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Innovation produit: les atouts de l'hybridation des catégories

Publié par Gwenaëlle de Kerret et Cora Büttner le - mis à jour à

2016 a vu éclore nombre d'innovations dans l'alimentaire. Nouvelles recettes, innovations packaging... parmi ces approches, l'hybridation produit connaît un nouveau souffle. Décryptage avec deux spécialistes de l'innovation, Gwenaëlle de Kerret, sémiologue, et Cora Büttner, consultante marketing.

En quoi l'hybridation produit permet-elle d'innover?

Cora Büttner: L'hybridation est une méthode qui consiste à croiser plusieurs catégories ou univers pour générer des idées de nouveaux produits. Elle incite les marques à "dézoomer", à regarder ce qui se passe sur d'autres catégories de produits et à s'en inspirer pour fertiliser l'innovation.

Gwenaëlle de Kerret: D'un point de vue sémiologique, avec l'hybridation, la marque introduit dans son produit le paradigme d'une autre catégorie d'expériences. Il peut s'agir d'une catégorie proche: Nutella rapproche la tartinade du biscuit (B-Ready) et Ben&Jerry, traditionnellement connu pour ses crèmes glacées, propose un biscuit fourré revisité. Mais l'hybridation peut aller plus loin. La catégorie alimentaire peut être mixée à un bénéfice cosmétique. À l'image de Colgate, qui lançait récemment la brosse à dent maquillage (incluant un stylo pour blanchir ses dents), Verquin propose des bonbons "Tête Brûlée" à l'effet rose à lèvres.


Quels sont les avantages d'une telle méthode pour les marques?

CB: L'hybridation permet aux marques de se différencier car l'appropriation de codes d'autres catégories contribue souvent à créer une rupture visuelle en termes de packaging. Le sirop doseur de Teisseire, par exemple, se distingue aisément en linéaire des autres bidons grâce à la forme type "pouss' mouss", empruntée à l'hygiène-beauté. Le vernis Magicretouch de L'Oréal, qui permet d'apporter des retouches quand le vernis commence à s'écailler, se présente avec un embout de stylo-feutre. Cette approche permet aussi aux marques de proposer des innovations qui vont toucher des nouvelles cibles consommateurs et donc de générer de la croissance. ZeCompot de St Mamet, qui s'inspire beaucoup de Yop, tente ainsi de toucher les adolescents pour qui la compote n'est pas un produit très sexy en termes d'image.

GK: Grâce à ce type d'innovations, la marque est en mesure de démultiplier les occasions de consommation et donc les quantités consommées. En rompant avec l'opposition paradigmatique dessert versus boisson, St Mamet ne se consomme plus seulement à la table, mais également en mode nomade.


En quoi l'hybridation peut-elle construire un succès commercial?

GK: L'hybridation peut offrir deux facteurs de succès. Le premier consiste en une amplification de l'imaginaire du produit. En associant les bénéfices de catégories généralement distinctes, et notamment l'hédonisme, la marque augmente d'autant les valeurs de plaisir susceptibles de séduire le consommateur. Le deuxième facteur de succès est lié à la modification du rituel de consommation. En rapprochant deux catégories produit, l'hybridation peut introduire une dimension ludique dans l'acte de consommation. Elle déconstruit les frontières habituelles de l'expérience de consommation et pour le consommateur, ce caractère ludique peut réenchanter le rapport au produit. Pour d'autres hybridations, la modification du rituel de consommation se fait par simplification du rituel: avec "B-Ready" par exemple, Nutella condense le déroulé habituel de dégustation (préparation de la tartine) et propose une consommation immédiate. Cette simplification du geste traditionnellement associé au produit peut constituer un gage de séduction.

CB: L'approche la plus réussie est quand l'hybridation permet d'être suffisamment rupturiste pour créer un nouveau segment de marché. C'était le cas des BB Crèmes. La clé réside dans le fait de partir des besoins consommateurs comme clé d'entrée et de voir ensuite comment y répondre en s'affranchissant de sa catégorie d'origine et en métissant les segments de marché connexes. La BB crème répond ainsi à un besoin de praticité, de gain de temps avec un produit qui est à la fois un soin hydratant et un fond de teint qui illumine et corrige les imperfections... L'hybridation réussie est donc une méthode qui doit être au service d'une problématique consommateurs.

Gwenaëlle de Kerret travaille depuis 12 ans en tant que sémiologue et consultante étude. Elle dirige aujourd'hui l'agence SemioTiPS, qui accompagne les organisations dans leurs projets de communication, de design et d'innovation, en France et à l'international. Gwenaëlle de Kerret est par ailleurs Docteure en science de l'information et de la communication. Elle enseigne la sémiologie et le management des identités culturelles et commerciales à l'université et en écoles de commerce.
Après avoir travaillé 12 ans chez Danone, Unilever et Orangina Schweppes, Cora Büttner crée il y a sept ans une société de conseil en innovation INO2. Elle accompagne les sociétés de grande consommation sur des problématiques d'innovation et de marque en intégrant dès que possible la dimension design pour être plus rupturiste. Elle combine trois expertises études: consommateurs-marketing-innovation.

Pour aller plus loin:

Design thinking et sémiologie: donner du sens à l'innovation

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