année en année. Et, pour que cela soit possible, il va falloir capitaliser davantage sur les produits et pas uniquement sur les prix.

Govoyages, le multicanal pour être incontournable

Le multicanal, chez Govoyages, c'est plus qu'un choix, un rouage essentiel de la structure de ce très particulier voyagiste technologique qui a réalisé 220 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2004 dont 110 via Internet. Né en tant que tour operator dans les années 90, Govoyages s'est depuis diversifié en distributeur en déployant un réseau de 5 000 agences en propre. La marque Govoyages profitant aussi d'une distribution exhaustive, dans toutes les agences de voyages. Le voyagiste dispose également d'une flotte de trois avions et assure des vols vers des destinations peu desservies. L'arrivée d'Internet dans le secteur du voyage a largement inspiré le développement successif de Govoyages qui, prévoyant l'arrivée des pure players, a développé un outil destiné à devenir incontournable pour ce marché?: le célèbre moteur de recherche de vols dont les résultats frôlent l'exhaustivité. Pour imposer cet outil, une idée efficace de simplicité. « Nous l'avons distribué gratuitement à tous les nouveaux venus sur le créneau du on line au moment où les structures back-office n'étaient pas encore intégrées aux sites de voyages », détaille Frédéric Pillout, responsable du développement Internet de Govoyages. Résultat?: le moteur Govoyages a proliféré en marque blanche sur pratiquement tous les sites de voyagistes. Quant au moteur de destination pour le grand public, il est devenu incontournable. D'où l'excellente maîtrise du produit vol sec acquise par Govoyages. D'où, sans doute, la volonté de pousser plus loin la logique du multicanal et d'intégrer des offres packagées fondées sur le principe du dynamic package avec vols, hôtels et location voitures. Une réponse opportune à l'entrée en vigueur du décommissionnement. « Les produits hôteliers comblent la perte de marge sur les vols et c'est en phase avec les activités d'Accor », conclut Frédéric Pillout.

 
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Nathalie Carmeni

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