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[Billet] Le marketing en mode extra-lucide !

Publié par Stéphane Guillard le - mis à jour à

"Sens dessus dessous" : tous les quinze jours, la spécialiste du langage Jeanne Bordeau analyse le sens et le poids (marketing) des mots. Aujourd'hui, elle explicite la notion de marketing prédictif.

Pour prévoir le comportement du consommateur, pas besoin de boule de cristal. Il suffit de recourir au marketing prédictif. Outil magique qui peut faire fi de l'incertitude qui pèse sur la relation client. Prédictif, le marketing mais jusqu'où ?

Bien avant le big data

Le marketing prédictif n'est pas un enfant du big data. Il existait avant mais sous une dénomination moins séduisante. Ainsi, en 2005, on parle de "modèles prédictifs". Nous sommes encore dans un lexique de spécialiste puisque ce "modèle prédictif" est explicité de la sorte : "La modélisation consiste à utiliser des mathématiques et des statistiques pour analyser une base de données et déterminer des formules qui expliquent le comportement des clients"[1].

Il est déjà question de données - mais pas de grosses données façon big data - et il s'agit bien de déterminer une probabilité. Probable vient du latin probabilis. Or, ce qui est probable est certes mesurable grâce à un indice et même à un score - selon la formule marketing - mais n'est pas certain !

Avec l'arrivée du big data, certains ont tendance à oublier que le prédictif provient de l'anglais predictive. Et predictive renvoie à l'idée de prédiction !

Pour les marketers, la botte secrète se nomme algorithmes. Tellement puissants, ils criblent nos actions passées pour ensuite prévoir au mieux nos actions à venir.[2]

Le marketing absolu

Quand la technologie se montre si prometteuse, on peut être tenté d'imaginer l'émergence d'un "marketing absolu"[3]. Nous sommes en effet dans ce "marketing ubiquitaire", celui "qui nous parle partout, tout le temps". Et en plus, puisqu'il y a du prédictif dans cette relation client, la conversation entretenue avec le consommateur est personnalisée au maximum !

Ainsi, sur son site, la Fnac retient l'historique et la navigation "récente" de son adhérent. Elle peut alors lui proposer une sélection de produits qui pourraient l'intéresser. Bien entendu, cela n'est possible qu'avec le consentement de l'intéressé. La Fnac peut indiquer à son utilisateur qu'il bénéficie d'une "sélection unique", que c'est vraiment une "recommandation personnalisée".

L'incertain est certain

Le marketing prédictif revient à interpréter des signaux. Des signaux que nous envoyons tous les jours, parfois à notre insu ! Mais ces signaux reposent-ils sur une logique indétrônable ?

On peut capter des "signaux faibles", des tendances, pour penser les produits qui demain raviront l'homo economicus. Se rendre compte par exemple que le citoyen passe son temps à trimbaler son chargeur de portable et à chercher une prise et inventer... Inventer un portable qui se rechargerait grâce au Wi-Fi (rêvons un peu) !

Mais faire du marketing prédictif à l'échelon d'un individu en simultané, est-ce vraiment possible ? Aux États-Unis, un algorithme imaginé par un brillant data scientist nommé Andrew Pole est en mesure de déceler la grossesse d'une femme enceinte dès son troisième mois. Comment ? Parce que la cliente qui attend un bébé modifie ses habitudes de consommation[4] et l'algorithme sait le détecter !

Pourtant, comme l'analyse justement Philipe Cahen, expert des signaux faibles et de la prospective, dans son livre Le Marketing de l'incertain[5], l'homme est "risquophobe". Il préfère imaginer un scénario qui le rassure, mais en même temps il est intuitif et émotionnel.

Dans la vie de tous les jours, si les humains que nous sommes continuent à utiliser leur voiture en pleine ville, au milieu des embouteillages, c'est la faute de l'habitude. Oui, souligne Thomas Buhler[6], qui décrypte les déplacements urbains, l'homme ne sort pas le matin en se demandant s'il va prendre le vélo ou l'auto. Il est embarqué par ses habitudes.

Ces habitudes que l'on ne remet pas en cause sont sans doute les meilleurs alliées du marketing prédictif. Mais l'algorithme pourra-t-il prévenir tout à coup cette envie puissante et inattendue de changer qui nous saisit tous un jour ?

[1]Gestion de la Relation Clients, édition 2005, René Lefébure et Gilles Venturi, Eyrolles

[2] Marketing prédictif : quand le "big data" anticipe les (ré)actions des consommateurs


Retrouvez cet article sur : www.e-marketing.fr - "[Tribune] Marketing prédictif : quand le "Big Data" anticipe les (ré)actions des consommateurs"

[3] Tout savoir sur l'absolu marketing, Bruno Teboul et Jean-Marie Boucher, Editions Kawa 2013

[4] Big data : quand le marketing digital se met à l'heure de la science des corrélations

[5] Le Marketing de l'incertain

[6] Thomas Buhler Déplacements urbains : sortir de l'orthodoxie PPUR

Retrouvez d'autres mots de Jeanne Bordeau sur notre site :

Marketing Geek
Do-gooding
L'empowerement

L'auteur : Jeanne Bordeau est la créatrice d'un bureau de style en langage, l'Institut de la Qualité de l'Expression, auquel des entreprises françaises et internationales confient des missions de diagnostic et de création en langage.À l'origine d'inventions et de méthodes déposées à l'INPI (Charte sémantique, École de rhétorique, Baromètre de mesure de la qualité de l'écrit...), Jeanne Bordeau est aussi conférencière, enseignante à la Sorbonne et au MBA ESG stratégie de communication digitale (MSCD). Artiste, elle expose des tableaux de mots qui créent, chaque année, un observatoire de tendances linguistiques. Suivez-la sur Twitter @JeanneBordeau.
Et sur son site institut-expression.com

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