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Handicap : la pub peine à trouver les "maux"

Publié par Philippe Lesaffre le - mis à jour à

En 2020, le handicap n'a été présent que dans 1 % des campagnes de publicité. Les citoyens attendent des marques un réel engagement social et solidaire. Mais comment épauler les entreprises afin qu'elles prennent le bon chemin de l'inclusion, loin des stéréotypes ?

"Humanistes jusqu'au bout des ongles, humains jusqu'au fond des tripes", slame Gaël Faye dans le clip de campagne de la SNCF, Hexagonal. Puis, plus loin : "On n'est pas statique, on est progressiste. Parfois en retard, mais pas retardataire, on est avant-gardistes." Dans ce petit film de communication, sorti en 2021, l'entreprise, vieille dame de près de 85 ans, a voulu indiquer ce qui l'unit aux Français. Montrer, comme nous le précise Stéphane Chéry, directeur de la marque, de la publicité et des partenariats, que "la SNCF est un bout de France et des Français".


... et d'un récit authentique

Autant que Constance Wiblé, qui apporte tout de même cette nuance : "Souvent, les personnes en situation de handicap sont vues dans les publicités comme des super-héros, c'est certes utile, cela fait avancer la cause, mais ce n'est pas suffisant." C'est la limite de la figure du rôle-modèle, encore dominante dans les campagnes de publicité sportive : "Pour représenter le handicap, il n'est pas obligatoire de valoriser l'exceptionnel, on peut aussi mettre en avant des citoyens ordinaires, tout simplement."

Lisa Gache, de l'agence The Good Company, de renchérir : "On pourrait diversifier les récits." Faire en sorte, en somme, que "les mêmes archétypes ne tournent pas en boucle". Voilà la difficulté : éviter les clichés, les caricatures, réduire les handicaps à un objet, telle une canne, par exemple. "Pour éviter les écueils, et mieux représenter les handicaps, les marques peuvent échanger avec les acteurs, les associations, ou les personnes en situation de handicap, qui ont la légitimité." But de l'opération : mieux comprendre... et, au final, "coconstruire" un produit... En 2021, la marque Degree a sauté le pas pour concevoir un déodorant à l'emballage plus facile à prendre en main pour des personnes ayant une déficience motrice au niveau des membres supérieurs, et utiles aux malvoyants, également. Un produit en somme inclusif, avec une étiquette en braille, présenté dans une vidéo promotionnelle mettant en scène un boxeur qui s'en sert, justement. "Il y a moins de risque qu'on vise à côté, assure Lisa Gache, si une marque est authentique".

"No more clichés"

Rendre visible le handicap dans une communication peut aussi être intéressant dans la mesure où le message délivré concerne une autre problématique... Exemple, le nageur Théo Curin s'est mis en scène, en mars dernier, pour sensibiliser à la protection de l'océan. Touche-à-tout, il avait l'an dernier, avec deux autres athlètes, traversé en totale autonomie en Amérique du Sud, le lac Titicaca, le lac navigable le plus haut du monde. Son intention : alerter sur la pollution plastique au niveau de cette immensité fragile... L'expérience a plu, et l'ex-champion paralympique est devenu l'ambassadeur de la marque de produits de soin Biotherm, engagée sur la sauvegarde des mers.

Le réseau COM-ENT vise à accompagner les entreprises pour qu'elles avancent dans la bonne direction. "L'étude n'était qu'une première étape et a servi à dresser un état des lieux", précise Constance Wiblé. Un groupe de travail a été mis en place pour réfléchir à la mise en place d'actions concrètes... à l'instar de ce qui avait été effectué à propos de l'image des femmes dans les publicités. Le réseau des communicants avait été à l'origine en 2016 de la campagne "No more clichés", assortie d'un kit de communication non sexiste, à télécharger et à diffuser "un peu partout et en particulier dans les écoles de communication", ajoute-t-elle. Quand les communicants prennent les devants.